La Politique



Mai 1968 à Troyes


Certains pensent que finalement, rien ne s’est passé, alors qu’André Frossard, célèbre journaliste et académicien, lui, parlait de ce « tremblement de l’histoire », qui a secoué si vivement ce pays dont on dit qu’il s’ennuyait.

Personnellement, je pense qu’il s’est passé quelque chose d’important à ce moment là. La caractéristique du mouvement fut sa spontanéité !

Il faut surtout insister sur l’aspect que ces événements furent l’affaire des jeunes ! Ce sont les étudiants de Paris qui ont lancé le mouvement, avec un langage et un style qui trouvèrent un écho immédiat dans d’autres milieux de jeunes, qui pourtant, avaient peu de rapports avec eux. C’est ainsi que très vite, les jeunes ouvriers, les jeunes employés, les jeunes cadres, prirent la relève du mouvement étudiant. La contagion qui s’étendit des universités aux usines et aux entreprises montrait bien que l’affaire était d’abord un problème de génération. C’était si vrai que les formations syndicales traditionnelles eurent du mal à rattraper le mouvement (rapport de Maurice Grimaud Préfet de Police de l’époque). Elles comprirent très vite que leur autorité était en cause et que la contestation les visait autant que le Pouvoir. La principale organisation syndicale française, la CGT, a très vite réagi afin de ramener ce mouvement qui l’inquiétait dans les chemins plus classiques des revendications salariales.

Tout d’abord, beaucoup de gens éprouvaient un immense besoin de communiquer, d’échanger leurs idées librement, toutes catégories sociales mélangées.

Les jeunes voulaient que l’on prenne au sérieux leurs paroles, leurs problèmes, leurs activités, nous nous devions de les cautionner, de prouver le sérieux de leurs travaux, de les faire connaître, de faciliter leurs démarches…

J’étais alors Président de la Maison des Jeunes et de la Culture (dont le but est de permettre aux jeunes de devenir des citoyens conscients et responsables) que j’avais  créée, et Maire-Adjoint à la Jeunesse et aux Sports.

Je me souviens que des réunions se sont tenues pendant 15 jours non-stop à la M.J.C. avec une salle archi comble, chaque fois.

J’avais associé à ces réunions-débats, aussi bien les jeunes étudiants que les jeunes travailleurs, les parents, les professeurs, les syndicalistes, les politiques de tous bords. Ces colloques permanents furent empreints du plus grand sérieux. Je désirais que la pluralité des opinions puisse s’exprimer, dans le respect des idées de chacun.

A cet époque nous avons été une des rares villes de France dont les établissements scolaires n’ont pas été occupés et n’ont subi aucun dégât.

On voyait se dessiner un type d’homme nouveau, qui désirait une Société plus juste. Or, déjà à cette époque, la vie de travail pour beaucoup de jeunes, et surtout pour ceux qui avaient des diplômes, commençait souvent par le chômage.

Mon rôle était de cautionner ces jeunes, de prouver le sérieux de leurs travaux, de les faire connaître, de faciliter leur démarche… Pour moi, il était nécessaire que les jeunes prennent une part progressive à la gestion des organismes collectifs dans lesquels ils vivent, et donc dans leurs établissements scolaires.

Les lundi 20 et mardi 21 mai, le Comité d’Action des Lycéens et Normaliens des établissements de la ville, a réuni à la MJC des commissions de travail. Pendant ces réunions, les Lycéens de Troyes ont jeté les bases d’une réforme au sein de leurs établissements. M. le Préfet, M. l’Inspecteur de l’Académie, les Chefs d’Etablissements, les Professeurs, ont agréé leurs revendications, les « modalités de rentrée », lorsqu’elles leur ont été présentées.

Le 29 octobre, nouvelle réunion à la M.J.C. : « Conclusion des événements de Mai, qu’en est-il resté ? ». Il est décidé que le dialogue doit se poursuivre

Evidemment, beaucoup de discours sont restés sans lendemain, mais, par delà les mots, existait le désir de communiquer, de s’arracher à l’isolement, au cloisonnement d’une civilisation par trop technique, où l’individu se sentait perdu.

Ce qui a frappé à cette époque, c’était le silence des hommes responsables, du pouvoir, du gouvernement… lorsqu’ils parlaient, on se rendait compte de l’extraordinaire déphasage entre le langage des jeunes et celui des adultes.

Je dois dire un grand merci à ceux qui m’ont soutenu pendant ces journées : les autorités de l’époque, le Préfet de l’Aube, le Maire de Troyes, l’Inspecteur d’Académie, le directeur de la Fédération de l’Education Nationale, les Chefs d’Établissements Scolaires, les Présidents des deux Fédérations de Parents d’élèves, le Directeur Départemental de la Jeunesse et des Sports, le Secrétaire Général du Groupement Interprofessionnel du Patronat Aubois… Bernard Fourrier président du CLOJEPA, le docteur Jean Bouillat…

J'étais aussi à cette époque, Président du Centre des Jeunes Patrons (CJP), que l'on transforma ces jours-là (au plan national), en Centre des Jeunes Dirigeants d'Entreprises (CJD), pour devenir le mouvement des jeunes managers dont notre pays avait besoin, avec pour objectif "participer au développement en provoquant une transformation du monde patronal". Une seule caractéristique : plus d'exigence. Fini le dilettantisme de ceux qui savent parler de réformes, mais n'en font pas. 

         Le grand vainqueur de Mai 68, fut Georges Pompidou, qui avait su garder le plus grand calme, et compris la nécessité d’éviter la conjonction du mouvement ouvrier et du mouvement étudiant. Il accorda pratiquement tout ce que les étudiants demandaient : la réouverture de la Sorbonne, le retrait des forces de police du Quartier Latin, la libération des étudiants arrêtés, il annonça qu’une réforme de l’Université allait être entreprise, réforme à laquelle pourraient participer les étudiants… Par « les Accords de Grenelle », il réussit à désamorcer le côté redoutable de cette affaire.    

N’oublions pas ce qu’il y avait de sain, malgré ses excès, dans la juvénile explosion « libertaire » de Mai.

 

 

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