La politique



Prisonniers politiques 1) Blanqui


Après la chute de la Commune, ce fut une longue litanie des arrivées des prisonniers politiques à Clairvaux.

 

         L’ancienne abbaye de Saint Bernard, abandonnée par ses derniers moines en 1789, vendue comme bien national en 1791, rachetée par l’Etat en 1808, avait accueilli ses premiers détenus politiques en 1811 : 8 déserteurs des armées impériales.

 

         Après la Commune, elle abritait plus de 2.000 détenus. Parmi ceux-ci, plusieurs centaines de « communards », en général condamnés à 5 ou 10 ans de détention. Il s’agissait donc d’exécutants et non de chefs de la Commune. Ils étaient encore 152 en octobre 1874, après les réductions de peine accordées cette année là.

 

         Les seuls prisonniers importants incarcérés à Clairvaux étaient Abel Peyrouton, avocat et journaliste, rédacteur d’un journal républicain, et le prisonnier à perpétuité, Auguste Blanqui. Abel Peyrouton fut prisonnier dans l’ancienne abbaye, de septembre 1871 à janvier 1873, date à laquelle il fut transféré à Versailles.

 

         Blanqui arriva à Clairvaux le 17 septembre 1872. En fait, le plus célèbre des « communards » n’avait participé à la Révolution que de sa cellule du fort du Taureau à Morlaix. Il avait, en effet, été arrêté dès le 17 mars 1871 à la suite des mouvements populaires du 31 octobre 1870.

 

         Mais la Commune l’avait élu triomphalement et avait tout fait pour l’échanger contre « tous » les prisonniers versaillais qu’elle détenait. En vain.

 

         Thiers savait que Blanqui pouvait organiser la Commune. Il refusa toujours cette proposition, pourtant renouvelée à plusieurs reprises.

 

         De Morlaix, Blanqui fut transféré à Versailles pour être jugé et condamné à la déportation perpétuelle. Clairvaux devait être une étape provisoire avant la Nouvelle-Calédonie. En fait, il y restera jusqu’au 10 juin 1879. Ce sera la dernière prison de celui qui connut, en 48 ans de vie politique, 36 ans et 5 mois de détention et qu’on appelait « l’Enfermé » : Le juge : « Quel est votre domicile ? ». Blanqui : « Mon domicile, je n’en connais pas, à moins que ce soit la prison…».

 

         Comme dans toutes ses prisons, la cellule de Blanqui à Clairvaux fut d’abord épouvantable. Il passa 8 mois dans une cellule de 2,50 m. sur 1,25 m. Ce n’était certes pas le cachot du fort de Morlaix où, simple prévenu, Blanqui ne put survivre que grâce à la grande discipline alimentaire et à la résistance morale qu’il avait acquise durant ses détentions précédentes.

 

         C’est tout de même de Clairvaux qu’il écrit à un ami : « Je n’ai rien à apprendre que la continuation de mon ensevelissement vivant ».

 

         Puis la cellule de Blanqui fut aménagée. Elle portait le N° 15, au rez-de-chaussée, en face de celle d’un ancien directeur des Domaines, Jules-Léon Fontaine, membre de la Commune.

 

         Le 29 octobre 1874, « l’Echo Nogentais » fit une enquête sur Clairvaux, à la suite d’un accident, le médecin de la prison ayant été tué par  erreur par un gardien, au cours d’une ronde de nuit : « La cellule de Blanqui… est un véritable chaos dans lequel on a peine à se reconnaître. Ses livres, ses papiers sont jetés pêle-mêle sur une table, à côté de boîtes de biscuits en fer blanc, de fioles et de bouteilles, et tout autour par terre, ou sur son lit, sont épars des cahiers ou des notes volantes. Deux fois par jour, Blanqui qui est aujourd’hui au régime de l’infirmerie, se rend au promenoir et dès qu’il est entré dans sa cellule, il se couche tout habillé et se met à écrire. Son lit est placé près de la table et de façon à ce qu’il tourne le dos à la fenêtre pour recevoir directement le jour. C’est dans cette position qu’il écrit sur ses genoux relevés, et rarement on l’a vu installé à sa table de travail. Blanqui a bien vieilli… Ses joues se sont creusées et les rides se sont accentuées sur son front. Néanmoins, même pour travailler il ne porte plus ses lunettes bleues, mais la casquette de loutre dont il se coiffe et sa démarche chancelante le font ressembler de loin à un juif allemand. Sa barbe et ses cheveux longs sont d’une belle blancheur…».

 

         Les Archives de l’Aube conservent plusieurs documents intéressants sur Blanqui à Clairvaux.  En particulier le dossier médical qui permit au condamné de rester en France au lieu de purger sa peine en Nouvelle-Calédonie. Blanqui avait en effet des crises d’étouffement. Voici l’avis officiel des 3 médecins Mosmont, Bonnefon et Rey qui avaient été désignés par le Ministre de l’Intérieur : « La santé générale de ce détenu, malgré son âge avancé, parait assez bonne. La pâleur des muqueuses dénote un état peu prononcé d’anémie. Il n’en est pas de même de la circulation : l’auscultation du cœur fait reconnaître une altération profonde des fonctions de cet organe, caractérisée par des intermittences irrégulières et des soubresauts du cœur à courts intervalles. En conséquence, nous estimons que l’affection dont il vient d’être question est de nature à entraîner, par les faits d’une traversée de longue durée sous des températures élevées, des accidents graves ou au moins une aggravation de l’état de ce détenu et qu’en somme il ne serait pas prudent de lui faire suivre sa destination ».

 

         Avant sa libération, le régime de Blanqui s’améliora légèrement. Il obtint de faire venir sa nourriture de l’extérieur afin de suivre le régime alimentaire imposé par sa maladie. Il eut quelques latitudes pour les promenades. Il put recevoir certains journaux. Sa sœur lui faisait visite une fois par mois en présence d’un gardien.

 

         Puis, à la suite des campagnes du journal « l’Egalité », il fut élu, bien que toujours en prison, député de Bordeaux, en avril 1879. Cette élection fut naturellement invalidée, car Blanqui était inéligible, mais conduisit à l’amnistie.

 

         Le 10 juin 1879, la grâce de Blanqui était signée.

 

         18 mois après sa sortie de Clairvaux, Blanqui mourut le 1er janvier 1881, sans avoir pu se faire réélire.

 

         Le Conseil municipal de Troyes donne le nom de Blanqui à un boulevard, le 11 février 1922.  

 

         Auguste Blanqui, voir le chapitre « Le socialisme dans l’Aube ».

 


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