Les Histoires d'eau



Les inondations



La première inondation, dont les annales de la ville de Troyes a gardé le souvenir, a lieu en septembre 584 : la Seine, « sortant avec impétuosité et subitement de son lit, ravage les campagnes, renverse les édifices et entraîne un grand nombre d’hommes et de bestiaux ».

Les pluies continuelles, qui tombent en 846 et 853, causent de grandes crues. En 846, les inondations sont si considérables, que les eaux envahissent les habitations et détruisent plusieurs maisons.

Au mois de décembre 1206, il y a une si grande inondation, "qu'on ne se souvenait point d'en avoir vu de pareille".  

         En décembre 1279 et janvier 1280, les eaux montent et la Seine se répand dans tous les environs. Son impétuosité ravage une grande partie du pays : « rien de ce qui se trouvait sur son passage ne résistait à sa violence, et la plupart des ponts de Troyes furent renversés et brisés.

         L’hiver de 1296 est si pluvieux, que la Seine quitte son lit, emporte les moulins, rompt les ponts, et cause les plus étranges ravages.

         De 1374 à 1377, Troyes, outre le fléau de la guerre est désolé par des débordements de la Seine, qui font d’immenses ravages. Une maladie contagieuse est le résultat de ces intempéries, et la ville demeure presque déserte.

         En 1389, les digues « qui maintiennent les eaux dans leur lit pour les conduire dans la ville, sont rompues ». Ce fait paraît indiquer une crue extraordinaire.

         Les années 1437 et 1438, « furent remarquables par les pluies continuelles qui causèrent la perte de toutes les récoltes ».

         Le 10 juin 1460, la Seine déborde et la vallée est inondée.  

Le 13 juillet 1481, des pluies abondantes causent une grande inondation. L’évêque Louis Raguier accorde des indulgences à ceux qui communient « pour apaiser la colère de Dieu ».

En 1526 et 1527, Troyes souffre une fois de plus des inondations.

Le 2 mai 1529, les eaux s’élèvent à Troyes « à une hauteur si considérable, qu’elle rompent le pont de Saint-Jacques.

Le 24 juin 1539, il y a une inondation désastreuse pour la banlieue de Troyes.

En juin 1541, il ne cesse de pleuvoir, pour arrêter les inondations, le 12 juillet, des processions sont faites, on y porte notamment, les reliques de saint Loup.

Les 21 et 22 juillet 1543, le maire de Troyes fait lever les vannes de tous les moulins en dessous de la ville, jusqu’à Méry, pour éviter l’inondation.

Le 2 décembre 1547, inondation générale du Quartier Bas, où l’on navigue en nacelles dans tout le faubourg Saint-Jacques. Il y a 3 pieds d’eau rue du Bois (rue Gal de Gaulle).

En octobre 1550, la pluie est tellement abondante, que les digues de Saint-Julien sont emportées, des maisons démolies, de nombreux animaux emmenés par les eaux. On navigue en bateau jusqu’à l’Hôtel-Dieu.

Le 11 juin 1553, la banlieue de Troyes est encore inondée.

Le 15 octobre 1555, il pleut en abondance, les eaux passent sur la chaussée qui conduit de Troyes à Pont-Hubert « élevée de plusieurs mètres ». On traverse la vallée en bateau pendant 8 jours.

De fin septembre 1561, au mois de février suivant, les pluies tombent pratiquement sans interruption. Les habitants de la banlieue de Troyes abandonnent leurs maisons submergées. Les abbayes de Notre-Dame-des-Prés et de Montier-la-Celle communiquent entre elles au moyen de nacelles.

L’hiver 1564-1565, lors du dégel, grande inondation : le grand pont de la Seine entre Les Mathurins et Foicy est emmené, le pavé est enlevé, l’eau passe sur la chaussée à plus de 3 pieds, les maisons de Preize et des Tauxelles en sont pleines et plusieurs personnes sont noyées.

A partir du 28 novembre 1582, jusqu’ à fin avril 1583, les pluies sont continuelles, on ne peut plus approcher de la ville de tous côtés, plusieurs maisons sont emmenées par les eaux. Les eaux entrent dans l’église du couvent des Mathurins, situé à l’extrémité du faubourg Saint-Jacques. Les quartiers du Temple et du Comporté sont envahis par l’inondation.

A partir du 6 juin 1596, il pleut pendant 6 semaines sans discontinuer. Les eaux se répandent dans toute la vallée, l’église des Mathurins est à nouveau envahie par les eaux, ainsi que la plus grande partie du faubourg Saint-Jacques. « Ces pluies sont la cause d’une profonde misère ».

