Religion



Les cloches de Troyes



D'où viens-tu ? - Je viens de Troyes.

Qu'y fait-on ? - L'on y sonne : ce dicton est resté 6 siècles en vigueur dans la France entière !!

Le principe de la cloche a été trouvé lorsque l’homme a pu durcir au feu un vase d’argile qui était un instrument musical pouvant répondre à la percussion. Avec l’art de fondre et de forger les métaux, la cloche fut mise en usage 5 ou 6 siècles avant J.C.

Jusqu’au IX° s. il existait des cloches en cuivre ou en fer battu. Les chrétiens adoptent la cloche en France vers l’an 550. Elles sont faites pour parler à notre cœur : elles se réjouissent pour ceux qui sont dans la joie, elles s'affligent avec ceux qui pleurent. Elles ont chanté sur notre berceau, elles ont carillonné au jour de notre mariage, elles égrènent leur plainte quand la mort frappe autour de nous. Elles sonnent l’union lors d’un fléau, incendie, guerre…

Souvenez-vous ce que disaient les cloches au jour glorieux, tant attendu, le 8 mai 1945 ! !

Rabelais dit qu’une ville sans cloches est comme un aveugle sans bâton, et un dicton : " un valet paresseux, un âne et une cloche ne valent que si on les frappe ".

Au XIII°s., le Beffroi est le lieu où est élu le Gouvernement de Troyes. Sa tour renferme une grosse cloche qui sonne pour les assemblées générales de la St Barnabé, à la Fête-Dieu et la veille de la nativité de la Vierge (" en faisant la procession des bourgeois de la ville, sauf en 1416 pour occasion des gens d'armes qui étaient environ de Troyes "). On la met aussi en branle lors d’événements historiques, comme lors de l’entrée dans la ville de l’évêque Jean Léguisé, elle sonne le tocsin, lors d’incendies, de guerre. Il faut plusieurs hommes pour la mettre en mouvement.

Troyes était très fière de cette grosse cloche, qui avait une grande renommée dans tout le royaume. Mais en 1521, lors de la venue à Troyes de François 1er, elle se casse. Elle n’est pas encore remplacée lorsque, lors du terrible incendie de 1524, le Beffroi disparaît dans le brasier.

Nous rencontrons nombre d’enseignes au XVI° s. : Aux 3 cloches, A la cloche d’or, A la cloche d’argent, Hôtellerie de la Cloche (Place du Marché au blé), rue des Clochettes, rue de la Cloche… en 2011, il ne reste que l’Impasse de la Cloche, près du pont des Marots.

La cathédrale possède 4 cloches (il y en avait 10 en 1220), le bourdon de 9 t. + 1 timbre (le plus ancien du département de 1427), et 1 cloche pour l’horloge. La coulée d’une cloche est une grande fête. En 1827, pour le bourdon sur la place de la Cathédrale, la foule est si considérable, que l’on doit faire venir un détachement de pompiers pour la contenir. 19 hommes sont nécessaires pour sonner les 4 cloches, dont 9 pour le bourdon seul. Depuis 1925, grâce à l’électricité, il suffit de presser sur un bouton pour mettre en branle les cloches.

Depuis le XIII° siècle, toutes les cloches muettes depuis le Jeudi-Saint, se mettent en branle le Samedi-Saint, mais ne peuvent le faire avant que les cloches de la cathédrale n’aient donné le signal.

A partir de 1567, il est interdit de sonner les cloches pendant la nuit, sauf celles de la cathédrale qui servent au guet pendant les troubles, et en cas d’incendie.

En 1630, pendant leur séjour à Troyes, Louis XIII, Marie de Médicis étant logés à l’évêché et Anne d’Autriche à Saint-Martin ès-Aires, pour ne pas troubler leur sommeil, le sonneur s’est abstenu de sonner, même pour le jour de Pâques !

A partir de 1653, une des grosses cloches sonne tous les soirs de 19 h 30 à 20 h, pour avertir les soldats de la garnison, qu’ils peuvent rentrer chez leurs hôtes.  

Saint-Jean, 2 grosses (6 en 1441), 1 petite, 1 timbre et 2 petites cloches pour l’horloge, 28 t. : " On les sonnera en cas de tonnerre ou orage, tant de jour que de nuit, même en cas d'incendie ou d'alarme ". A la Révolution, 5 sont descendues. Dans la nuit du 23 au 24 mai 1911, l’enlèvement de 2 étais entraîne l’effondrement du porche qui datait de 1593 et du grand beffroi, construit 5 mois après l’incendie de 1524, qui commandait le haut de la nef sud et renfermait les cloches. La presse locale et nationale de l’époque a largement commenté l’événement. La grand’mère de mon épouse, qui habitait assez loin, rue Ambroise Cottet, m’a raconté que l’épouvantable fracas, l’avait réveillée.

