C'est notre histoire



Les écorcheurs au XV° siècle


Une fois délivrés des Anglais, les Troyens respirèrent.

 

         Ils se sentaient chez eux. Ils croyaient qu’à l’abri de toute tyrannie, ils pourraient par leur travail et leur sagesse rendre à leur ville son ancienne prospérité commerciale et industrielle.

 

         Délivrés en partie des Anglos-Bourguignons, ils espéraient purger le pays des Compagnies françaises qui, sous prétexte de servir le roi, commettaient partout les plus grands désordres, et ils lui adressèrent un long mémoire « sur les faits et violences des gens de guerre ».

 

         C’est qu’en effet la situation était devenue aussi lamentable qu’au temps de la domination anglaise.

 

         A la nouvelle des succès remportés par les troupes royales, une foule d’aventuriers affamés, de brigands sans ouvrage, s’étaient jetés sur le pays, s’y étaient installés avec l’agrément du roi, et, ne trouvant dans la guerre rien qui pût les dédommager de leurs frais de voyage, s’étaient mis à manger le plat pays et à rançonner les voyageurs.

 

         Les Troyens s’adressèrent directement au roi. Charles VII (1403-1461) les exhorta à avoir bon courage, disant qu’au besoin, « la ville serait secourue par lui ». Il envoya à Troyes des commissaires, dans le but de faire cesser les ravages des gens de guerre. Il écrivit aussi au bailli de Troyes, pour lui enjoindre d’avoir à démolir les châteaux de Chappes et de Saint-Liébault (Estissac) qui pouvaient servir de repaire aux brigands.

 

         Mais, aucun succès, les brigands s’obstinèrent à garder leurs places.

 

         Le plus récalcitrant de tous était Jean de Chaumont, commandant de Saint-Liébault. Aux lettres du roi, aux offres magnifiques qui lui étaient faites, il répondit par un refus catégorique.

 

         Il fallut, pour l’amener à résipiscence, le menacer d’un siège en règle, lui promettre de le battre en brèche avec l’artillerie troyenne, de le faire sauter par la mine, de le brûler dans son repaire. Il se décida enfin, dans le commencement de 1432, à évacuer le château qui fut aussitôt démoli.

 

         Malheureusement on ne put en user ainsi avec tous les brigands.

 

         Le roi, en vue d’une expédition en Bourgogne, avait besoin de les ménager. La plupart d’entre eux conservèrent leurs forteresses.

 

         La ville de Troyes dut veiller sur elle-même et surtout sur sa banlieue.

 

         Le Conseil, afin d’assurer la rentrée des récoltes, décida que chaque bourgeois aurait un cheval et un varlet (fils de gentilhomme placé auprès d'un seigneur pour y faire l'apprentissage de la chevalerie). 30 ou 40 chevaucheurs parcouraient chaque jour les environs pour tenir la campagne, surveiller la moisson et rassurer les habitants des villages.

 

         Ces mesures n’empêchèrent pas la ville de mourir de faim. En 1432, le prix du blé s’éleva à 60 frs l’hectolitre, puis à 85 frs. En mars 1433, il était de 100 frs, et encore, à ce prix ne pouvait-on s’en procurer.

 

         L’été 1433 il y eut une moisson abondante, et le prix du blé baissa rapidement sur les marchés. Néanmoins on faillit encore mourir de faim. Les brigands s’étaient emparés des fours banaux, des moulins, des vannes, et il fallut encore financer (débourser de l’argent) avec eux pour se mettre un  peu de pain sous la dent.

 

         Les choses se passèrent ainsi jusqu’en 1435, époque où fut signée la paix d’Arras entre Charles VII et le duc de Bourgogne.

 

         Il était temps car la ruine de la Champagne était complète.

 

         La paix fut annoncée à Troyes par le connétable de Richemont assisté des principaux seigneurs de la Cour.

 

         La joie fut grande dans la ville, car chacun entrevoyait la fin de ses souffrances.

 

         Après avoir tant pleuré, les Troyens se crurent autorisés à rire un peu.

 

         A l’occasion de la paix, ils firent représenter des « mystères » (genre théâtral apparu au XVe siècle. Il se composait d'une succession de tableaux animés et dialogués écrits pour un public très large, mettant en œuvre des histoires et des légendes dont l'imagination et la croyance populaire s'étaient nourries. Le surnaturel et le réalisme s'y côtoyaient. La Passion du Christ était un de ses sujets traditionnels.) et des « moralités » (genre littéraire et théâtral du Moyen Âge et du XVIe siècle). La poésie dramatique ne pouvait mieux choisir son moment pour faire son apparition dans la ville de Troyes.     

 

         Pourquoi le titre de ce chapitre : « Les Ecorcheurs » ?

 

         On appelait alors « Écorcheurs », les troupes armées, entrepreneurs de guerre qui pratiquaient le pillage, le rançonnement, mais aussi les formes coutumières de la guerre médiévale (siège, défense de place forte, bataille, chevauchées) pour leur propre profit et pour celui du roi Charles VII dont ils se réclamaient.

 


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