L’année 1610 est remarquable par les grandes eaux qui débordent pendant l’été et couvrent les prés des environs de Troyes.

Le 6 février 1641, toute la banlieue de Troyes est submergée, à la suite de pluies excessives. On ne peut aller à Preize et aux environs de la ville, qu’en bateau. Beaucoup de bestiaux périssent.

         Le dégel, l’hiver 1658, cause une si grande inondation que la banlieue de Troyes, le faubourg Saint-Jacques et celui de Preize, sont envahis par les eaux, on ne circule qu’en bateaux dans ces quartiers, les chaussées du faubourg Saint-Jacques sont rompues.

         Pendant l’hiver 1678-1679, les grandes eaux endommagent les chaussées et les digues des environs de Troyes, et notamment la chaussée qui relie Troyes à Saint-Parres. Les dégâts sont tels, que les habitants des villages voisins travaillent par corvées aux réparations des chaussées, et réparent la rupture du canal de la Seine à Sancey (Saint-Julien) pour éviter une plus grande crue et remettre l’eau dans le canal ordinaire.

Le 19 juin 1697, il pleut pendant 3 jours et 3 nuits, les hameaux des Tauxelles et de Chaillouet sont détruits. Au bout de 24 heures, il pleut de plus en plus fort, les eaux débordent et passent comme un torrent devant la Trinité Saint-Jacques. De 52 maisons, il n’en reste que 5, qui menacent ruine. Le ruisseau de la Vienne, ne pouvant couler, inonde la partie méridionale de Troyes, et met en ruine plusieurs maisons. Au prieuré de Foicy, les murailles sont renversées, le 7 juillet, il est encore impossible d’y aborder : les religieuses se retirent au premier étage, où elles demeurent de nombreux jours sans pouvoir communiquer avec l’extérieur. L’église a 3 pieds d’eau, plusieurs arbres déracinés, des moulins emmenés, des personnes noyées. Tout le quartier de Saint-Denis et de Saint-Aventin est inondé, l’eau va jusqu’au retable de l’autel de Notre-Dame-en-Isle. Le quartier de Jaillard est aussi envahi par les eaux, 30 maisons y sont renversées, et toutes doivent être reconstruites. Le prieuré de Notre-Dame-en’l’Isle voit tomber ses murailles et l’eau monte dans la chapelle, jusqu’au maître autel sur lequel il y a 2 pieds d’eau. Les digues, sensées mettre la ville à l’abri des inondations, sont enlevées aux trois-quarts de lieue de longueur et un grand nombre de bestiaux meurent noyés. 5 ponts sont détruits.

En janvier 1701, le maire de Troyes recquit de faire lever les vannes " à cause de l’élévation excessive des eaux".

En 1711, le prieuré de Foicy est inondé, et en 1712, une nouvelle inondation cause de grands dommages à « nos toiles et futaies, étendues dans les blanchisseries ».

En décembre 1737, les pluies continuelles grossissent tellement la Seine, que les bois flottés se répandent dans des endroits forts éloignés du lit de la rivière.

Fin du printemps 1740, avec la fonte des neiges et les pluies abondantes, les eaux se répandent en grande abondance, inondant plusieurs cantons : les Tauxelles, le faubourg Saint-Jacques, le Pré-l’Evêque, sont couverts d’eau jusqu’à la hauteur de 3 pieds, dans le Quartier-Haut de la ville, les caves sont remplies, et cela dure jusqu’aux fêtes de Noël, « surpassant le débordement de 1697 ». Le 21 décembre est le point culminant des eaux, qui couvrent la chaussée de Saint-Jacques de plus d’1 mètre et remplissent l’église des Mathurins. Les quartiers de la Tannerie et du Temple sont submergés.

Lors des crues considérables de 1750 et 1754, le Maire de Troyes est obligé d’employer pendant plusieurs jours, plus de 200 ouvriers « qui sont relevés la nuit, par un pareil nombre, éclairés avec des flambeaux et des pots à feu, pour travailler, sans discontinuer, aux ouvrages de la Seine, à réparer des vannes que les grandes eaux ont considérablement endommagées, et rétablir les chaussées en danger d’être emportées, ce qui aurait causé la ruine des faubourgs et rompu les communications des routes d’Allemagne et de Champagne ».

En 1758, les débordements de la Seine à cause des grandes pluies, endommagent les récoltes.

En 1764, l’inondation est considérable à Troyes.

