la révolution




Ephémérides inédites : novembre 1794 - mars 1795


Voici quelques extrêmement intéressantes et très instructives anecdotes retrouvées d’un témoin qui ne donne pas son nom.

30 novembre 1794 : François-Victor Gachez, ancien maître d’école de la Vacherie, maire sans-culotte de Troyes, homme sans valeur intellectuelle et morale, a été exposé au poteau. Bourdon, prieur-curé de Luyères se marie avec sa servante, fort jolie, dit-on, et intelligente.

1er décembre : le citoyen Antoine Simon, cordonnier, jacobin, de Troyes, instituteur du fils de Capet, a été guillotiné. Le député Bailly, Troyen, ex oratorien, marié depuis la suppression des ordres religieux, dit qu’il y a 10.000 incarcérés à mettre en liberté, et il annonce beaucoup de douceur, d’humanité et d’intention juste. « Le ci-devant curé de Saint-Martin-ès-Vignes, le ci-devant prieur-curé de Viâpres, le ci-devant abbé de Chaource, le capucin-prêtre curé de la Loge, le curé de Chesley, l’ex chanoine de Saint-Etienne, reçoivent leur élargissement et sortent de prison. Arrêté du Conseil général de la Commune de Troyes, en date du 17 nivôse, ainsi conçu : « Le Conseil général a arrêté que l’agent national et l’officier municipal sont chargés de retirer du temple de la Raison (cathédrale), tous les objets du culte catholique qui s’y trouvent, et de transporter le tout à la maison commune pour le disposer ensuite et l’envoyer à la Convention nationale ».

9 décembre : un prêtre ci-devant religieux mathurin, achète le domaine de Sacey, avec château-fort, le fait valoir avec 6 domestiques et a un train de campagne considérable. On ajoute qu’il veut épouser Emilie et lui a déjà fait cadeau d’une montre en or.

12 décembre : 120 hommes du 18° régiment de cavalerie arrivent, venant de Vendée. Ils disent que les habitants de la Vendée font la guerre comme des brigands, tuent tous les patriotes qu’ils trouvent isolés, se volent les uns les autres et s’égorgent même entre eux.

16 décembre : 2 fâcheuses nouvelles se répandent : la première, que nous avons été battus avec perte considérable devant Mayence, la deuxième, que notre armée de Sambre-et-Meuse a déserté pour la majeure partie. Gachez, ancien maire de Troyes est condamné au pilori et à 8 années de fer ou de galères. Rousselin est arrêté.

18 décembre : l’abbé Suard et le chevalier Saint-Georges sont libérés. Les communes voisines de Larrivour annoncent au district et au département qu’il y a beaucoup de loups dans les bois du voisinage. Tous les chasseurs de Troyes doivent se réunir dimanche en grand nombre pour traquer ces animaux.

26 décembre : il est convenu d’une souscription pour faire acheter du grain. Pendant un certain laps de temps, on est réduit à ½ livre de mauvais pain par personne.

6 janvier 1795 : le citoyen Bouillé, envoyé à Paris pour obtenir de la Convention des secours, annonce qu’il a obtenu 50.000 livres pour la ville de Troyes.

12 janvier : Le ci-devant comte de Lamotte et la femme divorcée du citoyen Chanut se présentent à la municipalité de Troyes pour contracter mariage. On trouve que ses papiers ne sont pas en règle, qu’elle a encore besoin d’un délai de 5 mois. Elle a divorcé, non pour cause d’émigration, ni comme femme abandonnée, mais pour incompatibilité de caractère, et, dans ce cas, il faut un délai de 10 mois avant de contracter un nouveau mariage. Elle prie, supplie, déclare qu’elle est grosse de 6 mois. L’officier persiste à lui refuser l’état-civil demandé. Les contractants démeublent, chargent des voitures toute la nuit et partent sur-le-champ pour Bar-sur-Aube, où la demoiselle Boudon, la veuve Chanut et sa fille vont habiter avec le comte de Lamotte, en attendant que le mariage se fasse ou ne se fasse pas.

13 janvier : proclamation de la municipalité qui annonce qu’à compter du 1er février, les boulangers cuiront, qu’on ira prendre le pain chez eux avec une carte donnée à cet effet, à tous les citoyens qui seront dans le cas d’en avoir, que le pain sera payé, par les gens aisés 7 sols ½ la livre, 6 sols par les indigents. On invite les citoyens à ne pas perdre leur carte, parce que, s’ils la perdaient, on ne leur en donnerait pas une autre.

24 janvier : temps toujours très froid, vent très piquant : le vin gèle dans les caves, beaucoup de puits sont gelés.

25 janvier : temps plus vigoureux, gelée violente, le thermomètre marque – 22 °. C’est aujourd’hui le 40° jour de gelée quotidienne.

