Les Histoires d'eaux



Les bondes


La dernière division des eaux de Seine est représentée par des ruisselets, des prises d’eau, communément nommés bondes. Une des industries les plus anciennes de Troyes, est le blanchiment des toiles. Un manuscrit du début du XVI° siècle prouve qu’à cette époque le blanchiment des toiles est en pleine prospérité à Troyes, puisque des toiles de Lorraine et d’Allemagne y arrivent pour être soumises à cette opération délicate.

 

Les bondes ou prises d’eau, sont aussi anciennes que la division des eaux, elles datent de l’ouverture des canaux qui les alimentent. Elles ont été, à diverses époques et pour divers usages, pratiquées dans les digues des canaux de la distribution, mais faites plus spécialement pour l’industrie des toiles, et pour l’arrosage des jardins. Cependant, l’usage des bondes ne tarde pas à devenir abusif. A l’origine, il n’y a rien de bien réglementé et les concessionnaires en profitent pour augmenter, le plus possible, le volume des eaux dont ils peuvent jouir. L’administration de la ville a depuis longtemps subordonné la jouissance de l’eau passant par ces bondes aux besoins généraux des habitants et même aux intérêts purement industriels. Selon les propriétaires, ces bondes auraient été concédées à leurs auteurs, comme une indemnité accordée à ceux qui avaient livré le terreau nécessaire à l’assiette de ce canal.

 

Lorsque la disette d’eau se fait sentir, les maires et échevins reconnaissent la nécessité de sacrifier quelques industries pour en soutenir d’autres, et s’opposent au maintien des bondes, en commandant leur destruction, comme par l’ordonnance du 30 juillet 1567, et en défendant d’en construire de nouvelles. La municipalité présidée par Jean Bazin (1614-1618) fixe, le 14 juillet 1616, à 2 pouces de largeur sur 2 pouces de hauteur, l’ouverture de chaque bonde. Ceux qui ôteraient la plaque de fer, pour agrandir leur prise d’eau, auraient une amende de 100 francs, et la rupture et démolition de leur bonde, tout en les privant d’en établir de nouvelles. Un procès-verbal du 3 septembre 1619, parle d’une descente de l’échevinage, sur le grand canal de la Seine, pour faire boucher les bondes. Nouvelle visite du 6 août 1627, après laquelle, l’autorité ordonne de fermer les bondes. Même opération en 1630, mais les 3, 5 et 17 juillet, autorisation d’ouvrir les bondes. La suppression des bondes est à nouveau prescrite par une sentence municipale du 24 mai 1632. Le 10 septembre 1644, le Lieutenant-général au Bailliage de Troyes, ordonne la suppression des bondes, tout en permettant aux Jardiniers et Blanchisseurs d’avoir des bondes dont l’ouverture est fixée à la grosseur de l’estoeuf (petite balle avec laquelle on joue à la paume).

 

            Le 11 août 1705, l’échevinage ordonne la fermeture des bondes, sous peine d’amendes. Le 19 juillet 1731, il est demandé de fermer les bondes tous les soirs, jusqu’à 4 heures du matin pendant la saison des basses eaux. Vers le milieu du XVIII° siècle, l’industrie du blanchiment des toiles fait un progrès, on remplace la force de l’homme par celle d’un courant d’eau, pour faire tourner les moulins à blanchir les toiles. Des ordonnances des 27 août 1761, 25 juillet 1771 et juillet 1788, fixent à 5 pouces (0,135 m.) de largeur sur autant de hauteur, la dimension des bondes  destinées à fournir l’eau des moulins. Les bondes et prises d’eau ne peuvent exister qu’en vertu d’autorisations de la Mairie. Par ordonnances de 1761, 1771 et 1788, les Maires et Echevins ont fixé à 5 pouces carrés l’ouverture des bondes faisant les moulins à blanchir les toiles. Or, lesdites bondes sont en mauvais état, et presque toutes ont une ouverture qui excède de beaucoup celle des règlements. La plus importante des bondes est une rivière qui s’appelle la Fontaine de la Vacherie. Elle débute à la Basse-Moline pour rejoindre la Seine à la Demi-Lune, soit à l’extrémité des Tauxelles.