Sainte-Madeleine, 3 cloches (6 en 1413), 19 t 400. A la Révolution, 4 cloches sont descendues.

Saint-Martin, 5 cloches, 3 timbres pour la sonnerie de l’horloge (dès 1545), 24 t. A la Révolution, il faut 25 journées, plus une avec 3 chevaux, pour les descendre et emmener dans un dépôt.

Saint-Nicolas, 4 modestes cloches de 1801 (6 en 1435) 4 t. 200. Elles sont descendues à la Révolution.

Saint-Nizier 1 cloche, 8 t. (8 en 1524)

Saint-Pantaléon, 4 cloches depuis 1514, 1 t. 700. Le grand incendie de 1524 fait fondre les cloches. 3 nouvelles sont bénites en 1524, 1 en 1525, 2 en 1529, 1 en 1663. Lors de la Révolution, 3 cloches sont descendues.

Saint-Remy, 1 cloche 1529, servant aussi à l’horloge (6 en 1434) + 2 timbres, 6 t.

Saint Urbain, 5 cloches, dès 1264. A la Révolution, 4 cloches sont descendues.

Notre-Dame des Trévois, 2 cloches, 1 a été fondue en 1821.

Chapelle de l’Hôtel-Dieu : 1 cloche de 1855, ayant pour parrain l’Evêque Louis Cœur et pour marraine, l’épouse du Préfet.

Une coutume ancienne donne des noms aux cloches, généralement celui du parrain, de la marraine ou du donateur. Un certain nombre porte des blasons, des figures de saints ou des inscriptions. Plusieurs du département, du XV° ou XVI° s. sont classées comme monuments historiques : Montgueux, Neuville-sur-Vanne, Saint-Phal, Torvillers, Villemaur, Thieffrain, Villehardouin, Nogent, Polisot, Montigny-les Monts, Montreuil, Saint-Léger-sous-Brienne, Villeneuve-au-Chemin (3 timbres), Nogent-sur-Seine…, qui sont des XV° ou XVI° siècles.

La charge de sonneur n’est pas une sinécure. Voici par exemple le règlement de 1673 établi pour celui de Saint-Nizier, qui énumère ses nombreux devoirs : " Le sonneur est tenu de sonner toutes les cloches à tous les bons jours, aux sermons, assemblées, aux vêpres du Saint-Sacrement, messes, services de dévotion, de fondation, processions, prières publiques. Il doit en outre faire souffler l’orgue, porter la croix, blanchir le linge de l’église. Parer l’autel pour les trentains, assister aux processions avec sa robe, nettoyer l’église, tendre les courtines devant les images pendant le temps du carême, faire les annonces qui conviendront. Aider à tapisser et détapisser à la Saint-Nizier, aller quérir les enfants décédés, faire taire les enfants pendant la prédication, mener l’horloge, faire le paradis pour le Vendredi-Saint. Puiser l’eau pour faire l’eau bénite, ôter les neiges de dessus les terrasses de la tour, fournir le feu et le charbon pour l’encensoir, le charbon pour la sacristie, obéir aux ordres des marguilliers, apporter à ceux-ci tous les dimanches un mémoire de ce qui se sera fait pendant la semaine… Pour tout ce que dessus, le sonneur reçoit 111 livres par an, à charge par lui de payer les sous-sonneurs ".

Le sonneur de Saint-Remy, en plus d'une petite rémunération, jouit d'un logement, d'un jardin et perçoit un salaire pour les baptêmes, mariages et enterrements. Il porte une robe de drap rouge et bleu, garnie de galons d'or fin au col et aux manches, costume complété par une baguette de baleine ornée de deux virolles d'argent. Mais il doit en plus sonner soir et matin les Ave Maria.

 

Un décret de l’Assemblée Nationale de 1791 ordonne la fabrication de monnaie avec le métal des cloches, et un décret de la Convention Nationale de 1793 n’autorise qu’une cloche par église. La ville de Troyes possède 34 cloches et 9 timbres.

En 1790, il en existait 126 pour 30 églises, chapelles et couvents, d’où le dicton : Que fait-on à Troyes ? On y sonne !

Dans le département, l’on compte 1.025 cloches ou timbres. L’église de Dienville tient le record avec 7 cloches, et 158 églises n’en ont qu'une.

37 cloches de 31 églises du département, du xv° siècle, sont classées monuments historiques.

 

Quelques proverbes: " N'être pas sujet au coup de cloche ", c'est être libre, " Faire sonner la grosse cloche ", c'est faire agir un personnage influent, " Telle cloche, tel son ", c'est comparer la parole à l'intelligence, " Tirer le cordon de la cloche ", c'est mendier, " Fondre la cloche ", c'est prendre un parti décisif, " Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son "....

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