Le sport à Troyes



Naissance de l'équipe professionnelle de football à Troyes


Stade de l'Aube
Stade de l'Aube

Je pense qu’il est très intéressant pour les sportifs, pour les mordus de foot, pour les Troyens, de vous relater le véritable démarrage d’une équipe professionnelle de foot à Troyes, ce qui n’a pas été facile.

 

        En 1930, l’Union sportive troyenne, l’Association sportive savinienne, le Rugby Club troyen, le Stade Jean Macé se regroupent en une seule société : l’A.S.T.S. (Association sportive de Troyes et de Sainte-Savine).
         En 1935, elle devient professionnelle, mais a des difficultés financières, et sollicite en 1936 une subvention de la Ville, à titre de participation aux frais qu’entraine l’entretien d’une équipe de football professionnel à Troyes. Le Conseil ne juge  pas possible à cette époque, de donner satisfaction à cette demande.

 

         L’A.S.T.S. renouvelle sa demande l’année suivante, en insistant sur la difficulté que comporte au point financier le maintien d’une bonne équipe professionnelle et sur l’intérêt que cette équipe présente pour la Ville.

 

         Le 9 juillet 1937, le Conseil met cette question à l’ordre du jour. Voici un résumé du compte-rendu de cette réunion qui a été le commencement d’une longue histoire entre la Ville de Troyes et le football.

 

         Le maire est alors René Plard, député, ouvrier PTT, puis avocat, rédacteur en chef de « La Dépêche de l’Aube ».

 

         « M. Choblet, au nom de la Commission des finances :… Il s’agit simplement de savoir s’il y a ou non intérêt pour la Ville au maintien d’une équipe de foot professionnel à Troyes… Que ce soit au point de vue du commerce local, évidemment  intéressé au premier chef par l’organisation de grandes manifestations sportives et par l’afflux de visiteurs qu’elles provoquent toujours, que ce soit au point de vue des budgets des établissements hospitaliers et de bienfaisance qui tirent de ces  manifestations d’appréciables ressources, que ce soit enfin au point de vue du prestige de la ville, il nous apparait que la présence à Troyes d’une bonne équipe professionnelle est hautement désirable. C’est pourquoi nous vous proposons, avec la conviction de bien servir les intérêts de nos concitoyens, d’allouer cette année à l’A.S.T.S. pour son équipe professionnelle de football, une subvention de 10.000 francs. Cette somme représente incontestablement de la part de la Ville, vu les charges multiples qui pèsent sur le budget communal,  un effort. Nous espérons que MM. Les dirigeants de l’A.S.T.S. voudront bien considérer avant tout comme une marque de confiance et un encouragement à poursuivre leurs efforts non seulement pour maintenir à Troyes une équipe professionnelle de football, mais encore pour améliorer cette équipe dans toute la mesure du possible afin d’augmenter toujours davantage la renommée sportive de notre Ville.

 

         M. Barrer, conseiller :… Il y a de nombreuses Sociétés sportives ouvrières qui se partagent en tout et pour tout, une somme de 17.000 francs. Pourquoi, vous, municipalité de Front populaire, voteriez-vous dans ces conditions 10.000 francs en faveur d’une équipe professionnelle ? Je déclare que, tant qu’on n’aura pas alloué des subventions plus importantes aux clubs ouvriers, je me refuse à voter ce qui est demandé pour l’A.S.T.S.

 

         M. Mazuir : Je déplore également que les clubs ouvriers soient insuffisamment dotés. On affirma que les matchs de l’A.S.T.S. amènent du monde à Troyes ? C’est à voir. Je soutiens que nombreux sont les visiteurs qui viennent en autos ou en cars, et qui, les matchs terminés, prennent le chemin du retour, sans s’arrêter en ville. Si les Sociétés ouvrières n’organisent pas de fêtes, c’est qu’elles ne sont pas soutenues financièrement. Qu’on leur donne les moyens et elles feront aussi bien que les autres…

 

         M. Madurell : … Il n’est pas de crédit sur lequel on puisse prélever une pareille somme… nous verrons en 1938.

 

         M. Rogelin : Je rappelle qu’il avait été décidé qu’on n’allouerait plus de subventions nouvelles aux Sociétés sportives…

 

         M. Navoizat : J’estime pour ma part, que le sport professionnel n’est pas du véritable sport… Le Bureau de bienfaisance reçoit, sur les entrées aux matchs organisés par cette Société, des sommes importantes et d’autre part, le commerce local y trouve profit… Je propose d’accomplir un geste amical de 5.000 francs.

 

         M. Barrer : L’an dernier, l’A.S.T.S. avait menacé de se retirer des matchs si on refusait la subvention. Or, elle n’a pas eu de subvention et elle ne s’est pas retirée. Si elle paie, c’est que l’affluence des spectateurs le lui permet. Tant que les enfants des travailleurs s’adonnant aux sports ne seront pas aidés, il ne faut pas donner un centime à ce club !

