Les Crimes



Roméo 48, chef de bande à Troyes


Le samedi 23 juillet 1948, une riche voiture immatriculée 7975 RF3, quitte Paris avec 3 voyageurs. Ils annoncent se rendre à Nancy " pour voir passer le Tour de France ". En réalité, l’un des voyageurs a des dettes et, il a choisi Nancy, pour traiter une importante affaire qui lui permettrait de désintéresser un créancier, plus prompt à recourir à la mitraillette qu’à un huissier pour récupérer son argent. L’affaire échoue, et les 3 gangsters reprennent le chemin de Paris, plus désargentés qu’à leur départ. Il ne leur reste pas même de quoi acheter un litre d’essence.

Qu’à cela ne tienne ! dit l’un d’eux, à Troyes, je connais quelqu’un qui nous dépannera. Et, peut-être y aura-t-il un coup à faire, qui nous remettra à flot ! ". Ce coup, est le cambriolage de la bonneterie Au juste prix, rue Champeaux. Mais la poisse s’acharne sur le trio. Point d’argent dans la caisse ! Les cambrioleurs doivent se rabattre sur une douzaine de pull-overs qui traînent. Ce butin représente une vingtaine de mille francs.

 Une misère pour des gens qui mettent un point d’honneur à rafler des millions ! Un témoin remarque une voiture stationnant devant le lieu de leurs exploits. Il en relève le numéro minéralogique : 7975 RF3. La Brigade des recherches de Troyes, alertée, se met en chasse. Les gendarmes, passant boulevard Gambetta, aperçoivent l’auto signalée devant le café Au Bar Moderne. Les trois hommes consomment à l’intérieur. Ils se retrouvent, menottes aux poignets.

 " Je me nomme Jean Vermont ", dit l’un. Il s’agit de Paul Bernard, dit Paulo le Vicaire, un dangereux repris de justice, récemment évadé de la Châtaigneraie, où il purgeait dix ans de prison pour cambriolages et attaques à main armée. " Tomber pour vingt mille balles ! déclare-t-il, dégoûté. Et entre les pattes des gendarmes, quand on a fait des coups qui vous ont rapporté deux millions et demi, comme celui de la banque, à Paris ! ". Ses complices sont Marius Courbon, alias Escartefigue, alias La Chouette, demeurant à Paris, quatre fois condamné pour escroquerie et détournement de mineures, et Jean-Baptiste Salnitro, dit Johnny, également à Paris, qui se dit cinéaste, mais dont l’activité consiste surtout à vivre des charmes de certaines demoiselles faciles. La prise est bonne. Le Parquet de Troyes estime que ces gaillards-là doivent faire partie d’un gang parisien, et charge la brigade mobile de Reims, de poursuivre l’enquête.

Le commissaire Gau, escorté de quatre inspecteurs, se rend à Paris. Ils fréquentent Pigalle et ses bars. Ils arrêtent d’abord un facteur, Joseph Amiel, que ses vices ont poussé aux pires compromissions, puis deux femmes : Adèle-Martha Toselini et Marcelle Casanova. La première était la maîtresse de Salnitro et logeait avec lui, chez Marc Brodère, directeur du Savoy, un grand bar de Pigalle. Ce Brodère n’est pas un inconnu pour la police : on le soupçonne d’attirer chez lui des petites bonnes au chômage, dont il abuse avant de les mettre sur le trottoir. On l’arrête. Dans son appartement, on découvre deux filles qui ont à peine 17 ans. Il s’agit maintenant d’atteindre les grosses pièces. On découvre alors que Marcelle Casanova est la maîtresse d’un nommé Maurice Bernard, dit le Grand Maurice, une brute de 23 ans, qui n’aime pas les armes à feu, mais manie le couteau avec maestria, sans profession, et grand amateur des courses de lévriers. Mais tout ce qu’on peut lui reprocher, c’est d’avoir prêté sa voiture au trio de cambrioleurs de la bonneterie de Troyes. Cette voiture, il l’a achetée à un nommé Gilbert Barrier, mais a omis d’en faire changer la carte brise.

