Troyes et l'Aube précurseurs



Les Jardins ouvriers



     C’est l’arrière grand-père paternel de mon épouse, Joseph Huguier-Truelle, pharmacien à Troyes, place Jean-Jaurès, qui, en 1900 , crée l’Association des Jardins Ouvriers de Troyes, œuvre sociale, morale, philanthropique, d’hygiène et d’assistance par le travail. 

C’est  une des premières associations de France, à être reconnue par la loi d’association du 1er août 1901.

Elle est reconnue d’utilité publique, par décret du Président de la République du 30 juin 1906, 3 ans avant la Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer présidée par son fondateur l'abbé Lemire, créateur des Jardins Ouvriers !!

Ses buts sont peut-être à méditer aujourd’hui :

 " Rapprocher les membres de la famille entre eux, rapprocher le patron de l’ouvrier, le propriétaire du prolétaire.

Procurer un air pur, donner la santé, le délassement, la distraction, être un sanatorium naturel.

Lutter contre le taudis, l’habitation sans air, sans soleil, source de maladies.

Lutter contre l’alcool et la tuberculose.

Lutter contre le cabaret, où les esprits s’échauffent où se dépense le salaire destiné à nourrir la famille.

Favoriser la natalité.

Procurer, par les légumes obtenus, une nourriture saine et abondante.

Le jardin n’est pas seulement pour les familles des travailleurs un moyen d’éducation, il est aussi un élément de rapprochement social : se retrouver, s’entraider, s’apprécier, s’aimer…

Rapprocher dans les jardins les déracinés de la campagne et les citadins déshérités, que tous ceux qui désirent un coin de terre, leur part d’air et de soleil, l’obtiennent… "

… Le jardin est le régulateur de la vie de famille, il retient le père loin du cabaret, l’empêche de courir aux réunions publiques, l’éloigne des manifestations tumultueuses, tandis que la femme et les enfants profitent d’un bien-être inconnu jusque là, aussi bien au point de vue de la santé que leur vaut le plein air, qu’au point de vue de la paix du ménage, de la tranquillité de l’économie que leur assure la possession d’un jardin… "

"…La culture du jardin incite à posséder une habitation saine, ensoleillée, située au milieu du jardin, y respirer le grand air pur qui donne la santé. Il provoque le désir de la petite propriété. Pour acquérir la maison et le jardin qui l’entoure, mettez de côté chaque jour le prix des légumes consommés, ajoutez-y le prix de loyer qui n’est plus à payer. Ces deux sommes réunies et employées à payer l’annuité due à la Société des Habitations Ouvrières est suffisant. Au bout de 20 ans, vous devenez propriétaire de votre maison, résultat obtenu par le travail dans le jardin "

… nous formons le vœu de pouvoir doter chaque 300 mètres de jardins d’une tonnelle, tonnelle qui inciterait la famille pendant les longues journées d’été à venir faire la dînette le soir. Le lopin de terre en serait davantage aimé, puisqu’il donnerait en plus à nos laborieux jardiniers, comme l’illusion d’une petite maison de campagne en miniature… "

Lors d’un congrès national de la Natalité à Troyes est voté le vœu suivant :

Les Jardins Ouvriers favorisent la natalité et doivent être créés partout où cela est possible… dans la petite chambre trop étroite, la présence de l’enfant est gênante. Au jardin au contraire, l’enfant est désirable. Il aide à sa culture. Il en est la fleur. Les parents en viennent à souhaiter sa venue au lieu de la redouter… "

En 1905, le président Huguier diffuse une notice sur l’alcoolisme et ses dangers, et un volet de deux tableaux intitulé " Un ménage malheureux et un ménage heureux ". Ces deux tableaux, à la manière des images d’Epinal, décrivent le ménage malheureux où la mère de famille laisse son intérieur dans un état tel que son mari au retour du travail n’a d’autre solution que de se rendre au cabaret dépenser les ressources du ménage, alors que le ménage heureux est celui où l’épouse est debout dès avant le jour, pour préparer le petit-déjeuner de son mari avant son départ pour l’atelier (c’est très instructif ! Pour le lire, contactez moi)

