Religion



Domaine épiscopal de Saint-Lyé


Au temps de la féodalité, la plupart des évêques unissaient à leur autorité spirituelle une souveraineté temporelle. Ils avaient besoin pour l’exercice de leur ministère, de beaucoup de considération, et les charges qui pesaient sur eux pour l’entretien de leurs églises et la subsistance des pauvres, les obligeaient à acquérir des biens en rapport avec l’étendue de leur diocèse. Ce fait historique est facile à constater pour Troyes. L’évêque était seigneur de la terre d’Aix-en-Othe, de Pouan, de Premierfait et de Saint-Lyé. Il possédait en outre, dans plusieurs localités des droits et des revenus tout comme les seigneurs laïcs.

 

         La terre de Saint-Lyé était la plus importante, après celle d’Aix-en-Othe.

 

         En 1169, à la mort de l’évêque Henri de Carenthie (1145-1169), l’évêché de Troyes fut dévolu à Mathieu (1169-1180). Le roi Louis VII (1137-1180) lui confirma la propriété des biens dont ses prédécesseurs avaient joui et parmi lesquels figure la terre de Saint-Lyé.

 

         La seigneurie de Saint-Lyé rapportait aussi des droits de mainmorte (incapacité dont sont frappés les serfs en France au Moyen-Âge de transmettre leurs biens à leur décès) dont l’évêque Barthélemy (1190-1193), en 1190, en fait donation au chapitre de sa cathédrale.

 

         Son second successeur Hervé (1207-1223), obtint de Philippe Auguste en 1207 une vente de grains sur une exploitation que l’évêque Nicolas de Brie (1233-1269) acquiert en 1262. A cette date, le domaine s’agrandit de nouveaux revenus, de même que sous l’évêque Jean de Nanteuil (1269-1298), comprenant une partie faible du finage de la Chapelle-Saint-Luc.

 

         Un événement important eu lieu à la seigneurie de Saint-Lyé le 15 août 1315 : le mariage du roi Louis X le Hutin (roi de Navarre 1305-1316, roi de France sous le nom de Louis Ier 1314-1316) avec Clémence de Hongrie par l’évêque de Troyes Jean d’Auxois (1314-1316).

 

         Selon la législation de cette époque, quand un curé mourait ab intestat (personne qui n’a pas fait de testament), c’était l’évêque qui héritait de son mobilier. C’est ce qui se produisit au décès de Jean Alinges, curé de Meilleray. Sa succession, comprenant un cheval noir, 2 vaches, 58 bêtes à laine, devint la propriété du prélat. Toute cette basse-cour fut amenée à Saint-Lyé.

 

         Une autre redevance s’appelait le « chevage » (impôt léger que les serfs devaient verser au seigneur tous les ans).

 

L’évêque a à son service personnel 12 chevaux et 4 autres attachés à l’exploitation du domaine.

 

         A partir de 1374, les recettes fixes s’augmentent du revenu du gagnage (pâturage où vont paître les bestiaux) de Crotoy légué par l’évêque capitaine Henri de Poitiers (135-1370), et qui comportait la justice haute, moyenne et basse, une maison, un accin (désigne une clôture) et un pourpris (clôture qui entoure un espace) de 5 arpents de terre.

 

A cette époque, le village voisin de Payns était en la possession du bailli de Troyes, Jean de Dinteville. Or ce seigneur prétendait imposer à la taille des habitants de Saint-Lyé, parce que, selon lui, ils étaient de la mouvance (fief dépendant d'un fief plus important) de sa terre de Payns. Comme ils refusaient de se laisser taxer, il envoya contre eux des hommes d’armes qui se saisirent de quelques uns des récalcitrants et les conduisirent dans les prisons de Payns. Il ne fallut pas moins que l’intervention du roi pour que justice fut rendue aux prisonniers. Une autre fois, ce fut l’évêque qui arrêta un sergent du sieur de Dinteville envoyé de Payns pour saisir un pourceau sur le territoire de Saint-Lyé. Enfin, après de nombreuses démarches, le malheureux sergent fut élargi, grâce à l’indulgence de l’évêque.