 Cette imprudence va mettre la police sur la piste d’un redoutable chef de bande. Gilbert Barrier a défrayé la chronique, l’année précédente, en enlevant une jeune danseuse nue. La presse avait, à l’époque, fait beaucoup de bruit autour de " l’odyssée des deux amoureux qui, partis de Paris, étaient allés cacher leur amour " sur la Côte d’azur. Elle n’avait vu que le côté romanesque de cette affaire. La réalité est plus sordide : c’est plus l’intérêt que la passion qui a présidé à ce rapt sensationnel.

Gilbert Barrier n’est pas tout à fait le Roméo 48, ainsi qu’on l’a baptisé alors, mais un individu dangereux. Il a été poursuivi, sous l’inculpation de rapt, par les services de la DST, au grand déplaisir de certains autres services de la police, qui, connaissant sa véritable activité, avaient espéré profiter de l’occasion pour y mettre fin.

 Le vol d’une douzaine de pull-overs à Troyes va-t-il permettre d’arrêter enfin celui qu’on soupçonne d’avoir volé des millions dans de nombreuses attaques à main armée ?

 Avant de le surprendre au gîte, on décide de maîtriser son lieutenant, Guy Martiguère, jeune danseur mondain de 19 ans, réceptionnaire Aux Grands Ducs. Ce n’est pas un inconnu pour les enquêteurs. Il y a quelques mois, il a écrasé, en pilotant une Mercury, une pauvre femme. Condamné, il a réglé les dommages et intérêts alloués à sa victime, avec le produit de ses cambriolages, dont plusieurs ont été commis en compagnie de Gilbert Barrier. On l’arrête à son bar, avant qu’il ait eu le temps de se servir du parabellum qu’il porte toujours sur lui. Il faut maintenant, frapper à la tête, c’est-à-dire arrêter Gilbert Barrier. Celui-ci possède un luxueux appartement à Boulogne-Billancourt. Mais, quand la police s’y présente, l’oiseau a fui son nid, pour se réfugier dans un château qu’il a acheté à Cormeilles en Parisis et pour les réparations duquel il a déjà engagé 2 millions ! Il vit là en compagnie de sa mère, célèbre dans le milieu à Montmartre, et de sa femme, une danseuse qu’il a épousée il y a peu de mois. D’autres arrestations, dont celle de Jean Miollo, dit La Vicontesse, ne tarde pas.

 Le gang de Gilbert Barrier est alors anéanti ! " Si nous n’avions mis fin à ses exploits, dit le commissaire Gau, Barrier, d’ici 2 ans, il serait devenu l’ennemi public n° 1 ". Il a été formé à bonne école, ayant été l’ami d’un célèbre gangster, tué récemment à Marseille. Il entretient d’excellentes relations avec toutes les autres bandes, qui font appel à lui, au besoin. A plusieurs reprises, il a pris contact avec Pierrot le Fou. C’est le type du gangster scientifique : il a créé tout un réseau de correspondants en province qui le renseignent sur les coups fructueux à opérer et en prépare les modalités. Ensuite, Barrier et sa bande n’ont plus qu’à descendre sur le lieu indiqué pour exécuter le cambriolage ou l’attaque à main armée projetés et remonter ensuite sur son quartier général, à Paris.

Tout cela, parce qu’il voulait vivre comme un milliardaire, changer de voiture chaque mois, porter des costumes signés des meilleurs tailleurs et des chaussures de chez les bottiers à la mode. Pendant ses nombreuses années de prison, il dû revêtir le grossier droguet de bure et se nourrir de la maigre pitance de la Pénitentiaire, lui permettant de réfléchir qu’on n’a rien à gagner à vouloir s’enrichir malhonnêtement.

 

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