Les Evêques influents



Augustin Sibille évêque constitutionnel


 

(L'évêque constitutionnel est considéré comme schismatique par le Saint-Siège).      

 

Le décret du 2 novembre 1789, en mettant « à la disposition de la nation » les biens ecclésiastiques, portait au diocèse de Troyes un coup très sensible.

 

Parti de Troyes dès le 11 mars 1792, Mgr Louis-Mathias de Barral, précise dans une lettre aux membres du corps électoral que « jusqu’au moment d’une heureuse conciliation entre le sacerdoce et l’empire, il restait toujours le seul légitime évêque ».

 

Avant qu’il soit procédé au vote, pour son remplacement, Sibille invite à désigner Mgr de Barral « ce sensible et bienfaisant prélat, leur légitime pasteur ». La légitimité du titre de Mgr de Barral est donc reconnue par celui qu’on va lui donner comme successeur. Cette confirmation de son droit, Mgr de Barral la renouvelle à Nangis, le 23 avril 1791, dans une « Lettre de M. l’Evêque de Troyes à M. Sibille se disant évêque du département de l’Aube », où il rappelle la déclaration faite par celui-ci qu’il était « le légitime pasteur de l’Eglise de Troyes », qu’il l’est encore et ne donnera sa démission que « quand l’Eglise la lui demandera », ce qui n’advint que le 5 octobre 1801. Le 8 juin 1791, de Trèves, il adresse à ses diocésains les lettres de Pie VI qui condamnent le serment constitutionnel. D’autre part, il reste en relation, par correspondance, avec prêtres et fidèles de l’Aube.

 

Le siège épiscopal ayant donc été déclaré vacant, le 12 mars 1791, par le président du département, en raison du refus de Mgr de Barral de prêter serment, le corps électoral du département formé de 348 électeurs (soit 1/100 des citoyens actifs) se réunit à la cathédrale, le 20 mars. Dans le cadre de cette belle église, cette cérémonie d’un genre nouveau ne manque pas d’allure, présidée par un grand seigneur, Athanase-Louis-Marie de Loménie, comte de Brienne, l’assemblée composée de gens d’opinions très diverses, ayant à choisir entre 2 concurrents : l’un modeste, presque effacé, qui n’a pas fait acte de candidature, l’autre intrigant qui a manœuvré de toutes manières. Cette assemblée paraît, pour le moins, un peu déconcertée. Surprise ou timidité, elle hésite entre les 2 candidats qu’on lui propose. Le premier scrutin n’ayant pas été concluant, le lendemain, les électeurs, par 243 voix sur 334 votants, désignent le curé de Saint-Pantaléon (1751-1791), Augustin Sibille, comme évêque du département.

 

Le nouvel élu est un troyen. Son concurrent, Jean-Baptiste Blampoix, curé de Vendeuvre, est un étranger, né à Mâcon, qui n’est agrégé au diocèse que depuis 21 ans, intelligent, mais de moralité moins évidente.

 

Curé de Saint-Pantaléon depuis 40 ans, Sibille avait réputation d’homme doux et bienfaisant et « tout indique que ses mœurs étaient à l’abri du soupçon, mais d’une intelligence médiocre, faible de volonté… un de ces hommes qui n’ont pas de vie personnelle et suivent tranquillement le courant de leur temps ». L’épiscopat de Sibille va justifier ce jugement. Il sera l’homme qui laisse faire.

 

Sacré le 3 avril par Gobel, l’évêque constitutionnel de Paris, et installé le 17, il compose son conseil, formé de 9 vicaires épiscopaux et des supérieur et directeurs du Grand Séminaire. On y rencontre à côté de révolutionnaires déterminés, des assermentés réticents. Il en sera de même pour les paroisses de la ville et du diocèse lorsque, dès la fin de 1791, des conflits éclatent entre les curés assermentés et les prêtres réfractaires qui font valoir le droit que leur a donné le décret du 7 mai de célébrer la messe dans les oratoires : Sibille s’abstient de prendre parti et s’en remet aux marguilliers des paroisses.

