Epidémies




Le Paludisme à Troyes


Le Paludisme, appelé aussi Malaria, est la plus fréquente des infections parasitaires observées dans le monde. En 2015, il y a encore deux millions de décès chaque année.

Il y a 75 ans, j’avais ramené de mon séjour dans les Spahis Africains, le Paludisme, et, pendant environ 5 ou 6 ans, chaque printemps et chaque automne, j’avais une « crise de palu ». Bien entendu, j’absorbais aussitôt, le seul remède antipaludique de cette époque, de la quinine. Mais encore aujourd’hui, je ne peux supporter aucun moustique autour de moi !

         Cela m’a fait rechercher si parmi les nombreuses épidémies que Troyes a connues, il y avait aussi le paludisme.

D’après des documents anciens, il ressort clairement que le Paludisme a existé de tout temps à Troyes et dans les environs à l’état endémique, puis a fini de disparaître vers 1900.

         La ville de Troyes, qui était traversée dans sa plus grande partie par un lacis enchevêtré de canaux, rus et traversins a été très longtemps extrêmement insalubre. Le professeur Thoinot, professeur de médecine légale à la faculté de médecine de Paris, membre de l’Académie de Médecine, auteur de nombreux ouvrages écrivait en 1888 dans une étude sur les épidémies à Troyes : « Les eaux constituent un véritable réseau d’égouts à ciel ouvert, où se déversent directement les latrines des riverains… L’eau que l’on boit à Troyes, qu’elle provienne de la canalisation municipale, qu’elle vienne des puits particuliers ou publics, est une dilution de matières fécales, un bouillon de culture de tous les micro-organismes communs ou pathogènes que les dites matières peuvent renfermerTroyes est, sans contredit, une des villes de France les plus éprouvées… Ses conditions hygiéniques générales sont déplorables en tous points et pas une goutte d’eau que l’on y boit n’est à l’abri des souillures… ».

