Blason de Loménie
Blason de Loménie

La révolution




Mémoires de la Vicomtesse de Loménie

La vicomtesse de Loménie
La vicomtesse de Loménie

 

Voici quelques fragments des mémoires rédigés par Mme de Loménie sur ce que certains Aubois ont vécu pendant la Révolution.

 

            C’est un récit  passionnant, écrit sur le vif, et très instructif, nous permettant de mieux connaître cette période de la Révolution.

 

            La vicomtesse de Loménie, née Elisabeth-Louise-Sophie de Vergès, avait épousé en 1785 François-Alexandre-Antoine de Loménie, l’aîné des fils adoptifs du comte de Brienne, et qui mourut avec lui sur l’échafaud en 1794.

 

            « Nous arrivâmes au château de Brienne en 1785. Le temps se passait d’une manière fort agréable, beaucoup de monde, beaucoup de plaisirs, aucuns soucis. M. de Brienne employa sa fortune à bâtir un superbe château, à faire du bien à ses parents, à ses vassaux, à mener à Brienne la vie d’un grand seigneur, donnant des fêtes, ayant des équipages de chasse… mais, pour lui, il ne dépensait rien. Il a travaillé pendant 32 ans à cette construction, qui était terminée 3 ans avant la Révolution…

 

            1793 : les suspects de Troyes sont envoyés en prison à l’Ecole militaire de Brienne, et M. de Brienne eut ordre, comme maire, de les loger.

 

            La Société des Jacobins se tenait aussi à cette Ecole militaire, tout près des détenus. Un des plus violents de ses membres était un curé intrus de Brienne (nom donné, durant la Révolution, aux ecclésiastiques assermentés ou constitutionnels, c’est-à-dire qui avaient prêté serment à la constitution civile du clergé).

 

            Nous reçûmes plusieurs lettres de Paris qui engageaient M. de Brienne à s’en aller, car, disait-on, on parle de l’arrêter, mais il ne voulait pas le croire.

 

            L’archevêque n’était resté en prison qu’un mois. M. de Brienne voulut aller le voir. Le citoyen Rousselin (voir ce chapitre), envoyé du Comité de salut public à Troyes, pour mettre à contribution et en prison ce qui était riche et honnête dans cette ville, fit retourner M. et Mme de Brienne qui allaient à Sens, disant qu’il irait le lendemain chez eux… Il fallait tutoyer ce citoyen, il ne voulait pas voir les femmes… Il se mit à table en arrivant, vit la municipalité et le président des Jacobins, et assura M. de Brienne qu’il n’était pas encore « au pas »…

 

            Après sa visite, M. de Brienne partit pour aller voir son frère. Il trouve à Sens la famille réunie, mon mari et son frère arrêtés pour avoir fait une visite chez un M. D’Etigny, qu’ils connaissaient à peine. Les envoyés du Comité de salut public étaient envoyés de Paris avec ordre d’arrêter M. D’Etigny, et tout ce qui se trouverait chez lui. La Municipalité de Sens s’opposa vainement à l’arrestation de ces Messieurs de Loménie…     

 

            Le 25 février, nous apprîmes qu’un citoyen monta avec un officier municipal, du Comité de salut public, pour visiter les papiers de M. de Brienne, et nous dit qu’il était arrêté à Sens et qu’il était investi des pouvoirs pour arrêter M. de Brienne et tout ce qui était chez lui. Le château fut rempli  de toute la garde nationale armée, et on visita les papiers de nos maris. Tout le bourg de Brienne témoigna la plus grande désolation. M. de Brienne était réellement adoré chez lui, et chacun croyait perdre son père. Un seul homme venu de Paris, sans armes, ni éducation, ni moyens, fit obéir cette multitude de gens pour faire le malheur d’une famille qui n’avait jamais fait que le bien…

 

            A 2 heures du matin, M. de Brienne arrive et nous apprend l’étendue de nos maux : nos 2 maris (Alexandre et Charles de Loménie), Mgr le coadjuteur, conduits à Paris, enfin l’archevêque, mort la même nuit de son arrestation. Les gens du Comité de salut public étaient tous de sac et de corde (soldats qui pillaient les villes et qui auraient alors mérité d’être pendus) : 2 avaient été aux galères à Pondichéry, un seul savait lire et écrire et signer le procès-verbal de l’arrestation de M. de Brienne…

 

            Toutes les communes des environs de Brienne nommèrent des députés, et firent des adresses très énergiques pour assurer la Convention que M. de Brienne était le meilleur des citoyens et le père de sa province.

 

            Un courrier revint, qui rapporta qu’il fallait que M. de Brienne fût conduit à Paris… Combien de fois on conjura M. de Brienne de se sauver, mais il avait  donné sa parole d’honneur à la commune de Brienne…

 

            Nous étions entourés d’espions, à entendre toutes les chansons et toutes les prestations de serments à la Liberté, dans le moment où l’on enfermait, égorgeait et dépouillait tout ce qui était honnête et riche…          

 

            On nous emmena près de l’église, et on nous fit entrer. M. B… avec son écharpe de municipal, monta dans la chaire, et finit son discours jacobin par dire : « Ne reconnaissons plus d’autre Dieu que Marat ». En sortant de l’église, on m’invite avec Mme de Brienne et ma belle-sœur au repas fraternel. On avait fait du chœur de l’église la place du banquet. L’autel servait de dressoir, et les tables étaient mises en fer à cheval. Manger sur les tombes de MM. de Brienne, et dans une église, me parut l’horreur des horreurs. On nous faisait boire du vin aigre à la santé de Robespierre et de tous les bourreaux de France… Les Jacobins répondaient par la santé des citoyens Loménie… Enfin, nous sortîmes de ce lieu…

 

            Je partis à Plombières. Un jour, au lieu de m’apporter, comme de coutume, les gazettes, on me dit qu’elles manquaient le 22 floréal (11 mai) 1794. Je compris ce que cela voulait dire…

 

            On me conseilla de quitter Plombières, et je partis me cacher dans un village de Franche-Comté, et c’est là que j’ai appris la mort de Robespierre. De ce village, j’allai à Grenoble pour avoir des détails sur la mort de tous les miens, par une personne qui les avait vus en prison, et leur avait été utile pendant leur arrestation. M. de Brienne, qui avait passé sa vie à secourir le malheur, à faire vivre une province…

 

            J’ai appris, 25 ans après, que j’avais aussi été condamnée à mort par contumace… ».  

              


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