 

            36 bondes sont situées en amont de la ville, et 4 en aval :

 

            - bonde l’Evêque, sur la rive gauche du bief de l’usine de la Papeterie, au lieu dit la Petite-Pointe,

 

- bonde Gendret, la bonde des Trinitaires, qui date de 1260, une des plus célèbres. Elle est alimentée par le biez (fossé creusé à côté d’une rivière pour l’usage d’un moulin) du moulin de Saint-Quentin. La charte de Charles VI exprime que l’eau de la bonde Gendret sert à faire marcher le moulin de la Sainte-Trinité. Elle donne naissance au bras de Balance, et chemine par les Tauxelles et Preize, pour former en dernier lieu, la noue Robert,

 

- bondes de Fouchy, ou de l’Hospice : 2 sur la rive gauche et une sur la rive droite du canal de navigation de Fouchy,

 

- bonde Doé, sur la rive droite du bief de la Moline. Après avoir alimenté un moulin à blanchir, elle sert à l’arrosage et donne de l’eau aux habitants de la Moline et de la Vacherie,

 

- bonde de Dion, près du déversoir de la Planche-Clément,

 

- bonde du sieur Prévôt-Fontaine, en de ça du moulin de la Pielle,

 

- bonde Douine, à l’aval du moulin de Pétal, qui met en mouvement un moulin à blanchir,

 

- bonde Chemin, au-dessus de la bonde de l’Oratoire,

 

- bonde de l’Hôpital, au-dessus de la précédente,

 

- bonde, près et en de ça du moulin de la Rave,

 

- bonde située entre ce moulin et celui de la Moline,

 

- bonde du Petit-Foicy (appartient aux dames religieuses de Foicy), ouverte sur la rive droite du bief de la Papeterie, elle abreuve 4 hectares de jardins,

 

- bonde de la Papeterie, sur la rive gauche du bief, près de la retenue ; elle alimente un réservoir,

 

- bonde du sieur Camusat, près et en de ça de la Grande Pointe,

 

- bonde du château des Cours, appelée aussi bonde Masson, sur le côté gauche du bief de Pétal,

 

- bonde de Pétal, alimentée par le bief du moulin de Pétal, sert à l’arrosage de plusieurs jardins. Sa fermeture est ordonnée le 6 août 1627,

 

- bonde Saussier, ouverte sur la rive droite du bief de la Rave, arrose une propriété appartenant au Chapitre Saint-Pierre,

 

- bonde des Planchottes, ayant sa prise d’eau dans le bief du moulin Notre-Dame,

 

- bonde du Pré-Boilletot, qui alimente un pré à blanchir, et 3 hectares de jardins à divers usagers,

 

- bonde de Notre-Dame, son produit se rend dans la Nagère,

 

- bonde Velut, qui sert à l’arrosage des jardins,

 

- bonde Marot, en aval du pont des Champs. Après avoir fait mouvoir un moulin à blanchir, elle a l’arrosage pour destination,

 

- bonde Ducoudray, à 200 mètres de la précédente, utilisée pour la blanchisserie et la teinturerie,

 

- bonde Berthier, voisine de la précédente, classée comme bonde de deuxième grandeur,

 

- bonde Delaage, une des plus importantes du sous-bief de Pétal, a pour destination le blanchissage, la teinturerie et l’arrosage,

 

- 2 bondes Abit, à 940 mètres du moulin de Pétal, servent à la blanchisserie et à l’arrosage,

 

- bonde Dupont-Rincent, pour battre la poudre à canon,

 

- bonde Jacquin, à 1073 mètres en aval du moulin de Pétal, alimente un moulin à blanchir, puis est employée à l’arrosage,

 

- bonde Lagneaux, à 15 mètres en aval de la précédente, utilisée par un blanchisseur ; le surplus des eaux arrose quelques jardins,

 

- bonde Cocasse, au pied du talus extérieur de la digue droite du Canal de la Haute-Seine, sert au jardinage, 

 

- bonde Retournat, à 34 mètres de la précédente, arrose quelques jardins,

 

- bonde Thiéblin-Collin, à 250 mètres du moulin de Pétal, sert à un blanchisseur,

 

- bonde Labiche, en aval de l’abreuvoir de la chaussée des Blanchisseurs,

 

- bonde Guichard, alimente des canaux d’agrément,

 

- bonde Thiéblin-Jolly, puis Bardot et Gobinot, à 1 m 70 de la précédente, sert à une blanchisserie,

 

- bonde Masson, face à l’abreuvoir de Croncels,  propriété d’un blanchisseur,

 

- bonde Protin, la dernière du canal des Trévois, sert à une blanchisserie,

 

- bonde Taviot, à 120 mètres du moulin de la Rave, concourt à l’alimentation d’une blanchisserie, puis arrose quelques jardins,

 

- bonde des Hospices de Troyes, aliénée par l’Administration hospitalière, à 240 mètres de l’usine de la Rave, arrose le jardin de l’usager,

