Les Crimes



Claude Gueux


Parmi les détenus de Clairvaux, un des plus fameux est celui qui inspira à Victor Hugo son célèbre roman Claude Gueux, en 1834.

L’écrivain fait de Claude une sorte de héros romantique, alors que le criminel est en réalité un bandit redoutable.

Claude Gueux naît en 1804. Il n’a que 14 ans lorsqu’il comparaît pour la 1ère fois en justice : 1 an de prison, pour le vol d’un sac d’avoine.

Il récidive à 19 ans en volant les économies d’un valet et ses hardes. Il est condamné en 1823 à 5 ans de prison et écroué à Clairvaux

En 1828, il participe à une rixe entre détenus, pendant laquelle il a un doigt coupé par un de ses adversaires auquel il voulait arracher les yeux. Delacelle, le gardien-chef le maîtrise et le traîne au cachot. Durant le trajet, Gueux réussit à se saisir du sabre de Delacelle, et tente de lui en porter des coups. Il est condamné à 6 mois de prison qu’il purge à la prison de Troyes.

Quand il sort, à 25 ans, début 1829, Gueux a déjà passé 6 ans et demi en prison.

           En 1829, il est condamné à 8 ans de réclusion pour vol d’une jument. Il subit la peine infamante du carcan, exposé durant 1 heure aux quolibets de la foule, sur une place de Dijon, puis écroué à Clairvaux.

Claude Gueux tente de s’évader en 1831, 1 mois de détention supplémentaire.

C’est un grand mangeur, la nourriture de deux hommes suffit à peine à sa journée. Il a faim.

Un jour, qu’il vient de dévorer sa maigre pitance, un jeune homme Albin Legrand, qui nourrit une grande admiration pour Claude Gueux, a trop de pain et de viande. Il se saisit de sa ration et la partage en deux parts égales, une pour lui, une pour Claude. Et il en est convenu ainsi tous les jours. Ils entretiennent des relations homosexuelles, mœurs habituelles au bagne. Voilà comment de la faim naît cette amitié qui inquiète le gardien chef qui change Claude d’atelier. Cette mesure provoque chez lui une explosion de fureur. Il est séparé de son ami, et doit se contenter de ses rations, trop insuffisantes pour son terrible appétit.

Pour comble de disgrâce, le nouvel atelier qui l’emploie exige un travail plus pénible, moins bien rétribué, et il ne peut plus améliorer son ordinaire. Il vient plaider sa cause auprès de Delacelle, le suppliant de le replacer dans son ancien atelier. Mais il essuie un refus très net du gardien chef, soucieux de conserver une autorité totale sur un détenu devenu assez inquiétant. A plusieurs reprises, Gueux présente sa requête et se heurte au même refus. Il résout de se venger de " son persécuteur ". Il prépare soigneusement son coup, sans se cacher de ses camarades de travail, qu’il rend plus ou moins complices en les forçant au silence. L’occasion se présente en novembre 1831 dans l’atelier où un menuisier a oublié sa hache. Gueux s’en empare et la dissimule dans la jambe de son pantalon. Puis, ayant rassemblé ses compagnons, il les harangue, expliquant le geste qu’il va faire. Ils attendent dans l’angoisse l’heure où Delacelle doit effectuer sa ronde. Gueux menace de faire voler une tête au moindre geste hostile. Le gardien chef entre dans l’atelier. Claude s’approche de sa victime et formule une fois encore le vœu d’être replacé dans son ancien atelier. Delacelle l’écarte sans répondre. " Il faut donc ici faire du boudin ! " s’écrie le misérable. Et, quand le gardien lui tourne le dos, il lui assène cinq coups de hache sur la tête. Le crâne fracassé Delacelle s’écroule et est encore frappé, un coup lui fend le visage, un autre la cuisse. L’assassin jette la hache ensanglantée, puis, il demande à un détenu de l’éclairer d’une chandelle. " A mon tour ", crie-t-il. Il ouvre sa chemise et avant qu’on ait pu se saisir de lui, il se frappe la poitrine de 13 coups avec une broche de fer, cherchant le cœur. Il tombe bientôt inanimé auprès de sa victime. Il reste plusieurs jours entre la vie et la mort à l’hôpital, puis se remet de ses blessures.

Les faits sont graves. Le directeur de prison note : " il a commis le crime pour soutenir sa réputation de Crâne, d’un redoutable ".

Drame de la faim ? Crime passionnel ? Haine féroce ? Ou folie carcérale ?

A 27 ans seulement, Claude Gueux répond de son crime devant les assises de l’Aube.

Le 16 mars 1832, à Troyes une foule dense, joyeuse, s’achemine vers la maison de justice. C’est le procès, depuis longtemps attendu.

Claude Gueux se défend avec habileté. D’un air goguenard, il remet à ses gardiens ébahis, un couteau échappé à toutes fouilles ! " Je l’ai assassiné, je l’avoue, s’écrit-il, … mais vous ne comprenez pas tout ce qu’il y a d’horrible, d’atroce dans les douleurs d’une faim continuelle... J’avais faim, on me refuse à manger. J’avais un ami, on lui refuse de me parler. On me fait passer dans un atelier où je ne gagne plus rien… J’ai juré vengeance car j’étais provoqué, provoqué pendant 6 ans. J’ai tenu mon serment, et ceux qui m’accusent aujourd’hui parce qu’ils ne tremblent plus devant moi n’ont sur moi d’autre avantage que celui de la lâcheté. Ils ont applaudi à mon crime, et n’auraient pas osé le commettre ".

 

La cour d’assises de l’Aube le condamne à mort. Il est conduit sur la place du Marché au blé, où il harangue la foule, puis se soumet aux injonctions du bourreau qui lui tranche la tête.

 

Cette histoire est devenue légende depuis que Victor Hugo, qui se veut le champion des opprimés, s’en empare pour en faire une fable sociale : Claude Gueux. Il dénonce la souffrance et la pauvreté du peuple, la lourdeur des peines, il plaide pour l’éducation : " Supprimez le bourreau. Avec la solde de vos 80 bourreaux, vous paierez 600 maîtres d’école ". Mais il prend des libertés avec les faits, faisant de Gueux un héros, un martyr. Or, ce modèle a mérité son châtiment et il n’y a pas d’erreur judiciaire.

Claude Gueux est décrit par le directeur de Clairvaux, comme " un des plus mauvais sujets de la maison, un homme fort à craindre, orgueilleux, au caractère sombre, à l’intelligence médiocre ".

Sous la plume de Hugo, Gueux, voleur récidiviste, ancien portefaix, devient voleur par accident, " un ouvrier habile, intelligent, un homme aimant, au cerveau rayonnant ".

Il n’a que 27 ans, mais Hugo fait croire que c’est un vieillard.

Quant au gardien-chef Delacelle, dont les supérieurs saluent les qualités humaines, Hugo le dit " tyrannique et mauvais ".

En définitive, le récit et le personnage de Victor Hugo sont imaginaires, c’est un roman !

 

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