 

Une dépense était à la charge de l’évêque, la nourriture des prisonniers condamnés par l’officialité et faisant leur peine dans les prisons du château. La prison était très dure, mais elle était régulièrement visitée par ordre du prélat. Les exécutions capitales avaient lieu sur le domaine où s’élevaient les fourches patibulaires (gibet constitué de deux colonnes de pierres ou plus sur lesquelles reposait une traverse de bois horizontale).

 

Il fallait entretenir le château en bon état, en raison de la guerre qui inspirait de vives craintes. Il était commandé par un capitaine. De plus, un gouverneur, souvent un ecclésiastique, avait la charge de l’administration du domaine.

 

Par crainte des Anglais, le pontife avait obtenu du roi Charles V (1364-1380), en 1372, l’autorisation de contraindre les habitants des pays avoisinants, à faire le guet et à monter la garde au château. S’ils étaient soumis à cette charge, ils y trouvaient une compensation en cas de danger : c’était de pouvoir s’y réfugier et d’y mettre leur mobilier à l’abri des atteintes de l’ennemi. Ils y trouvaient aussi des armes, notamment des arbalètes.

 

Les achats de poudre à canon figuraient parmi les dépenses de la forteresse.

 

En 1437, ne pouvant s’en prendre aux habitants réfugiés dans le château, les envahisseurs s’acharnèrent à détruire le four banal (four appartenant au seigneur, dans lequel les paysans cuisaient leur pain) qui appartenait à l’évêque, ils prirent 4 chevaux qu’ils emmenèrent à Montmorency près de Chavanges. S’ils réussissaient à échapper à l’ennemi, il n’en fallait pas moins loger le soldat français qui parcourut tant de fois la Champagne à la poursuite des Anglais.

 

En 1412, le duc de Nevers avec ses gens est à Saint-Lyé et villages voisins.

 

Lorsque Charles VII (1422-1461) vint mettre le siège devant Troyes (voir chapitre «  Jeanne d’Arc « ), quelques bandes de ses troupes poussèrent jusqu’à Saint-Lyé et s’en emparèrent, mais pour peu de jours. Elles durent se retirer, comme l’exigeait le traité conclu le 9 juillet 1429 entre le roi et les Troyens.

 

La cessation des hostilités (grâce à Jeanne d’Arc) amena la paix, mais cela n’empêcha pas l’évêque de Troyes, Jean Léguisé (1426-1450), de faire garder son château. Il en chargea Guillaume Juvenel, aussitôt qu’il put rentrer en sa possession.

 

En 1433, la crainte des Bourguignons qui menaçaient la ville de Troyes porta le conseil à confier la défense du château de Saint-Lyé à Jean le Champenois capitaine de la forteresse de Rosnay. Il s’y enferma avec ses hommes, du consentement de l’évêque.

 

En juillet 1439, des soldats de passage se saisirent d’une jument qui appartenait à l’évêque et ne la rendirent qu’après s’être fait donner 1 salut d’or (monnaie nouvelle d’or pur dont un petit nombre de spécimens sont parvenus jusqu’à nous) et 4 pintes de vin (1pinte = 0.93 litres). Et cependant l’évêque nourrissait les troupes.

 

Du 1er septembre au 5 octobre, on vit arriver par 3 fois des troupes qui venaient du siège de Meaux pris par l’armée de Charles VII en août précédent.

 

Le 18 octobre entra à Saint-Lyé avec 75 chevaux, Alexandre de Bourbon. Quelques semaines plus tard, c’est Philippe-Antoine d’Orléans, dit le bâtard de Vertus, qui s’empare des chevaux de l’évêque.

 

Pour plus de sûreté, l’évêque fait élever, en juin 1440, des fortifications où pourront se réfugier les habitants avec leurs bestiaux.

 

En 1476, l’évêque de Troyes Louis Raguier (1450-1483) accroit le domaine épiscopal en achetant beaucoup de terres, de prés et de vignes.

 

Le 5 juillet 1479, cet évêque reçoit Louis XI (1461-1483) se rendant en Bourgogne, et son successeur, Jacques Raguier (1483-1518), accueille le 11 mai 1486, Charles VIII, qui y passa la nuit avant de pénétrer à Troyes.

