La révolution



Août 1792 à Troyes


Bataillon de volontaires
Bataillon de volontaires

Les grands moments de la Révolution Française à Troyes, sont connus. Mais, quel plaisir de retrouver une lettre écrite au jour le jour, par une personne ayant vécu ce qui se passait à Troyes, à un moment précis. En août 1792, la situation est devenue tellement révolutionnaire à Troyes, que les constitutionnels eux-mêmes passent pour traîtres ou suspect.

 

                       L’échevin Comparot de Longsol raconte dans une lettre datée du 19 août 1792 :

 

                       « Le dimanche 19 août 1792, j’étais, à 6 heures du soir, chez M. Guenin, pour faire une visite à sa belle sœur, lorsque l’on vint me dire, de la part du lieutenant général, qu’il y avait insurrection, que toutes les compagnies des 4 bataillons de la garde nationale étaient en grande partie sous les armes, rangées en bataille dans la cour de l’Hôtel de Ville, que celles qui n’y étaient pas arrivées s’y rendaient, qu’on était venu me commander ainsi que lui, qu’il fallait que je me rendisse sur le champ à la place d’Armes. Plût à Dieu que je fusse resté tranquille ! Mais je crus faire acte de bon citoyen.

 

                       Je courus chez moi prendre mon uniforme et mes armes. Je me rendis le dernier à la place d’Armes, d’où la compagnie partait, et je me trouvai à la queue avec M. Paillot. En sortant de la petite rue de Saint-Jean, près du cimetière, pour entrer dans la place de la Belle-Croix (place de la mairie), des enfants de 10 ans commencent à nous insulter, en disant : « Ah ! La queue est bonne, ils sont foutus les aristocrates, ils vont danser ».

 

                       Nous entrâmes, au milieu des huées, dans la cour de l’Hôtel de Ville. Nous nous trouvâmes placés au bout de la cour, devant le bureau où s’assemblait le Conseil général, ayant à côté de nous la compagnie des Faux-Fossés, qui nous insulta. Bientôt, la fermentation se développa dans les esprits.

 

                       Les officiers municipaux nous conseillèrent de sortir des rangs, moi, M. Paillot et M. Deverneret, par ce qu’il y avait du danger pour nous.

 

                       Nous entrâmes par la fenêtre dans le bureau de la municipalité.

 

                       Le maire, Joseph-Maurice Lalobe, nous engagea à déposer nos armes. J’étais armé d’un fusil d’officier, 1 baudrier de buffle, 1 briquet, 1 giberne garnie de cartouches et 1 baïonnette.

 

                       Dans le Conseil général, ces Messieurs nous promirent que nos armes nous seraient rendues, puis on nous conseilla de nous évader.

 

                       Le sieur Bourlier-Delaprairie, conseiller municipal, maître de poste, nous indiqua un passage communiquant par derrière dans la maison de Gaulard, officier des grenadiers. Nous y passâmes et le trouvâmes renvoyé comme nous.

 

                       Le tumulte ne tarda pas à augmenter, le peuple, le bataillon de volontaires nouvellement formé et commandé par le lieutenant-colonel Pierre Peuchot, réuni depuis plusieurs jours au Petit-Séminaire jusqu’à son départ, insulta la garde nationale, qui reçut l’ordre de rester tranquille et qu’on renvoya. Nous entendîmes des vociférations.

 

                       Le tocsin de l’Hôtel de Ville, fermé par l’ordre de Dorgemont, 1 des 30 membres du Jury d’accusation, se mêlait aux coups violents, aux charges de levier qui frappaient la porte cochère de la maison. Il eut été dangereux d’opposer la résistance qui dépendait de nous. Nous sautâmes par-dessus un toit, dans la cour de M. Aval. Gaulard avait été inutilement avertir la municipalité. Il avait reçu du maire la réponse qu’il ne pouvait rien et qu’eux-mêmes étaient menacés.

 

                       J’arrivai chez moi, à 9 h du soir. Je trouvai ma femme et mes enfants dans la plus violente inquiétude. Les visites domiciliaires et le pillage des armes dans toutes les maisons des plus honnêtes citoyens commençaient avec ardeur. Je fis ouvrir mes grandes portes, je recommandai à mes domestiques de laisser entrer partout. Je mis en évidence 3 fusils, mon épée de deuil, 2 cannes à sabre et à épée.

 

                       Bientôt, la maison de M. Sourdat fut assaillie, pleine de sans-culottes, la porte du cabinet fut enfoncée. Tout ce qu’il y avait de chandelles dans la maison fut allumé. La maison étant pleine depuis la cave jusqu’au grenier, il fallut sauver les enfants, déjà couchés, et ce que l’on put des effets les plus précieux. On vint aussi m’avertir que les personnes marquantes de la ville, et moi particulièrement, étaient personnellement menacées.

 

                       Je crus qu’il était prudent de quitter ma maison. J’allai avec ma femme et mes enfants, demander asile à un ami. M. et Mme … nous accueillirent, en nous donnant à souper et à coucher. Le quartier fut visité, on y enleva les armes. Mais, jusqu’au lendemain, vers 2 h, il y eut plus de 20 visites chez moi, où nous étions rentrés dans la matinée du lundi. La plus violente visite domiciliaire fut celle à la tête de laquelle était un cordonnier nommé Chappey, fils du chantre de la Madeleine. Il proférait des menaces épouvantables et voulait entraîner la femme de chambre qu’il menaçait d’écharper. Je lui parlai tranquillement, froidement. Ses camarades l’emmenèrent avec eux.

 

                       Nous apprîmes qu’on venait de massacrer l’abbé Fardeau, chanoine, ancien curé de Saint-Aventin, et qu’il y avait une liste de prescription de 50 individus, et que j’étais du nombre. Cependant, le coup fut paré, le peuple fut occupé des arbres de liberté qu’on commanda de planter dans tous les quartiers.

 

                       Le mardi, je rentrai chez moi, à 9 h du matin. Ce fut alors qu’arriva l’éboulement des fondations de la maison bâtie par le sieur Michaud, sur l’emplacement des Jacobins. Quelqu’un, qui m’aperçut dans la rue, m’avertit qu’il était nécessaire que M. Paillot, M. Duverneret et moi, nous ne nous montrassions pas. M. Paillot se sauva à Rosières. Je sorti de chez moi et resté caché, pendant 8 jours, dans un asile ténébreux et inconnu ».

 

                       L’avenir s’annonçait terrible jusque dans les villages, où les habitants, poussés par des meneurs révolutionnaires, s’insurgeaient contre leurs seigneurs. On en trouve la preuve dans la plainte adressée, le 20 octobre par ce Jean-Baptiste Comparot de Longsols aux citoyens messieurs les administrateurs du Directoire du département de l’Aube, à propos des déprédations exercées continuellement dans ses propriétés.  

 


Sur le bandeau du  bas de chaque page, vous cliquez sur "Plan du site", qui est la table des matières, et vous choisissez le chapitre qui vous intéresse. 

Cliquez sur "Nouveaux chapitres"  vous accédez aux dernières pages mises en ligne.


Rechercher sur le site :