Geneviève vient de divorcer et a un petit enfant. Elle veut s’amuser, après une première expérience amère. C’est ce qu’elle explique à Jean-Pierre dans la salle de bal où son frère, un copain à lui, l’a emmenée en septembre 1974. "Mais, vous ne dansez pas ?". "Non, je viens pour écouter de la musique. Je joue de la batterie dans un orchestre ". Au moment de la quitter, Jean-Pierre hasarde :"Je suis bien avec toi". La jeune femme l’embrasse et l’emmène dans son appartement à la Chapelle-Saint-Luc. Il l’enlace et commence à la déshabiller avec hâte :"Je peux rester ici ? On s’arrangera pour le loyer. Je n’ai pas beaucoup d’argent, mais… ". "On verra, cela n’a pas d’importance".
Pendant trois mois, Jean-Pierre vit une parfaite lune de miel. La semaine, il travaille comme manœuvre, le samedi ou le dimanche, il part jouer avec sa formation ou répéter. Jamais Geneviève ne s’y oppose :"C’est normal, mais je ne t’accompagne pas, j’ai mon fils à promener, des tas de choses à faire", explique-t-elle. Cette attitude déplait au jeune homme. "Tu reçois peut-être quelqu’un pendant mon absence ?", et il la gifle violemment. La réaction de Geneviève est inattendue :"Ne recommence jamais cela, je n’ai pas divorcé pour être embêtée par un gamin !". Son calme l’impressionne. Pourtant, à chacun de ses départs, ses doutes se raniment et les scènes se succèdent. Excédée, Geneviève lui impose une séparation de 15 jours pour qu’il réfléchisse. Le 1er juillet 1975, il est de retour chez elle, la suppliant de reprendre leur existence. Elle accepte, sous réserve qu’il se calme et ne la frappe plus jamais.
Quelques jours plus tard, elle lui annonce " Un ami hollandais que j’ai connu il y a trois ans en vacances, est de passage à Troyes avec sa fiancée. Mon frère nous invite à dîner. Tu es de la fête, naturellement". En voyant le type en question, Jean-Pierre a un choc. C’est un beau garçon blond aux yeux bleus. A peine rentré, Jean-Pierre hurle : "S’il est passé par Troyes, c’est pour te voir, tu as été sa maîtresse, hein ?". Il la gifle, va chercher un couteau à la cuisine et se plante devant elle : "Je t’en prie, j’ai un petit garçon, ne fais pas de bêtise ! ". Il frappe, n’importe où, du sang jaillit, l’éclabousse. Il part en courant, au hasard prend le train pour Saint-Dizier. Toute la journée il erre, avant de revenir chez sa mère, rue Fortier à Troyes. Ce sont les policiers qui ouvrent. Jean-Pierre ne cherche pas à nier :"Je l’aimais, j’ai perdu la tête ! ". "Vous avez de la chance ! Sur les neuf coups de couteau, aucun n’a été mortel. Votre amie est à l’hôpital ", lui explique le commissaire.
Le 19 novembre 1975, il comparait devant le tribunal correctionnel, obtenant 18 mois de prison, dont 12 avec sursis. En sortant de la maison d’arrêt de la rue Hennequin en février 1976, Jean-Pierre se jette dans les bras de sa mère : "Jamais je ne me laisserai plus emporter par la colère", lui promet-il."Tes copains sont venus demander de tes nouvelles, ils t’aideront", dit la vieille femme. Il entre à la S.N.C.F., reprend son entraînement à la batterie et participe à l’animation des bals du samedi soir.
A 26 ans, après les mois de prison qu’il a endurés, il se sent vieux. Cela fait plusieurs fois qu’il remarque une femme dans la salle. Il l’invite à danser, puis à prendre un verre. "Je m’appelle Nicole, j’ai 37 ans. Malgré mes deux grands enfants, j’ai envie de m’amuser".
Jean-Pierre devient son ami, puis son amant, en avril 1976, juste avant de partir dans un club de vacances en Savoie, où le guitariste du groupe a décroché un engagement. " Nous sommes peu payés, mais nourris, blanchis, logés ". " Vas-y, une occasion pareille ne se retrouve pas ", lui dit Nicole. Mais il ne cesse de penser à sa maîtresse.
En août, il revient à Troyes, se précipite chez elle. " Je ne t’attendais pas si vite !". " Tant que ça ? Tu m’as trompé, hein ? " hurle-t-il en la giflant. Nicole lui impose une séparation de quinze jours à la fin avril 1977. Son destin semble se répéter : "un gamin ne va pas faire la loi ici ! " lui dit-elle comme Geneviève. Maintenant il a une preuve formelle de sa trahison, une maladie vénérienne. En plus, elle l’a mis dehors en le menaçant :"Si tu reviens faire des histoires, me frapper, je te préviens, j’avertis mes amis et ils te corrigeront ! ".
Il remâche ces mots au café du Musée, place de la Cathédrale, le PC de l’orchestre où ils viennent boire un pot après la répétition, ce mercredi 11 mai." Ce n’est pas facile de se débarrasser de ces saloperies. Ah ! elle s’est bien fichue de ma gueule " pense-t-il.
Avant de rentrer se coucher chez sa mère où il habite de nouveau, Jean-Pierre fait un crochet par le bar de la rue Fortier. Il sait y trouver les amis de Nicole. A peine accoudé au comptoir, ceux-ci l’entourent :" Nous, on ne te veut pas de mal, mais n’embête plus cette femme ", le préviennent-ils. Il ne parvient pas à s’endormir.
A 5 h du matin, il n’y tient plus, il doit lui parler, l’obliger à reprendre peut-être la vie commune. Il glisse un couteau dans sa poche. Le jour se lève lorsqu’il prend la chaussée du Vouldy. "Elle est obligée d’emprunter ce trajet pour se rendre à l’usine de bonneterie " se dit-il. Il s’arrête sur le pont de la Pielle et attend. Pas longtemps. Nicole apparaît sur son vélo. En l’apercevant, elle tente de l’éviter, mais il la stoppe :"Tu n’es qu’une salope ! " hurle-t-il. "Une bonne fois pour toutes, fiche-moi la paix", lance-t-elle. Sortant le couteau, il frappe la jeune femme à la poitrine, dans le dos. Elle s’écroule. Il est 6 h 30, personne n’a vu la scène. Jean-Pierre lance le couteau dans le bras de Seine et se dirige vers le pavillon maternel :" Maman, je vais repartir en prison, j’ai tué Nicole, je vais téléphoner".
Il se constitue prisonnier au commissariat de Troyes. "Votre maîtresse a été transportée à l’hôpital des Hauts Clos dans un état grave, les poumons ont été atteints, le cœur aussi ! On ne sait pas si elle survivra. Vous ne vous en tirerez pas cette fois", lui disent les policiers.
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