Dans le règlement général, on lit : "… les jardins sont concédés aux familles d‘au moins 3 enfants. La priorité est donnée aux familles nombreuses… les discussions orageuses y sont interdites, ainsi que les discussions politiques ou religieuses… toute personne en état d’ivresse en sera exclue… "

Motifs d’exclusion ou de refus de jardin : "… poivrot, maraudeur, braconnier, vente d’allumettes en contrebande, a cherché à violer sa fille, divorcé : si le divorce est en sa faveur et qu’il n’est pas collé avec une autre femme, le jardin lui sera rendu… "

En 1920, un jardin a été refusé à un homme qui avait une jambe de bois et qui était manchot !

Les Jardins ouvriers ont vraiment été créés pour les familles nombreuses. Voici les statistiques en 1914 :

Famille de  3 enfants :           28 %

                         "       4 enfants :            20 %

                         "       5 enfants :            20 %

                         "       6 enfants :           1 2 %

                         "       7 enfants :              6 %

                         "       8 enfants :              4 %

                         "       9 enfants :              4 %

                         "     10 enfants :              3 %

                         "     11 enfants :              1 %

                         "     12 enfants :              1 %

                         "     13 enfants :              1 %

soit un tiers des familles de jardiniers ont 6 enfants et plus !!!

 

  

  Les jardiniers sont admis après s'être assurés de leur moralité, bonne conduite, qu'ils sont mariés, pères de famille nombreuse et que leurs enfants suivent régulièrement l'école. Le Président demande à la police une enquête sur le futur jardinier.

A cette époque, 100 jardins nourrissent environ 715 personnes. Pour les jardins actuels, cela représenterait 4.500 personnes !!!

           En 1900, le premier groupe comprend 8 lots rue Diderot, les terrains étant mis gracieusement à leur disposition par la municipalité.

            En 1902 ils sont remplacés par une location rue Aux Moines prolongée, jusqu’en 1910.

           Le docteur Millard achète et fait don en 1906 d’un terrain de 85 ares aux hauts Clos, pour 27 jardins… …

            En 1982, achat de 12 hectares à Troyes/Pont-sainte-Marie.

           La Ville de Troyes, dès la création des Jardins Ouvriers,   prend en charge les frais de canalisation d’eau, mais pour éviter tout gaspillage, spécifie que l’eau cédée gratuitement ne dépassera pas 10 m3 par are et par an. L’association installe des compteurs.

          Dès 1903 les maires président les Assemblées générales, et dès 1912, le Préfet devenu Président d’honneur y assiste ou s’y faisait représenter, visitant même avec son épouse les jardins. La presse de l’époque écrit : " le Préfet questionne chaque jardinier sur ses charges de famille, son salaire, sur la santé de ses enfants et de ses vieux parents… A chacun, après échange d’une cordiale poignée de main, met l’espoir au cœur. Il prend note des besoins les plus urgents, avec promesse d’y donner promptement satisfaction… "

            En 1908, le célèbre docteur Emile Coué (qui donne des cours dans le monde entier sur sa méthode) devient membre de l’Association.

            A partir de 1948, sont organisées des fêtes, avec défilés de chars, élection d’une reine, concert et bal.Les jardins sont passés à 150 en 1919, et à 630 aujourd’hui.

             Une dizaine de nationalités s’y retrouvent..

        

           Joseph Huguier-Truelle est resté président de 1900 à 1925, le grand-père maternel de mon épouse, Alexandre Loiselet président de 1939 à 1950. Personnellement, j’ai été secrétaire général de 1951 à 1994.

           L’association des jardins ouvriers et familiaux de Troyes est considérée comme l’une des plus prospères associations de jardiniers de France.

    



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