Début mars 1772, très grande crue, en raison des pluies très abondantes, il y a une très grande crue, et les bois préparés pour le flottage, sont dispersés par les eaux, les grandes vannes des Moulins-Brûlés sont enlevées, les murs servant de clôture aux prisons de Troyes, baignés par l’un des canaux qui arrosent la ville, sont renversés sur une longueur « de plus de 20 toises ».

Dans la nuit du 13 au 14 mai 1779, l’eau arrive avec impétuosité et inonde la banlieue de Troyes, le faubourg Saint-Jacques et celui de Preize, sont submergés, les digues sont rompues en plusieurs endroits, les blanchisseries souffrent beaucoup. La Vacherie fut submergée : les habitants se virent obligés de se sauver à Troyes en nacelles. La seine avait crû de 10 pieds au-dessus de son niveau habituel. La Seine ne regagne son lit, qu’après le 22 mai.

Du 15 mars à juin 1782, les pluies continuelles causent des inondations, dont les pertes sont évaluées à plus de 500.000 livres.

Le 22 février 1784, la fonte des neiges amène une très forte crue.  

Les prières publiques de mai 1786, font cesser les pluies qui durent depuis 3 mois, et « l’on remarque que la pluie cessa aussitôt après ».

En 1802, 1400 maisons ont 1 à 2 mètres d’eau, les digues sont rompues et 8 ponts sont emportés.

« Il est en souvenir que les années 1816 et 1817, sont  les 2 années les plus constamment pluvieuses du XIX° siècle ».

On trouve au « Journal des débats » du 9 mai 1836,  une lettre datée de Troyes, dans laquelle on lit : « Les pluies abondantes, tombées depuis plusieurs jours ont élevé le niveau de la Seine à une hauteur qu’elle n’avait jamais atteint depuis 40 ans. L’inondation est effrayante, le courant passe au-dessus de la vanne dite des Flotteurs, et les travaux exécutés cet hiver au déversoir de Saint-Julien ont été détruits par les eaux. Plusieurs points de la digue comprise entre Saint-Julien et le Pont-Hubert sont crevés et laissent passer l’eau qui inonde le hameau de la Vacherie. Le rez-de-chaussée de nombreuses maisons du faubourg Saint-Jacques et du Pont-Hubert est également submergé. Le pont de Chessy a été entraîné par les eaux dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 mai. Les environs de Saint-Parres sont entièrement couverts d’eau, les villages de Pont-Hubert, de Lavau et de Culoison, sont également baignés par les eaux ». Le 8 mai, on écrit encore de Troyes : « La Seine a presque entièrement submergé la plaine qui environne la ville. Les jardins, les prairies, les terres nouvellement ensemencées sont recouvertes de plus d’1 pied d’eau et déchirés en plusieurs endroits par des courants qui y laisseront des dégâts considérables ».

Le même journal du 2 décembre 1836 : « La Seine est débordée dans toute l’étendue de son cours, à une grande distance au-dessous et au-dessus de Troyes. le flot provenant des grandes vallées est arrivé à Troyes dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 novembre. La partie inférieure des Trévois a été submergée, les parties basses ont été inondées. Le rez-de-chaussée des maisons situées dans les Tauxelles est également rempli d’eau. Dans une grande partie du département, les chemins sont impraticables.  

En mars 1844, la digue des Tauxelles est rompue sur 600 mètres, le spectacle est terrifiant, on sonne le tocsin, il n’y a qu’un mot d’ordre : « Tous aux digues ! ».  La troupe, les charpentiers, 200 personnes « se ruent au travail avec acharnement ».

En 1851 est constitué le Syndicat des Digues et Canaux, qui évite toute inondation jusqu’en 1910.

En 1864, Th. Boutiot écrit : « Les faits concernant les crues excessives de la Seine appartiennent au passé, sont pour la plupart oubliés. Aujourd’hui, nous croyons que l’on peut, à l'aide du télégraphe électrique, se prémunir contre l’invasion subite des eaux en cas de sinistre, et se mettre à l’abri de malheurs trop fréquents dans le passé, en usant des mesures les plus vulgaires de préservation, mais en veillant toutefois, avec sollicitude, à l’entretien et à la consolidation des digues qui couvrent la ville de Troyes et sa banlieue ».

 

Et pourtant ! ! ! !