 

- bonde Jorry, appellée aussi d’Edme Chemin, employée à l’arrosage de quelques jardins,

 

- bonde de l’Oratoire, à 400 mètres du moulin de la Rave, sur une propriété des Oratoriens, arrose une belle pépinière,

 

- bonde du Vouldy, à 50 mètres en aval de la précédente, sert à l’arrosage et à l’alimentation des canaux d’agrément, et alimente un moulin à blanchir,

 

- bonde Goutorbe, la dernière qui verse ses eaux dans la Fontaine de la Vacherie, à 570 mètres au-dessous du moulin de la Rave, arrose quelques jardins,

 

- bonde Prévost, sur la rive droite du canal du Vouldy, fait mouvoir un moulin à tan et une scierie,

 

- bonde de Gournay, arrose tous les terrains placés en aval de la bonde Prévost et en amont du canal de fuite de la décharge de Planche-Clément, au lieu dit Gournay,

 

- bonde de l’Arquebuse, à 93 toises des vannes du Gouffre,

 

- bonde du Grand-Séminaire, sur un terrain de Notre-Dame-en-l’Isle.

 

Indépendamment des bondes, il existe encore sur les canaux de la Dérivation, d’autres prises d’eau latérales, sur le canal des Trévois, rendant leurs eaux dans le même bief : du Sieur Dupont, du Sieur Lenoir, des Terrasses, du Sieur Jacquier, du Sieur Mahaut, et prise d’eau du Sieur Delaage-Colas, sur le canal du Vouldy. Ces bondes, plus ou moins bien entretenues, reçoivent trop souvent la charge de charrier les herbes, dites mauvaises, arrachées des jardins et les épluchures provenant des cuisines. Sous ces apports, elles perdent leur limpidité, et amène la prolifération de moustiques.

 

      Il existe de Troyes à Méry, environ 81 bondes ou prises d’eau, qui donnent naissance à une série de canaux servant à irriguer et arroser les jardins et les prés.

 

      Le 27 septembre 1849, le maire Ferrand Lamotte fait afficher l’arrêté du Préfet de l’Aube, concernant l’Enquête relative aux Bondes de Prise d’eau depuis la Grande-Pointe jusqu’à l’usine de Jaillard. Le maire Louis-Félix Parigot fait afficher, le 23 décembre 1852, un Règlement d’Eau, concernant une Enquête, ouverte suite à la pétition de plusieurs  propriétaires, habitants de la Vacherie, du faubourg Saint-Jacques et de Troyes, demandant l’autorisation de faire passer, dans le ruisseau de la fontaine de la Vacherie, les eaux du gué Germaine, venant de la Bonde Doé. Le 13 septembre 1855, ce maire, considérant que le ruisseau des Tauxelles, alimenté par les eaux de la bonde Gendret est rempli de boues, sables et immondices qui empêchent le libre cours de l’eau et en altèrent la pureté, prend un arrêté de curage de ce ruisseau et des fossés qui en dérivent, depuis la bonde Gendret jusqu’au finage de la Chapelle-Saint-Luc, entre le 20 et le 30 septembre. Le 13 octobre 1865, le maire Argence fait afficher le Règlement d’eau de la bonde de l’Oratoire, tant à la principale porte de l’église qu’à celle de la mairie, et publier à son de caisse ou de trompe. Le 2 mars 1867, le maire Argence fait afficher le Règlement d’eau de la bonde Jean-Dret, demandant l’autorisation de la couvrir, et le 5 juillet l’affiche de l’enquête à ce sujet. Le 9 juin 1877, le maire Pierret fait afficher l’enquête n° 2, concernant l’établissement d’une roue volante sur un des deux bras de la bonde Gendret. Le 25 juin 1878, le maire Pierret fait afficher l’enquête n° 1 concernant le partage des eaux de cette même bonde. Une pétition en date du 22 novembre 1876, de M. l’abbé Brisson au maire, demande l’autorisation d’établir sur un des deux bras de la bonde Gendret, une roue volante. En vue du partage des eaux de la bonde Gendret, le maire fait afficher un règlement d’eau aux fins d’enquête, le 25 juin 1878. Les bondes, devenant trop souvent des foyers d’infection, après les inondations de 1910, et les travaux d’après guerre, quelques parties de canaux sont asséchées, ce qui entraîne la disparition de leurs bondes. Il en reste quelques traces, comme le lit desséché de la bonde de l’Arquebuse, issue du canal de la Planche-Clément. D’autres sont canalisés, afin de construire dessus.


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