Aubois très célèbres



Amable Massis


Amable Massis
Amable Massis

En novembre 1916, dans la salle des Concerts « Rouge », rue de Tournon, le célèbre quatuor Gaston Poulet vient d’achever une œuvre longue et difficile en ré majeur, de César Franck. Sur scène, en frac, les exécutants rayonnent de bonheur sous les applaudissements. Gaston Poulet se tient près du piano. Ses camarades se confondent en saluts : le violoniste Victor Gentil, Louis Ruyssen derrière son violoncelle et surtout Amable Massis « dont les mains déliées se referment avec une secrète volupté sur son alto ».

         Massis est alors un jeune homme de 23 ans, né à Cambrai où son père, professeur de Lettres, exerçait ses fonctions avant d’être nommé dans la capitale. La musique est sa raison d’être, d’agir, d’espérer. Elle lui apporte des félicités inestimables. Il la comprend d’instinct et il l’interprète avec fougue ou avec mille nuances. Le premier prix d’alto, décerné en 1911 par le Conservatoire national supérieur de Paris, avait couronné, sans surprise, un admirable talent. Les concerts Colonne réclamèrent aussitôt Massis. Diverses formations prestigieuses se le disputaient lorsque la guerre éclate.

A la fin de ce concert, rue de Tournon, une immense fatigue l’accable tout à coup. Amable Massis est convalescent. Un an plus tôt, le 27 septembre 1915, au cours de l’offensive en Champagne, une balle dans le poumon l’a laissé sans connaissance et couvert de sang. On le tenait pour perdu. Une constitution robuste et une indomptable énergie eurent cependant raison d’une aussi grave blessure. La croix de guerre épinglée sur la capote bleu-horizon, avait été la juste récompense de sa bravoure et de son courage exemplaire. Maintenant, le public se lève, se disperse, Massis s’attarde lorsqu’un inconnu, au teint pâle, frileusement enveloppé dans une pelisse de loutre, s’approche de lui pour formuler une requête d’une voix douce. L’inconnu souhaite que le quatuor vienne prochainement jouer à son domicile, pour lui seul, cette œuvre qui l’a bouleversé et qui rend son regard fiévreux. Des adresses sont échangées. L’étranger s’appelle Marcel Proust et il a déjà publié « Les Plaisirs et les jours », puis « Du côté de chez Swann ».

         Et, quelques jours plus tard, le quatuor se retrouve 102 boulevard Haussmann, premier étage. L’œuvre de César Franck jouée, Proust remercie avec émotion, allongé sur son divan, fatigué, leur offre une collation de frites et de Champagne, puis, toujours sur son divan,  leur demande de reprendre toute l’exécution. Voyant leur hésitation, il tend des billets de 50 F, et pendant 48 minutes, c’est à nouveau un Proust heureux et bouleversé qui leur fait promettre d’autres réunions nocturnes. Ils vinrent d’autres soirs, lui jouer le quatuor de Fauré pour piano et cordes, en sol mineur, ainsi que des quatuors de Mozart, Ravel et Schumann, les derniers quatuors de Beethoven…

Cependant, la guerre continue. Quelques mois plus tard, Amable Massis rejoint dans l’Aube le dépôt de son régiment d’infanterie sous l’uniforme de sergent. Dans les hôpitaux de Troyes, il y avait des soldats de tous grades et de nationalités diverses. Alors naît le groupement des « Artistes mobilisés ».

Massis organise des séances artistiques et des concerts, où se produisent souvent des chœurs canadiens, toujours au profit des œuvres de guerre.

Arrive l’armistice, et Amable Massis, malgré d’engagements flatteurs qui lui sont proposés, ayant adopté Troyes, en 1920, il fonde une institution privée, dans les bâtiments de l’ancien séminaire, et naît ainsi la « Société du Conservatoire ». L’école connaît un essor rapide et s’installe dans l’ancien cinéma « l’Eden ». En 1925 intervient la nationalisation du Conservatoire de Troyes qui possède alors une existence officielle, puis obtient la reconnaissance d’utilité publique. En 1926, sous le patronage du Ministère, il anime une tournée de propagande française dans les Indes néerlandaises. En 1929, il participe à la création de l’Association des directeurs d’écoles nationales. Pendant la saison estivale, il anime le casino de Saint-Valéry-en-Caux. A Troyes il s’attache Marcel Dupré, organiste de réputation mondiale, qui enseigne bénévolement de 1931 à 1938. Il obtient aussi le concours de Maurice Emmanuel, remarquable musicologue né à Bar-sur-Aube. Les concerts s’enchaînent, Massis monte des séances littéraires, des revues spirituelles…

Le second conflit mondial l’arrache à ses élans, le temps de gagner une autre croix de guerre sur le terrain. Pendant l’occupation, Massis perd son Conservatoire, réquisitionné par l’ennemi, et installe son école dans un autre quartier, dans une maison rue Beaujean, grâce à la générosité des industriels Vitoux. Il y reçoit 700 élèves par semaine. Il reconstitue un orchestre de 60 exécutants, fonde le « Mouvement Musical pour la jeunesse », et fonde en 1942 les « Cadets du Conservatoire », formation qui permet aux étudiants en musique d’échapper au Service du travail en Allemagne. En 1947, Amable est nommé par le Ministre des Arts et des Lettres, Inspecteur général de la Musique, fulgurante promotion. Pendant 15 ans, il rassemble, coordonne les initiatives et les réalisations relevant du domaine musical, et ne cesse de contrôler les 14 scènes lyriques de France, les concerts symphoniques de Paris, les sociétés musicales, les festivals… Il institue le Conseil supérieur de la Musique, donne un statut aux directeurs de Conservatoires, et opère un classement des Conservatoires par catégories. En 1959, André Malraux, alors ministre, lui confie le programme musical de la grande cérémonie du 14 juillet dite de « la Communauté ». Le Maître Massis monte aussi au pupitre pour diriger des orchestres réputés : Colonne, Lamoureux, Pasdeloup

         Amable Massis a composé lui-même 70 œuvres, dans tous les genres : mélodies, poèmes symphoniques, sonatines, thèmes et variations, musiques de films, impromptus, pastorales, ballades, divertissements, orchestrations,  danses… comme le « Poème pour alto et orchestre », créé à Troyes, et joué plus de 40 fois dans toute la France. Il faut encore citer les partitions de la musique de scène pour « Les sept contre Thèbes », spectacle offert au Théâtre antique d’Orange, et pour « Polyeucte, Le Roi Lear, Antoine et Cléopâtre »…

         A cet ensemble s’ajoute une méthode d’enseignement en 5 fascicules pour cours préparatoire, qui reçut l’unanime approbation de l’Académie des Beaux Arts et est toujours appliquée dans de nombreux Conservatoires.

         Atteint par la limite d’âge en 1962, Amable prend sa retraite à Troyes, la ville tant aimée, qui orienta son destin. Il constitue cependant un quatuor à cordes qui se manifeste souvent. En 1970, il crée la « Société de Musique de Chambre », un organisme de haute qualité dont l’activité fait honneur à la Champagne tout entière.

         Monsieur Massis était le Directeur du Conservatoire, lorsque j'apprenais de1934 à 1937 le violon.

         Amable Massis s’éteint le 10 Juin 1980, mais il demeure vivant par son œuvre.

 

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