La Révolution



Danton et le dernier comte de Brienne


DANTON
DANTON

« La révolution de 1793 sera toujours cette fatale époque où nos belles institutions disparurent, emportées par le plus furieux ouragan qui se soit jamais déchaîné sur une nation. On a parlé de privilèges. Mais fallait-il, pour les abolir, jeter la noblesse dans les fers et la décapiter ? Fallait-il, pour quelques légers abus dont profitaient nos pauvres, envahir les biens du clergé et chasser Dieu de nos temples ? ».

         D’Arcis-sur-Aube est sorti Danton qui, de jeune élève turbulent du collège de Troyes, s’est élevé par sa popularité aux premières fonctions de la République. Ce terrible membre de la Convention n’oubliera jamais sa ville natale. Il quitte souvent Paris et sa formidable légion pour venir passer quelques décades à Arcis.

         L’histoire rapporte que dans une de ces excursions, il se rend au château de Brienne, et que, touché des vertus et de la simplicité de celui qui le reçoit, il lui promet secours et appui dans la tempête. Rousselin qui remplit sa mission dans le département de l’Aube, veut à son tour, visiter le château de Brienne. Ce jeune proconsul, « coiffé du bonnet rouge, se présente donc en robe de chambre, pantoufles vertes et pantalon blanc ». Monsieur de Brienne qui commence à redouter les agents farouches du club des Jacobins, le reçoit non pas avec courtoisie, mais avec cette urbanité qui a toujours été la vertu de ses ancêtres. Rousselin mange avec l’appétit d’un gastronome distingué, fait une partie de chasse, prend son thé et dénonce le Comte de Brienne à ses frères de Paris, qui le font arrêter par 3 envoyés du comité de Salut-Public.

Les nobles habitants de la ville protestent. M. de Brienne peut fuir avec son garde-général et gagner la frontière, les forêts favoriseraient son évasion, mais le noble comte ne veut point abandonner son épouse et Mesdames de Loménie. « Qu’ils m’égorgent, qu’ils s’abreuvent de mon sang, s’écrie-t-il, il ne sera pas dit que j’ai exposé la vie des autres pour sauver la mienne ».

32 communes, avec celle de Brienne s’empressent d’envoyer à Paris une députation pour réclamer sa liberté. Ces députés, porteurs d’une pétition revêtue de plusieurs milliers de signatures, s’adressent à cet affreux comité de Salut-Public et se rendent chez Danton, qui va promptement chez Robespierre pour appuyer la demande des pétitionnaires. « Voudrais-tu, Robespierre, dit Danton, me dire pourquoi le ci-devant comte de Brienne est incarcéré ? ». « Il est bien étrange, répond Robespierre, qu’un républicain tel que toi vienne me faire une semblable question. Néanmoins, pour te complaire, je vais y répondre : « Loménie est détenu, parce que le comité de Salut-Public le regarde comme un très dangereux ennemi de la République ». « La réclamation qui est sous tes yeux, reprend Danton, fournit la preuve  que le comité est dans l’erreur sur son compte. Je connais Loménie et j’ai remarqué depuis longtemps que sa bienfaisance et ses vertus le font chérir de tous les habitants qui furent ses vassaux : fais-lui rendre la liberté, je te garantis qu’il n’en abusera pas, parce que c’est un homme de bien ». « Les considérations que tu fais valoir en faveur  de Loménie, réplique Robespierre, sont précisément celles qui ont déterminé son incarcération, car étant aimé des ci-devant vassaux et possesseur d’une grande fortune, il n’aurait qu’un mot à dire, et tout-à-coup, nous aurions à l’Est de Paris une Vendée dont il serait le chef, et qui augmenterait prodigieusement l’embarras que nous cause la Vendée de l’Ouest ». « Je soutiens, s’écrie Danton, que nous n’avons rien à redouter de la part de Loménie, attendu qu’il est plein de sagesse, de justice et d’honneur. Il est incapable de nuire à la République ». « Je ne partage pas ta manière de voir à l’égard de ce ci-devant noble, répond froidement Robespierre. Sa mort est résolue, il faut de toute nécessité qu’il porte sa tête sur l’échafaud ». A ces mots, Danton, furieux, met le poing sur la gorge de Robespierre et s’écrie d’une voix de stentor : « Puisque tu es inflexible, on verra de nous deux, qui l’emportera ! ». Dès lors, la guerre est déclarée entre eux.

M. de Brienne, gardé dans son château, écrit à Robespierre. Ce vertueux gentilhomme ne croit pas qu’un tribunal doit poursuivre l’innocence. Cette lettre le perd. Le tigre qui recommandait sa propre sœur au plus féroce de ses exécuteurs, n’oublie point le citoyen Loménie. Il le fait conduire à Paris et paraître devant son tribunal, le 10 mai 1794. Le dernier comte de Brienne monte sur l’échafaud avec ses neveux et sa nièce, le même jour et à la même heure que madame Elisabeth.

         Danton a déjà porté sa tête sur le même échafaud, victime des tempêtes de cette révolution qu’il chérissait et pour laquelle il avait sacrifié son repos et son honneur !

Le souvenir tendre et douloureux de son mari, inspire à Madame de Brienne l’idée de le faire modeler en cire, revêtu de ses insignes, et de lui consacrer comme monument funèbre, la grotte du parc du château. C’est là qu’elle vient s’agenouiller devant cette image chérie, et prier pour le comte infortuné qui a protégé les malheureux.

 

Château de Brienne
Château de Brienne

 

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