La vie à Troyes



Théâtre : Mystère de la Passion


Le culte est à l’origine du théâtre français, comme il fut à l’origine du théâtre grec. Le théâtre autrefois était un événement public. Au Moyen Age, il montre un lien entre le drame et la religion.

 

         Le théâtre concernait la cité entière et faisait cesser toute autre activité.       

 

La ville de Troyes est une des seules villes de France qui possèdent encore en manuscrit un mystère de la Passion. Cette œuvre avait le double caractère d’édifier et de réjouir le public troyen du XV° siècle : édifier parce que l’œuvre avait pour thème un sujet religieux, réjouir, parce que l’introduction des rôles de second ordre avait pour but d’exciter l’hilarité parmi la foule réunie au pied des « échafauds » (tréteaux) sur les quels se faisaient voir les nombreux acteurs du mystère.

 

         La « fête des Fous » qui, dans l’origine, se célébrait dans les églises, quitta ces édifices pour s’étaler sur la place publique.

 

         L’objet de la représentation des Mystères est l’édification des spectateurs par la mise en scène des sujets sacrés. Mais ce fut de plus en plus de distraire le public, de lui plaire… et de l’amuser.

 

         A Troyes, en 1423, on joue la « Passion » dite de Sainte-Geneviève.

 

Mais le succès de la « Passion » d’Arnoul Gréban en 1452, donne aux Troyens le goût d’une œuvre plus développée, plus riche par la longueur et par la variété des scènes, où se mélangent le comique et le tragique. Sur la même trame que Gréban, les habitants de Troyes ont écrit un texte qui fut utilisé pendant près de 100 ans (jusqu’en 1531). Ce texte est conservé à la Médiathèque, en 3 volumes reliés en 1490 : Tome I, La Création du Monde, puis la Nativité et l’Enfance de Jésus, Tome II, La Vie de Jésus jusqu’à son arrestation, Tome III, La Résurrection.

 

         Les échafauds étaient dressés en plein air, principalement pour Pâques, la Pentecôte, la Fête-Dieu, mais surtout pour la fête de la Madeleine, le 22 juillet. En effet, il fallait que le temps fut beau, pendant les 3, 4 ou même 5 jours que durait le Mystère, plus ou moins long suivant les intermèdes. Au milieu du spectacle, le « Sot » (ou Fou, ou Fol) était là pour divertir le public, il annonçait l’entracte en plaisantant, et demandait aux spectateurs s’ils avaient mangé de la « dodine », qui est une farce de poulet. Il portait une « marotte » qui est un sceptre surmonté d’une tête coiffée d’un capuchon bigarré et garni de grelots.

 

Pendant le temps des représentations, toutes les maisons étaient vides : « Ce jour, messeigneurs ont permis à messeigneurs leur baillé congé et licence de jouer le mystère de la passion… ». Toute la ville, enfants et adultes, clergé et laïcs, se rassemblait au « cloître Saint-Etienne » (notre Place du Préau). La jeunesse était encouragée, soit par des dons qui étaient faits pour couvrir les dépenses de la représentation, soit même par des sommes d’argent accordées à ceux dont les dépenses personnelles excédaient les ressources.

 

Les spectateurs s’installaient sur de sortes de tribunes et les chanoines de la cathédrale avaient droit à des places gratuites, eux qui prêtaient leur préau et s’obligeaient ainsi à des détours pour rejoindre leurs maisons.

 

La scène, un grand plateau, est surmontée d’une sorte de tour : c’est le Paradis, où se tiennent Dieu, ses anges, et les petits chanteurs de la maîtrise. L’orgue de Saint-Etienne accompagne leurs chants, soutenus par des trompettes et des hautbois.

 

En contre bas, l’enfer et la « fosse » où méditera Pierre.

 

La partie musicale était importante : ici chantent les bergers, ou les enfants, là danse le Sot. Un intermède musical termine les scènes ; c’est le « silete », pendant que les acteurs se taisent. Les scènes comiques reposaient le spectateur d’une tension dramatique intense : disputes et fanfaronnades des gens d’armes qui ne parlent que de coups et horions, mais, quand le danger s’approche, ils cherchent le chemin de la cuisine. Dans leur grossière stupidité, ce sont des personnages tragiques, ceux qui criblent de coups le Christ en jouant à qui frappera le plus fort, dans une scène presque insoutenable.

 

Il y a peu de décors ni de meubles, hors des tables, lits et sièges.

 

Avant de revenir sur le plateau, les personnages se promènent aux alentours de la scène, dans le parc.

 

Le décor est animé : de l’âne sur lequel monte Marie pour se rendre à Bethléem, de l’ânesse et de l’ânon que Jésus se fait amener. Et les rois Mages apparaissent en grand apparat avec leur suite, caracolant à cheval.

 

Les salles de l’Hôtel de Ville étaient mises à la disposition des compagnons pour l’étude et le « recors » du mystère. Les répétitions avaient lieu dans une chambrette au-dessus de la salle de l’échevinage.

 

Les recettes des entrées ne couvraient pas toutes les dépenses. Ainsi, en mai 1490, les entrepreneurs de la représentation, qui n’étaient autres que les acteurs eux-mêmes, ne firent pas leurs frais. Pour les couvrir, ils demandèrent un secours à la ville. L’assemblée générale du 14 juin, dite de la Saint-Barnabé, décida qu’ « en faveur et par considération de ce que le mystère avait été joué pour l’honneur et la révérence de Dieu, et au décorement de la ville », il serait accordé, aux compagnons dudit mystère, la somme de 50 livres sur les deniers communs, mais à la condition « que les compagnons seraient tenus de bailler et délivrer les livres de la Passion, en la chambre de la ville, pour, là, les garder, pour les recouvrer et avoir, quand il en serait besoin, au temps à venir ». Les conseillers de ville veillèrent avec sollicitude à la conservation de ces livres, en les reliant.

 

Chiffre énorme : 211 personnages différents prennent la parole dans le Mystère de la Passion de Troyes (109 dans le tome I, 87 dans le tome II, 20 dans le tome III.

 

Le mystère de la Passion, au XV° siècle, n’est pas seulement une morale en action, un récit pur et simple de faits de notre religion, c’est un cadre dans lequel  on place en première ligne les origines de nos croyances religieuses, et, en second lieu, des critiques sur les choses et les hommes du siècle. On y trouve tous les genres : le grave, le comique, le pastoral, le dramatique, des chants et de la musique, dont les accords se modifient selon qu’ils partent du séjour des bienheureux ou du séjour des damnés. Des changements à, vue captivaient la curiosité publique, et des situations aussi variées nécessitaient une mise en scène considérable.

 

Au milieu du XVI° siècle, la mode cessera des grandes réunions de peuple, et la tragédie antique fera son apparition à Troyes.


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