 

Le 21 janvier 1910, la Seine passe par-dessus ses digues, et inonde Troyes et sa banlieue, avec 60 centimètres d’eau jaunâtre. Les habitants montent leur mobilier dans leurs greniers. Le 22 janvier, l’eau envahit toute la ville, les écoles sont évacuées, les usines chôment, les services municipaux sont interrompus, les tramways ne marchent plus… Le Maire met à la disposition des habitants qui ne peuvent plus loger chez eux, l’Ancien Evêché, l’usine Knapp, le Petit Séminaire, avec de la paille et des couvertures… Dans la nuit, le tocsin jette l’alarme, les clairons appellent les habitants à sortir de leurs demeures, on déménage à la lumière des torches, les habitants emportent seulement leurs objets les plus indispensables, les enfants, pieds nus, à moitié vêtus, pataugent dans l’eau. Le Pont-Hubert est emporté par les eaux furieuses, le quartier des Charmilles est sous 1 mètre 50 d’eau. Le courant est si fort dans les rues Fortier et de Gournay, que 2 soldats et leurs chevaux, venus au secours des habitants, sont renversés par le courant. Les cavaliers sont sauvés, mais les bêtes se noient. Seules les barques sont utilisées. Malheureusement, on signale des cas de pillage. Le 26 janvier, le niveau de l’eau commence à baisser. Il y a plus de 7.000 sinistrés !

Une grande inondation a lieu le 21 juin 1951 : la Nouvelle Vienne vagabonde parmi les vergers et potagers, transformés en rizières. Le 29 juin, il y a 1,20 m. d’eau dans de nombreuses caves. Endives, carottes et salades sont sous l’eau.

Le 13 janvier 1955, montée subite des eaux : le bras de Seine du Pont de la Pielle à la rue Fortier, inonde les propriétés. On endigue le flot au moyen de sacs de terre, avec le secours de 50 militaires, pour consolider la digue du Labourat et celle de Foicy. Beaucoup de demeures sont envahies par les eaux. On héberge 300 personnes dans l’ancien Séminaire Saint-Martin-ès-Aires, et 40 à la maison des Jeunes.

Le 6 septembre 1958, alors que se déroulait une grande braderie en ville, un épouvantable orage éclate. En moins d'une heure, que de dégâts ! Des trombes d'eau transforment les rues en torrent, la foudre frappe à plusieurs reprises et provoque des incendies, les marchandises des commerçants de la braderie sont perdues, des grêlons gros comme des pouces d'hommes, succèdent à l'eau... 40 à 50 cm d'eau dans les rues du Général de Gaulle, Raymond Poincaré... dans les magasins, des voitures sont emportées par le courant, au Quartier bas, nombre d'habitants sont obligés d'évacuer leur domicile... la violence des coups de tonnerre est telle qu'un homme, à la terrasse d'un café meurt commotionné... les commerçants de la braderie ont perdu pour la plupart, de 1.000.000 à 1.500.000 F.

Mai 2013 : la presse titre : « 15.000 foyers face à la montée des eaux », « Les lacs pleins à ras bord », « Les maires sont sur les dents », « La Seine s’invite dans les maisons »… pendant plus de 2 semaines, tous les média ; presse locale et nationale, toutes les radios, toutes les chaînes de T.V…. ne parlent que de « l’Aube en vigilance ». Le pire : Buchères : la distillerie, l’entreprise de transport LTT, la scierie, les habitations… des chevaux, des vaches, des moutons, des ruches… sauvés in extremis… Mais aussi : Pont-Sainte-Marie, Clérey, Villemoyenne, Fouchères, Verrières, Fouchy, Pont-sur-Seine, Nogent-sur-Seine… Enfin, les titres des media changent à compter du 10 mai : « Troyes sauvée des eaux, la crue se déplace en aval », mais « 10.000 hectares de terres agricoles sinistrées », « La prudence est toujours de mise »… M. Valls, ministre de l’Intérieur et Delphine Batho, ministre de l’Environnement, confirment sur place, le 10 mai, avec François Baroin, « l’Etat de catastrophe naturelle ». Le pire, c’est après, c’est le retour des propriétaires dans leurs maisons où l’eau se retire, mais où tout est perdu.

 

Pour préserver l’agglomération troyenne d’inondations semblables, le Grand Troyes décide de réaménager et renforcer les digues. Les travaux gigantesques, commencés en août 2013, ne sont pas encore terminés fin 2015.

Mai 2016, dans certaines régions de France, la crue dépasse celle de 1910 ! Notre département est particulièrement épargné, et le lac de la Forêt d'Orient, par des retenues, évite des inondations à Paris, le Zouave du Pont de l'Alma ayant de l'eau jusqu'au genoux ! !

Le 24 janvier 2018, le pic des crues arrive dans l'Aube, principalement à Bar-sur-Aube et Bar-sur-Seine, et les affluents : l'Ource, la Laigne, l'Aujon, la Barse et l'Hozain.

 

 

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