 

Le rôle essentiel de Sibille paraît être de figurer aux cérémonies patriotiques, fût-ce même de célébrer la messe, place Saint-Pierre, sur un autel où le buste de Mirabeau brûle de l’encens, de bénir des drapeaux, de présider dans les jardins de l’évêché un repas civique offert par la Société des Amis de la Constitution aux soldats indisciplinés d’un régiment, ou de recevoir à dîner les commissaires de la Convention.

 

Il ne dira pas un mot, ne fera pas un geste pour protester contre les mesures anti chrétiennes de la Législative, toujours passif  devant les désirs du pouvoir, il déposera sur le bureau du comité révolutionnaire ses lettres de prêtrise, le 17 novembre 1793. Ce geste constituait une apostasie et une renonciation à sa fonction épiscopale. S’en rend-il compte ?

 

Il ne semble pas. D’ailleurs, il n’a même plus l’usage de l’évêché, signe extérieur de sa fonction. On le lui a retiré en juillet 1792, pour en faire un hôpital militaire, un lieu de détention et un casernement. Alors il renonce à tout exercice du culte, se confine dans un silence qui est plus que de l’apathie : une lâcheté.

 

De cette apathie il ne s’éveille un moment qu’en 1797 pour solliciter de rentrer en possession de la cathédrale que les lois conciliantes de 1795 ont rendue aussi bien aux catholiques qu’aux autres cultes, ce qui lui est concédé sous d’humiliantes conditions d’horaire et de jours et ce commentaire brutal que ce n’était pas au « soit disant évêque du diocèse » que cette faculté était accordée, mais à titre d’ecclésiastique comme les autres.

 

Ce revirement ne lui ouvre pas les yeux, ne provoque aucune réaction généreuse. Jusqu’au bout il reste l’homme qui laisse faire, car rien n’indique qu’il ait reconnu son erreur avant de mourir.

 

         Les directeurs lazaristes du Grand-Séminaire ne purent affirmer longtemps leur fidélité. Dès le 7 juin, Sibille obtient du directoire du district leur renvoi et les remplace par trois assermentés.

 

         La suppression des registres paroissiaux de baptêmes, mariages et enterrements, la disjonction du contrat matrimonial et de la bénédiction nuptiale provoquèrent de nombreuses résistances. Sibille, de plus en plus embarrassé de son rôle, avait écrit à certains prêtres : « N’ayez plus de registres… Ne publiez plus de bans… Je m’en rapporte à votre prudence ».

 

         Le 24 novembre 1793, le commissaire Rousselin (voir ce chapitre) avait décrété que « les maisons nationales, reconnues précédemment sous le  nom d’églises, seraient fermées ». L’évêque Sibille et ses vicaires  épiscopaux accueillent cette décision, comme les précédentes, avec une docilité que l’on ne réussit pas à expliquer.

 

         Après la mort de Robespierre (27 juillet 1794), la loi du 21 février 1795 sur la liberté des cultes, puis le décret de réouverture des églises le 30 mai, semblent avoir mis fin aux luttes. D’ailleurs, le nouveau serment dit de Liberté-Egalité qui est exigé en mai 1795 est prêté par Sibille et avec lui, par la plupart des prêtres constitutionnels.

 

Jusqu’au bout Sibille reste l’homme qui laisse faire, car rien n’indique qu’il ait reconnu son erreur avant de mourir le 11 février 1798, dans la maison qu’il possédait rue de la Clef-de-Bois (rue François Gentil), sur le territoire de son ancienne paroisse de Saint-Pantaléon.

 

         Jean-Baptiste Blampoix, curé de Vendeuvre (1798-1801)) est désigné comme successeur par 6 voix contre 4 à Nicolas Bluget curé des Riceys. Il est sacré à paris le 4 novembre 1798. Il décède réconcilié le 18 juin 1820.

 

         Le premier évêque du nouveau diocèse sera Mg Marc-Antoine de Noé qui, dans ses mandements ne s’intitulera qu’« Evêque de Troyes » conformément aux textes pontificaux.      

 


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