 

Outre la seigneurie de Saint-Lyé, l’évêque possédait celle du village de Pouan.

 

L’évêque de Troyes Antoine Caracciole (1550-1562) aimait la résidence de Saint-Lyé. Il y reçut en 1562, le duc de Nevers qui y séjourna un jour où la foudre tomba sur le château.

 

En 1563 son successeur Claude de Bauffremont (1562-1593), comme, pour satisfaire aux besoins de l’Etat, il est question d’aliéner une partie des biens ecclésiastiques, demande au conseil de Troyes que le roi excepte de la vente le château de Saint-Lyé. On pourrait craindre, disait-on, que, s’il était aliéné, il ne tombât entre les mains des ennemis du roi.

 

Lors de son passage en mars 1564, le roi Charles IX (1560-1574) s’arrêta dans la résidence épiscopale avec sa nombreuse suite.

 

Le 28 juillet 1583, la reine Louise de Lorraine, femme d’Henri III (1574-1589), passa à Saint-Lyé en se rendant aux eaux de Bourbon l’Archambault.

 

Le 7 septembre de la même année, la cour du Parlement dîna au château de Saint-Lyé avant d’entrer dans la ville de Troyes, où allaient se tenir les Grands Jours.

 

En 1590, les Ligueurs démantèlent le château, de manière qu’il ne put s’y établir de défense.

 

Le 20 mai 1595, l’évêque René Benoît (1593-1604) donna l’hospitalité à Henri IV(1589-1610), quand il se rendait à Dijon. 1.200 troyens allèrent au-devant du cortège royal, jusqu’au château de Saint-Lyé.

 

En 1601, l’évêque René Benoit fait entourer de murailles le château.

 

L’évêque de Troyes René de Breslay (1605-1641) ne s’entendait pas toujours parfaitement avec son Chapitre. Mécontents de lui à cause de sa persistance à vouloir appeler les Jésuites dans la ville épiscopale, les échevins allaient jusqu’à lui en fermer les portes le 30 mai 1631, quand il revenait de sa campagne de Saint-Lyé. Déjà, en 1628, les Ursulines voulant s’établir à Troyes s’étaient vu refuser l’entrée de la ville injustement prévenue contre  elles. L’évêque de Troyes les reçut dans sa maison de Saint-Lyé. En 1630 les sœurs de la Visitation durent aussi attendre à Saint-Lyé qu’il plût aux Troyens de les laisser pénétrer en ville.

 

En sa qualité de seigneur temporel, l’évêque instituait les officiers de justice, les praticiens, les notaires.

 

Une des principales fonctions du bailli était la police. En cette qualité Nicolas Lorey rendit en 1675 une ordonnance dont voici quelques extraits : « De par Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime évêque de Troyes, seigneur de Saint-Lyé et l’ordonnance de nous, Nicolas Lorey, avocat en Parlement, bailli dudit Saint-Lyé, sont faites très expresses inhibitions et défenses à tous habitants de ce lieu…de jurer, renier ne blasphémer contre l’honneur de Dieu… de tenir brelans, fréquents jeux, aller de nuit par les rues, faire bruit et scandale, porter épées, pistolets et autres bâtons offensifs, de travailler les jours de dimanches, Notre-Dame, Saint-Lyé, Gervais et Protais… ni rien vendre ni débiter pendant les services divins à peine de 10 livres d’amende et  confiscation des marchandises… de ne faire pain que de bon blé, froment loyal et marchand et de blanc et de fin et du poids et taux de monseigneur… aux domiciliés en cette paroisse de ne retirer en leurs maisons gens inconnus et vagabonds... aussi à ceux ayant chiens mordants et furieux de les tenir en leurs maisons à l’attache en ytelle sorte qu’ils ne puissent mordre ni offensent personne à peine de 3 livres d’amende… ».

 

A la Révolution, la seigneurie de Saint-Lyé subit le sort des biens ecclésiastiques. Elle fut mise en vente le 12février 1791.

 


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