Pendant les guerres



Voyage Paris-Les Riceys en 1814


Monsieur Alexandre Guenin des Riceys, fut le premier propriétaire récoltant qui entreprit des tournées commerciales.

 

                       Sous le Consulat et l’Empire, il parcourut périodiquement la Flandre, la Normandie et la région parisienne, enfin la Belgique, pour placer les vins de ses cuvées.

 

                       Dans des notes restées inédites, il raconte son retour aux Riceys, après le dernier voyage qu’il fit dans les Pays-Bas français, au moment où la coalition étrangère liguée contre Napoléon, en décembre 1813, venait de réussir à pousser ses armées à travers nos départements de l’est, sans rencontrer de résistance : celle-ci ne devait commencer qu’à Brienne et à La Rothière (voir ce chapitre).

 

                       Il voulut rentrer chez lui aux Riceys.

 

                       Voici son récit :

 

                       « J’arrivai à Paris début janvier 1814. Le peuple était frappé d’une sorte de stupeur. Le découragement avait gagné toutes les classes de la société, même les fonctionnaires publics les plus éminents. Les mauvaises nouvelles faisaient d’autant plus d’impression qu’on y était moins préparé, le Gouvernement ne les laissant connaître que lorsqu’il ne pouvait plus les cacher. Mais, après le fameux bulletin de la retraite de Moscou, j’espérais que les progrès de l’ennemi seraient retardés par la mauvaise saison et que j’aurais tout le temps de finir mes affaires et de rejoindre ma famille. Mais bientôt, la prise de Langres et de Dijon me décida à quitter la capitale et à y laisser une somme d’argent assez considérable que je comptais emporter avec moi.

 

                       Je partis de Paris le 23 janvier au soir, par la diligence de Troyes, avec un de mes compatriotes, M. Gillet, négociant comme moi.

 

                       Le bruit de l’approche de l’ennemi nous accompagna sur toute la route. En arrivant à Troyes, nous acquîmes la certitude que Riceys avait été occupé par les Autrichiens 2 jours avant, ainsi que Bar-sur-Seine.

 

                       Troyes était dans la consternation. La fermeture des boutiques, la disparition des enseignes et des écriteaux, quelques préparatifs de défense à l’entrée des faubourgs, tout annonçait la crainte d’une attaque prochaine. On redoutait surtout les effets de l’artillerie sur une ville entièrement bâtie en bois.

 

                       Il y avait à Troyes plusieurs généraux : Bourmont, Dulong, Hamelinaye, 6 pièces de canon et 2 à 3.000 hommes, dont une partie de conscrits sans habits et presque sans armes.

 

                       Les avant-postes étaient aux Maisons-Blanches. Toute communication avait cessé avec le pays occupé par l’ennemi.

 

                       Comme nos familles savaient que nous devions être à Troyes, elles avaient trouvé le moyen de nous donner de leurs nouvelles. Mais l’exprès qui nous les apportait, ayant pris des détours, ne pouvait nous dire s’il y avait moyen de pénétrer par Bar-sur-Seine.

 

                       Décidés à braver tous les dangers pour rentrer dans nos foyers, nous n’étions embarrassés que sur le chemin que nous devions prendre.

 

                       2 Jours plus tard, le hasard nous fit rencontrer le maître de poste de Saint-Parres-les-Vaudes, qui était venu passer quelques heures à la ville. Il offrit de nous conduire jusqu’à Bar-sur-Seine dans sa carriole et nous donner l’espoir que les postes ennemis nous laisseraient passer.

 

                       Nous quittâmes Troyes le 26 janvier, à 2 heures de l’après-midi, ayant remis en mains sûres ma valise et un rouleau d’or que j’avais conservé sur moi. Aux Maisons-Blanches, nous trouvâmes les avant-postes français qui gardaient l’embranchement des routes de Bar-sur-Seine et de Chaource. Il n’y avait pas d’artillerie. Le chemin était seulement obstrué par un arbre abattu et jeté en travers. Le pont sur l’Hozain était barricadé avec des charrettes qu’on dérangeait à volonté. De là jusqu’à Saint-Parres nous ne rencontrâmes personne. Arrivés à Saint-Parres, nous avons passé la nuit chez le maire, M. de Champeaux. Il nous dit que tous les matins une patrouille de cavalerie autrichienne venait de Bar-sur-Aube en reconnaissance, et que, comme il parlait allemand, il espérait nous faire obtenir la permission de passer.

 

                       Mais à la pointe du jour, notre étonnement fut d’apprendre que les Autrichiens avaient été relevés par des Cosaques à lance et à barbe. Cela jeta la terreur parmi les paysans. Les femmes se sauvaient de l’autre côté de la Seine avec leurs enfants.

 

                       Nous voulions continuer notre route, mais tous les postillons refusaient de nous conduire. Le maître de poste, plus résolu, s’offrit encore pour nous accompagner et nous partîmes à 10 heures. Nous trouvâmes libre l’entrée de Bar-sur-Seine, ce qui n’avait pas eu lieu depuis son occupation. A l’embranchement du chemin de Chaource, nous côtoyâmes une colonne de plusieurs milliers de cosaques venant des environs de Bar-sur-Aube.

 

                       Nous fîmes rencontre de quelques personnes des Riceys, avec qui nous achevâmes pédestrement notre voyage et Dieu sait si nous fûmes les bienvenus dans nos familles, qui désespéraient déjà de nous revoir ».

 

                       P.S. : M. Gilet qui accompagnait M. Guenin, était le fils du docteur Gillet de Chaource, médecin à Troyes, qui périt sur l’échafaud révolutionnaire, victime de la Terreur.   

 


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