 

         M. Souveine :… Qui de vous refusera de voter la subvention de 10.000 francs, alors que la ville reçoit, en retour, en faveur du Bureau de bienfaisance, des sommes qui ne sont pas inférieures à 25.000 francs ?... Vous vous élevez contre l’octroi de cette subvention parce que l’A.S.T.S. est dirigée par des bourgeois : n’est-ce pas le fond de votre pensée ?... Vous vous dites partisans du petit commerce, et, pour une question d’ordre politique, vous refusez d’aider une Société dont les manifestations laissent du profit aux petits commerçants… Le Stade de l’Aube n’est-il pas fréquenté plutôt par la classe ouvrière que par la classe bourgeoise ? Pourquoi essayer d’enlever à la classe ouvrière la possibilité de se distraire un dimanche ?

 

         M. Choblet : L’an dernier, quand l’A.S.T.S. formula sa première demande, j’y fus hostile et je mis dans mon argumentation plus d’acharnement que M. Barrer lui-même, car je me plaçais au point de vue politique. Aujourd’hui, je reconnais qu’il faut parfois faire abstraction du point de vue politique pour se placer sur le terrain purement administratif. Le Conseil se doit de conserver le prestige de la ville, et de contribuer à sa prospérité. Représentant au Conseil des petits commerçants, qui paient à la ville la plus grosse part d’impôts, je pense que ceux-ci ne comprendraient pas que l’Assemblée ne favorise pas un sport, des manifestations duquel ils tirent quelques profits. Je dis très nettement, que mes préférences vont plutôt vers les humbles et les faibles… mais s’il n’existait pas à Troyes d’équipe professionnelle, on constaterait vite moins d’emballement pour le sport…

 

         M. Barrer : Si vous ne lui donnez rien, elle rapportera tout autant.

 

         M. Choblet : Si le Conseil refuse cette subvention, on lui reprochera d’avoir agi avec plus de sectarisme que d’esprit pratique. J’estime que l’existence d’une bonne équipe professionnelle à Troyes ne peut que contribuer au renom de la Ville.

 

         M. Mazuir : J’estime qu’il vaudrait mieux soutenir des joueurs français que des joueurs étrangers.

 

         M. Vaudez : Je pense que le professionnalisme est l’exploitation  de l’homme par l’homme. Le commerce de la Ville ne profite guère des dépenses d’une équipe qui achète en Autriche chaussures et ballons !

 

         M. Rogelin : Je ne prendrai pas la responsabilité d’accorder à l’A.S.T.S. une subvention qui, d’ailleurs, ne comblera pas le déficit.

 

         M. Barrer : Je conteste que les matchs soient l’occasion de grands profits pour le commerce local… Tant qu’on n’aura pas fait quelque chose de plus pour les clubs ouvriers, je ne voterai pas un centime pour l’A.S.T.S.

 

         M. Choblet : Je soutiens que le sport professionnel crée une émulation heureuse parmi les sportifs amateurs. Les matchs de football attirent toujours au Stade une foule de visiteurs des départements voisins. Et puis, n’est-il pas des municipalités de Front Populaire assez nombreuses qui subventionnent des Sociétés ayant des équipes professionnelles ?... En refusant la subvention, vous feriez un geste regrettable vis-à-vis du petit commerce.

 

         M. Dinant : Je suis également membre des Petits Commerçants, mais ne voterai pas la subvention, car j’estime que ce n’est pas une question de commerce.

 

         M. Plard maire : … Nous pourrions accorder une subvention dont on peut réduire le chiffre… Je rappelle que j’ai toujours été l’adversaire du sport professionnel… ce qu’il y a de choquant dans certaines pratiques du professionnalisme, notamment la vente des joueurs… L’A.S.T.S. fait valoir qu’elle paie à ses joueurs des salaires qui atteignent au total 230.000 francs… Ces sommes sont dépensées au profit du commerce local… Le Club fait valoir que si l’état de ses finances l’obligeait à abandonner l’équipe professionnelle, elle ne pourrait plus être candidate à la Fédération… Si le Bureau de bienfaisance se trouvait privé de la ressource des 25.000 francs, du fait du rejet de la demande de subvention, le Conseil municipal en porterait la responsabilité… Malgré les objections, je prends position en faveur de l’octroi de la subvention.

 

         M. Madurell : En tant que Président de la Commission des finances, j’affirme qu’il y a l’impossibilité absolue d’imputer au budget supplémentaire la subvention demandée. Si l’on peut remettre la demande en question au budget de 1938, la question ne se pose plus. Mais il faut avoir, dans certains cas, le courage de refuser, même ce que l’on voudrait accorder. C’est pourquoi je demande le renvoi à la Commission.

 

         M. Souveine : Le cas échéant, je saurai rappeler les paroles que M. Madurell vient de prononcer, touchant les finances de la Ville.

 

         Le maire M. Plard : Je demande au Conseil d’ajourner toute décision. La demande de l’A.S.T.S. est renvoyée aux Commissions sportive et des finances ».

 

         La subvention n’a été votée que l’année suivante.

 


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