28 janvier : le dégel continue. Les plafonds détrempés tombent dans la chambre de ma femme. L’eau coule le long des murs et des lambris dans toutes les chambres. Les maisons situées entre l’hôpital et le pont, sont menacées d’être renversées par les glaces.

La nuit du 5 au 6 pluviôse, le feu a pris dans la diligence de Dijon, les 4 roues ont échappé seules aux flammes. On soupçonne que quelques charbons du couvet d’une voyageuse en sont la cause. C’est la même voiture dont le dernier roi s’était servi pour se sauver et dans laquelle il a été arrêté à Varennes. La débâcle cause les plus violentes alarmes du côté des blanchisseries, à la Vacherie et à Fouchy. On bat la générale à 1 h du matin.

3 février : on annonce aux prêtres renfermés à l’abbaye saint-Loup, qu’ils auront incessamment leur liberté.

6 février : on rend la liberté à tous les prêtres enfermés à Saint-Loup.

7 février : Rousselin est jugé pour ses crimes : « … avoir fait dresser une guillotine sur la place de la Liberté, ci-devant place Saint-Pierre, commissaire civil de 22 ans, envoyé dans l’Aube pour dépeupler le département… il n’y a pas de monstre qui ait accumulé plus d’horreurs et de forfaits à Troyes, l’expression manque pour le caractériser ».

8 février : « ce matin à 3 heures, un postillon de Laprairie, maître de poste, amène les chevaux au gué du Palais. Ces chevaux ont été entraînés sous le pont. Il a crié au secours, personne ne l’a entendu. Il aurait péri avec ses chevaux s’il n’avait eu la présence d’esprit de couper la courroie qui tenait attachés les 2 derniers qui ont péri. Il a été trop heureux d’être sauvé avec les autres.

9 février : les glaces de la rue fondent à vue d’œil. La Moline, la Vacherie, les Tauxelles, sont encore inondées. 10 février : on enterre M. de Chambaut, qui est mort de froid pendant les excessives gelées.

11 février : il y a une descente juridique chez le nommé Laratte, bonnetier, frère d’un horloger de ce nom, originaire de la Suisse. Il allait fréquemment dans son pays et il était soupçonné, comme son frère, de se charger de correspondances avec les émigrés. L’abbé Bavoillot, prêtre de la façon de l’évêque Sibille, a une sœur qui, sans doute, est jolie, mais libertine connue, puisqu’il est à la connaissance de tout Troyes qu’elle est la maîtresse du crapuleux Gacher, maire, qui lui a rapporté de Paris, pour 2.000 écus de bijoux et d’ajustements.

14 février : Madame Despence a été à une vente qui se faisait à l’église. Elle avait un chapeau noir avec un ruban noir. Quelque sans-culotte a crié que c’était un chapeau contre-révolutionnaire, parce qu’il portait une cocarde noire sans la cocarde nationale. « On s’est amassé autour d’elle, on l’a conduite au Comité révolutionnaire, qui l’a condamnée à 10 jours de prison et a décerné un mandat contre elle.  Son mari, averti de cette condamnation, est arrivé. Il a démontré que si sa femme n’avait pas de cocarde, c’était un oubli. Enfin, on lui a rendu sa femme.

17 février : l’abbé Bottot, ci-devant curé de Villemoiron, reçoit enfin son mandat d’élargissement. On lit dans le « Courrier républicain » du 27 pluviôse, à l’article Nouvelles de Paris, une anecdote ainsi contée : « La femme d’un membre du Comité révolutionnaire avait l’imagination tellement frappée par les discours de son anthropophage d’époux et par le spectacle habituel des victimes traînées à l’échafaud, qu’elle vient d’accoucher d’un monstre dont les mains étaient attachées derrière le dos, comme s’il allait être guillotiné. Le monstre est mort. Le père et la mère jouissent d’une parfaite santé ».

19 février : on assemble les bataillons qui se rendent de la maison commune à la place Saint-Pierre pour y prêter le serment, les officiers entre les mains de la municipalité, les autres citoyens entre les mains de leurs officiers. Cette cérémonie se fait au bruit de canon.

21 février : On crie et l’on vend par les rues la sentence qui condamne Gachez à 8 années de fer.

22 février : il a plu, ce qui fait du verglas. A conpté du 1er germinal, il n’y aura plus de comités révolutionnaires dans les chefs-lieux de districts, ni dans les communes dont la population n’atteint pas le chiffre de 50.000 âmes. Lemuet, qui demeure rue Champeaux constate qu’il a échappé miraculeusement à la guillotine, Robespierre ayant commencé à faire vider Bicêtre sous prétexte de révolte. 2 voitures de prisonniers déportés étaient déjà parties, lorsque Robespierre est mort. Lemuet serait parti avec la troisième.

         Ces éphémérides sont importantes, et il est regrettable que ce fragment de notes prises au jour le jour ait échappé seul au naufrage de tant de documents  relatifs à notre histoire locale.     

 

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