Pendant les guerres



Coclois 1870


Prussiens
Prussiens

Le 8 septembre 1870, G. Moreau, aide au bureau de poste de Coclois fait son rapport à M. le Directeur des Postes de l’Aube, concernant le passage des troupes Prussiennes dans la commune de Coclois :

 

         « Depuis quelques jours des bruits circulaient que l’ennemi approchait de notre village. 15.000 hommes environ et plusieurs pièces d’artillerie étaient campés dans les plaines des finages d’Aulnay et Jasseines situés à 6 kms de Coclois. Chaque jour des détachements de ces troupes exploraient les pays environnants, se faisant remettre force contributions.

 

         On les attendait à chaque instant lorsque le 26 août, vers 9 heures du matin, sans avoir été averti, nous entendons de la cavalerie par nos rues et chacun s’écrie : « Les voilà ! ». En effet, 350 hussards prussiens faisaient leur entrée dans Coclois, conduits par un général.

 

         Aussitôt leur arrivée M. le Général a demandé à voir le Maire Louis des Réaulx, qui s’est aussitôt présenté et a demandé ce que désiraient ces Messieurs : « Il nous faut 3.500 litres d’avoine et 8 moutons. Le tout rendu sur la place dans 1 heure ou nous nous servirons nous-mêmes. Que chaque propriétaire se mette en mesure de nourrir et loger nos hommes et leurs chevaux ».

 

         Les fournitures demandées sont arrivées avant l’heure fixée et les hommes et les chevaux logés comme par enchantement.

 

         Ces prussiens aiment beaucoup la viande, le lard, surtout les œufs, mais ne mangent guère de pain, boivent bien la bière mais peu de vin.

 

         Ce qu’il y avait d’ennuyeux c’était la difficulté de se faire comprendre réciproquement, surtout avec les simples soldats, car les officiers parlaient assez français pour se faire servir.

 

         Il n’y a pas lieu de faire un rapport contre les soldats, ils se sont conduits en conquérants et non en pillards, se faisant servir tout ce qu’ils désiraient, mais ne prenant rien d’autorité.

 

         Après leur déjeuner, le général accompagné de 2 officiers, s’est fait conduire au bureau de poste et a demandé à ce qu’on lui livre les journaux et objets administratifs, les timbres poste et la caisse. Mais ces messieurs se sont trouvés en retard car aussitôt les bruits de leur arrivée dans les pays voisins, la caisse et les timbres poste avaient été enlevés du bureau, quant aux lettres et journaux il ne s’y trouvait rien du tout au bureau. Ils m’ont demandé pourquoi tout était enlevé. Je leur ai répondu que c’était par ordre de notre chef et il s’est trouvé tout étonné en disant : « Mais vous avez donc été prévenu de notre passage ? ». « Oui Monsieur ». « Et par qui ? »… Supposant  qu’on avait caché quelque chose au bureau, ils ont fureté dans tous les coins. Voyant leurs recherches infructueuses, ils nous ont posé les questions suivantes : « A quelle heure arrive le courrier ? ». « A 5 heures du soir ». « Bien, nous viendrons à son arrivée et si nous ne venons pas vous nous enverrez tous les paquets au château ? ». « Oui, Monsieur ». Chaque conversation établie avec qui que ce soit, il avait toujours la main sur la garde du sabre ou le révolver à la main. Nous redoutions un séjour dans notre commune, ce qui serait certainement arrivé sans une émeute qui s’est produite dans la nuit de leur arrivée.

 

         Un prince, qu’on nous a dit être le prince royal, est arrivé à fond de train au château de Coclois où était logé le Général, et a demandé à lui parler. On l’a introduit près de lui et ils ont tenu dans leur langage une conversation très animée. Les personnes présentes n’ont pu recueillir que ces mots : Mac Mahon et Aulnay. On a supposé qu’ils étaient poursuivis par Mac Mahon et qu’il fallait de suite lever le camp d’Aulnay. Ils jetèrent un coup d’œil autour d’eux et apercevant un jeune garçon de 16 ans employé au château, lui dirent : « Venir de suite avec nous à Aulnay ». Ce pauvre enfant se croyait pris, mais il n’en est rien arrivé. A Aulnay on lui a donné permission de s’en retourner chez lui. On lui a donné 2 francs pour boire.

 

         Toute la nuit une cavalerie prussienne a passé au grand trot par Coclois venant de Nogent-sur-Aube ou des environs et se dirigeant également sur Aulnay. Les soldats sont sortis de Coclois à 6 heures du matin sans avoir déjeuné. Ils ont pris 6 hommes pour guides et 132 chevaux ; 5 hommes et 10 chevaux sont rentrés, nous attendons le retour du 6°. Un conducteur d’un pays voisin l’a vu il y a quelques jours en bonne santé et en bon espoir de revenir sous peu. Nous avons appris par les guides qui sont de retour qu’on les a fait marcher d’une vitesse effroyable et sans s’arrêter. Ils sont allés coucher à Coole sans avoir débridé leurs chevaux et le lendemain à Suippes.

 

         Les hommes n’ont pas eu de mauvais traitement, mais les chevaux étaient menés très durement, surtout ceux qui ne pouvaient pas suivre ou qu’une trop lourde charge empêchait d’avancer. J’attendais le retour de ce dernier conducteur afin d’avoir des nouvelles de leur direction, mais aujourd’hui, n’étant pas encore de retour je vais clore le présent rapport. Quelques personnes doutent fort qu’il ne revienne au pays. Il est âgé de 70 ans et assez entêté pour ne pas laisser ses chevaux dont 1 lui appartient. Ensuite de cela le changement de gouvernement qui va certainement produire quelques troubles dans l’armée ennemie confirmerait ces doutes.

 

         Sans ce malheur nous n’aurions pas été fâchés d’avoir un échantillon de l’élite de l’armée prussienne, mais il faut en convenir nous les avons assez vu comme cela, qu’ils ne reviennent plus, c’est ce que nous désirons. Ainsi soit-il.

 

         Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l’assurance du profond respect de votre très dévoué serviteur

 

                                               G. Moreau, aide.

 

         P.S. : 5 heures du soir :

 

         Notre dernier conducteur est de retour, depuis 13 jours d’absence. Il a été jusqu’à 40 kms au-delà de Vouziers. Il n’a pas subi de mauvais traitements des prussiens. Ils lui ont même remis un laissez-passer pour rentrer dans ses foyers avec ses 2 chevaux. Il n’avait pas fait 3 lieues que des nouveaux prussiens lui demandaient ses chevaux. Il leur montra son mot et ils le laissèrent passer. Il n’a pas eu la même chance quelques lieues plus loin. Ils se sont trouvés 4 ou 5 charretiers avec chacun 2 chevaux à voyager de compagnie. Ils ont été rencontrés par une cinquantaine de pillards auxquels à leur demande ils ont de nouveau exhibé leur passeport, mais cette fois inutilement, car ils ont déchiré les papiers, frappé les hommes et pris les chevaux !

 

         Voilà, Monsieur, le dernier exploit subi dans la conduite de ces mauvais garnements.  


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