Des affections ont alors causé de nombreuses victimes, l’état marécageux des environs et de la ville même, a permis à la fièvre paludéenne d’y régner à l’état endémique pendant de nombreuses années. Le premier trimestre 1828, le docteur Pigeotte relève 95 « fièvres dues au paludisme », et il contrôlait toujours son diagnostic après la mort des malades. D’après une enquête de cette époque, je relève que M. le docteur Viardin (voir Aubois célèbres), au cours de sa carrière, de 1864 à 1914, a eu à soigner de très nombreux cas de Paludisme, tant à Troyes même, que dans les environs immédiats : « Mme R… habitant rue du Palais de Justice une maison où la cave était inondée tous les hivers, était prise en mars de fièvre paludique  qui ne disparaissait que 6 mois plus tard ». « Mme V… demeurant rue du Temple, a eu à plusieurs reprises des fièvres paludiques, l’un de ses fils fut également atteint. Le Grand Ru passait à l’extrémité de leur maison, et au moment où les eaux étaient basses et ralenties, les Moustiques pullulaient dans l’habitation ». « A Barberey-aux-Moines existe un étang, et une dame qui demeurait à côté, a contracté le paludisme, elle présente une grosse rate et des accidents hémorragiques. La fille âgée de 12 ans a présenté les mêmes accidents que la mère. Ces 2 malades sont mortes de cachexie palustre ». Une jeune gardeuse de vaches qui séjournait le plus souvent aux alentours de l’étang, contracta le Paludisme et mourut. Le propriétaire de l’étang fut pris à plusieurs reprises de cette fièvre. Le docteur lui-même et plusieurs membres de sa famille eurent ces fièvres dans cette localité où les Moustiques étaient extrêmement nombreux ». « A Sainte-Maure, de nombreux malades ont été atteints de paludisme, surtout lorsque les eaux se retiraient, laissant des flaques stagnantes de place en place, sur de grandes étendues de terrain ». Le docteur Junot rencontra à cette même époque dans sa clientèle, de nombreux cas de paludisme, mais il s’agissait surtout d’anciens coloniaux. Son père avait déjà remarqué des cas très fréquents surtout du côté de Payns et de Barberey où la vallée de la Seine est fort humide et où l’on rencontrait de nombreuses mares stagnantes. Le docteur Tintrelin a trouvé de fréquents cas de paludisme à Argentolles, Creney et Villechétif. Le docteur Debret a vu de nombreux cas aux abords du Nouveau Canal. Si nous parcourons les Procès-verbaux du Conseil d’Hygiène du Département de l’Aube, nous voyons assez souvent, beaucoup de cas de paludisme. En juin 1855, le Conseil émet le vœu que des mesures soient prises pour porter remède à l’insalubrité manifeste pour les habitants du voisinage des siphons construits pour le passage des eaux sous les routes de la traversée de Troyes, au faubourg Croncels, au point de jonction de la rue Gautherin avec la rue de Paris, à l’angle de la rue de Paris et de la rue Saint-Martin et en général de tous les siphons construits sous les rues de Troyes, les voisins de ces aqueducs souterrains étant sujets à des fièvres de paludisme. « Personne ne contestera que les marais donnent le paludisme… des terres inondées, des canaux ou des fossés mal entretenus et mis à sec pendant l’été suffisent souvent à provoquer ou entretenir l’endémie palustre. Aussi est-ce pour combattre le paludisme que nous ne cessons de réclamer contre la mise à sec des rus et traversins… Quant aux égouts et aux siphons mal construits, sans pente suffisante, mal entretenus, obstrués d’immondices, on peut les comparer à des marais au point de vue de leurs effets délétères. Quand l’eau coule abondamment, les émanations sont moins dangereuses, mais souvent l’eau manque et la vase se trouve à découvert… dans ces égouts se trouvent réunis tous les facteurs de fièvre, matières organiques en fermentation, chaleur, humidité, car c’est surtout en été et en automne qu’existe le danger… ». Le docteur Viardin a trouvé le paludisme dans les rez-de-chaussée contigus à ces égouts : faubourg Croncels, égout Croix-du-Petit-Pavé, près de la bouche d’aval, égout faisant face au gué de Croncels, près de l’Hôtel Chapelaines, siphon de la rue de Paris, près de la rue Gautherin (une personne atteinte à 3 reprises du paludisme)… Il y a donc lieu de combler les puisards et de faire couler l’eau directement dans les conduites… L’envasement du canal, en amont de Troyes est une cause de paludisme… ». A partir de 1897, la fièvre paludéenne semble avoir à peu près disparu, il n’y a eu que 7 décès dus au paludisme. Le cataclysme de 1914, amenant dans la Métropole des quantités considérables de troupes noires ou indigènes, toutes plus ou moins impaludées devait à nouveau faire éclater la Malaria. Un contingent important de paludéens récemment infectés, évacués de notre armée d’Orient venait encore accroître le danger. En effet, près de 42.000 malades ont été ramenés en France du 15 mai 1916 au 15 septembre 1917. Ces 41.856 malades hospitalisés donnèrent lieu par la suite à 46.133 hospitalisations secondaires. Le département de l’Aube n’a pas échappé à la contamination, et de nombreux cas de Paludisme ont été relevés. En novembre 1917, il résulte des prélèvements, que l’on ne rencontre jamais de larves d’Anophèles (moustiques responsables de la transmission du paludisme) dans le bassin du canal et dans le canal lui-même, dans la traversée de la ville de Troyes. Mais en amont, quand l’eau n’est pas encore souillée et en aval, quand elle est reposée, on voit apparaître les larves d’Anophèles en quantité considérable… Si nous ne trouvons pas de Moustiques dans les rus et traversins, par contre, dans les pièces d’eau et les jardins du Rocher et du Jardin de la Vallée Suisse, les Anophèles et les Moustiques abondent : « Deux ou trois coups de filet donnés sur une surface d’environ 50 centimètres carrés ont permis de ramener une telle quantité de larves et de nymphes que, placées dans un cristallisoir, on pouvait dénombrer 24 heures après, plus de 150 éclosions, et ces éclosions se sont répétées en nombre semblable chaque jour pendant plus d’une semaine On peut juger par cet exemple de la quantité considérable de Moustiques adultes s’élevant chaque jour de cette pièce d’eau. A côté de ces bassins, répandant des milliers de parasites quotidiennement pendant la belle saison, il y a dans les hôtels particuliers de petits bassins ou des tonneaux d’arrosage… Une mesure très simple et peu coûteuse serait à obtenir, de la Municipalité et des propriétaires troyens, le pétrolage des jardins de la Vallée Suisse et du Rocher, ainsi que celui des tonneaux d’arrosage des particuliers… la dose de 15 centimètres cubes de pétrole pour 1 mètre carré de surface laisserait suffisamment de traces, même après plusieurs vidages et remplissages successifs pour éloigner les femelles adultes qui seraient tentées de venir pondre à la surface de l’eau de ces récipients ».

L’isolement dans les hôpitaux spéciaux des paludéens fébriles semble avoir été assuré dans toute notre région.

 

 


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