Scandales



Mariage blanc


J’ai déjà dit avoir célébré environ deux mille mariages.

En effet, à cette époque, il y en avait beaucoup.

Par exemple, le dernier samedi avant les vacances de la bonneterie, il est arrivé d’y en avoir près d’une quarantaine. En plus de la salle des mariages, il fallait en faire dans le petit salon.

Même, quelques fois, nous faisions rentrer 3 mariages ensemble (quand il n’y avait pas beaucoup d’invités), et je ne lisais qu’une fois le code au lieu de trois, puis demandais à chaque couple séparément leur accord.

 

Un jour, on me demande de célébrer un mariage, un vendredi en fin d’après-midi. Ce sont deux jeunes de la Mission Locale qui me l’ont demandé, puisque j’étais vice-président de cette association.

 

J’arrive dans la salle des mariages, et vois en effet la jeune fille avec son petit ami.

Je la félicite et lui dis que je suis content pour eux deux...

Elle me répond qu’elle ne se marie pas avec lui, qu’il ne sera que son témoin, qu’elle a eu un grand coup de foudre et elle me présente le futur.

C’est un Mauricien.

Je n’ai rien à dire, mais me renseigne quand même, discrètement auprès de la responsable du service de l’Etat-Civil.

On me confirme que tout est en ordre, qu’ils ont reçu toutes les pièces nécessaires.

 

Je procède donc à la célébration du mariage.

 

Ayant quand même une arrière pensée, la cérémonie terminée, je téléphone à la Mission Locale pour demander le portrait physique du deuxième témoin.

En effet, j’avais eu en face de moi une petite jeune fille fluette, alors que le nom prononcé me rappelait plutôt un grosse boulotte.

C’est bien ce que l’on me confirme.

Je rencontre aussitôt la responsable du service de l’Etat-Civil, et ne suis pas long à comprendre que nous avons été mystifiés, et que j’ai dû célébrer un mariage blanc ! (Un mariage blanc, aussi appelé mariage de complaisance, est un mariage contracté dans d'autres buts que la vie commune).

 

Tout s’enclenche alors très vite.

Je téléphone au Procureur de la République pour lui faire part de mes soupçons, afin qu’il me couvre pour l’enquête policière que je déclenche sur le champ.  

Ensuite, je lui confirme par écrit mon récit, afin que le mariage puisse être annulé.

 

J’envoie notre police municipale au domicile de la jeune femme, mais il n’y a personne. Cependant, nos policiers apprennent que les nouveaux mariés doivent se rendre à Paris le lendemain matin, par un des premiers trains.

 

Le samedi, je suis dès 7 heures à mon bureau à la Marie, attendant la suite des évènements.

Vers 8 heures, nos policiers m’amènent la jeune mariée de la veille et son petit ami, qu’ils ont trouvé dormant tranquillement ensemble dans leur appartement.

Ils me signalent également que le marié vient d’être appréhendé sur le quai de la gare, et emmené par la Police Nationale.

 

La jeune femme me raconte alors, le plus naïvement du monde, son histoire.

Elle a fait la connaissance un mois auparavant, du Mauricien qui lui promet, pour ce mariage blanc, une robe neuve et 1.500 francs. Une aubaine pour elle qui n’a pas d’argent. Elle aime toujours son petit copain, continuant de vivre avec lui, et n’a jamais couché avec le Mauricien.

 

Ces mariages de complaisance étaient pratiqués pour acquérir la nationalité française. En effet, à cette époque, un étranger qui épousait une Française, pouvait devenir français six mois après le mariage, par simple déclaration, sans condition de délai, ni de résidence, sur justification du dépôt de l’acte de mariage auprès de l’autorité administrative compétente.

 

Une semaine après, mon Député-Maire Robert Galley, que j’avais mis au courant, intervenait à la tribune de l’Assemblée Nationale et la loi était changée.


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