Aubois très célèbres



Nicolas Bonhomme


220 ans après son décès, un inventaire enfoui dans une liasse des archives de l’Aube, est venu révéler un chanoine « curieux », un amateur de raretés en tous genres, surtout de tableaux et de médailles. Qui savait à Troyes qu’un autre curieux, le médecin Pierre Borel, de Castres, à la suite de ses « Antiquités de Castres », publiées en 1649, avait cité le nom de M. Bonhomme dans « le rôle des principaux curieux et autres choses remarquables, qui se voient ès principales villes de l’Europe, rédigé par ordre alphabétique ? ». Savait-on aussi que le nom du chanoine Bonhomme était indiqué dans une « liste des curieux des diverses villes », rédigée vers 1648, et reproduite par M. Bonaffé dans ses « Collectionneurs de l’ancienne France » ?

 

                       Nicolas Bonhomme était depuis longtemps chanoine de Saint-Etienne (depuis 1608) et de la cathédrale de Troyes (depuis 1637), lorsqu’il mourut le 26 mars 1665, et fut enterré dans la chapelle de Pion, à l’intérieur de la cathédrale de Troyes. Il appartenait à une famille de bonne bourgeoisie propriétaire « d’un grand hôtel auquel il y avait plusieurs frestes (étages) de maison, cour et demourances (dépendances)… faisant le coin de la rue de l’Etape au Vin (place Audiffred) et de la rue de la Monnaie ».

 

                       Dans la maison où il habitait, il y avait au rez-de-chaussée une grande salle garnie de nombreux tableaux, mais c’était au 1er étage que l’on pouvait voir le plus grand nombre d’œuvres d’art et de curiosités, réunies dans une longue galerie, où les tableaux suspendus le long des murs, étaient accompagnés de cartes, de gravures et de « 100 têtes et figures en bois, statues ou bas reliefs ». De cette galerie, on pénétrait dans un petit cabinet, rempli de tableaux, puis dans un autre, plus grand, tout entouré de 5 rangées de planches, sur lesquelles étaient accumulés des tableaux, des portraits, des têtes et des figures de bois, d’albâtre et de plâtre. Des rayons placés entre les fenêtres contenaient environ 800 volumes. 2 tables carrées renfermaient des curiosités dans leurs tiroirs. Sur l’une d’entre elles étaient posés des livres contenant des gravures, des dessins d’architecture, des portraits et des vues de villes. Enfin, l’on arrivait dans le grand cabinet, qui communiquait d’un côté avec la galerie, et de l’autre avec une allée elle-même remplie de tableaux. Dans le grand cabinet, il y avait contre les murs des armoires remplies d’objets curieux ou rares, des coffres de Flandre, des cassettes et des cabinets, au milieu desquels se distingue « un petit cabinet d‘ébène enrichi tant de pierres que de laiton doré et peintures, à plusieurs tiroirs ». Dans l’intervalle et au-dessus de ces meubles, sont posés des bustes, des statuettes, ou suspendus des tableaux. Au milieu de la pièce, sont étalés sur des tables, des estampes, des manuscrits précieux, des livres à figures, tandis qu’aux poutres du plafond sont attachées diverses pièces curieuses. D’autres cabinets ou chambres moins vastes renferment aussi des tableaux et quelques objets de curiosité.

 

                       La majeure partie de ses revenus personnels et du produit de ses prébendes (bénéfice ecclésiastique attaché à la charge de chanoine) a été consacrée à ses nombreuses acquisitions de tableaux, de statues, de médailles et d’autres objets de curiosité, que je vais diviser par catégories.

 

                       Tableaux : 23 dans la grande salle, des peintres Brisot et Seur, Ninet de Lestin : les « amours de Diane et d’Endimion (berger de la mythologie grecque), 1 « Vierge et Saint-Joseph », 1 « Nativité », 1 « Saint Mathieu », 1 « Saint Paul », 1 « Saint Pierre », 1 « Saint Laurent à demi-corps », 1 « Saint Laurent sur le gril », 1 « Saint Etienne à demi-corps », toute une série de tableaux consacrés à saint Denis. Dans le grand cabinet : 7 paysages, dans des châssis d’ébène, 7 petits portraits antiques, 3 petits tableaux dont « Notre-Dame de Lorette » et « Saint Hierosme », 16 autres portraits. des portraits enchâssé de bois de « Christophe Colomb », « Léda », « Vénus », « Tête de mort », « Banquet », « Saint Paul », « Saint Barthelemy », « Saint-Jérôme », « Saint Bernard de sa hauteur », « Ecce homo », et de nombreux tableaux de moindre importance. Le cabinet voisin contient un plus grand nombre de tableaux, placés sur des planches qui en font le tour, dont 29 portraits « de papes, cardinaux, évêques et autres personnages illustres, puis plus de 30 portraits, en partie peints sur bois, 18 tableaux « tant histoires que têtes »…

 

                       L’allée proche de ce cabinet est également garnie de tableaux : une « grande figure nue, 1 crucifiement, 1 Vierge, 4 paysages, 1 « tableau à huile de la représentation de la lignée de Henri IV et de Marie de Médicis »…

 

                       Le troisième cabinet est entièrement recouvert de peintures et de dessins : 1 « grand crucifix à l’huile », 1 « Adoration de mages », 1 « Saint Jérôme », 1 « Saint Pierre », 1 « Suzanne »…

 

                       La grande galerie renferme un mélange de tableaux à la détrempe (technique dominante avant l’apparition de la peinture à l’huile), de cartes, d’estampes et de « portraits d’illustres personnes sur de la carte de graveur en taille douce », 1 « Banquet de Balthasar », « Oloferme » et « Diane »…

 

                      Dans un petit cabinet, près de la chambre à coucher de Nicolas Bonhomme, environ 24 tableaux à l’huile, où sont représentées les sibylles (prophétesses).

 

                   Céramique et verrerie : 1 grand bassin de porcelaine, accompagné de 5 autres bassins semblables un peu plus petits et dans un petit, 1 « figure de fruits de cire », « 3 plats d’une pâte peinte et dorée », avec des tasses, de nombreuses pièces de verre peint d’histoires, genre vitraux en verre, des vases, des fourchettes en verre, 21 pièces de verre « en quadran »  (anciens instruments de mesure)…

 

         Médailles : la collection, est surtout riche en médailles, très recherchées par les amateurs. Une partie était placée dans une « petite cassette de cuir bouilli noir, piqué de rouge ». Elles étaient rangées sur 104 tablettes, beaucoup très antiques, en or ou en argent, certaines de grandes dimensions. 2 tiroirs contiennent 30 médailles antiques et 18 en argent. Une autre cassette est remplie de 5 grosses médailles de cuivre et d’argent, de 120 médailles d’or et argent, de 16 grosses médailles d’argent, et d’un très grand nombre, rangées sur 39 tablettes…en tout, 5 à 6.000 médailles. Dans une autre partie du cabinet, il y a une layette de sapin et une balle remplie de 109 médailles de cuivre, 7 boîtes « dans lesquelles il y a 252 médailles tant cuivre qu’or ou argent, « 9 tablettes avec quantité de médailles de cuivre, 29 boîtes de bois blanc remplies de médailles de cuivre, une grand écuelle de bois pleine de médailles, 1 panier d’osier rempli de petites médailles de cuivre, 25 grandes médailles de plomb et de cuivre, des plats de cuivre avec des figures dedans »…

 

                       Pierres gravées : d’argent émaillé et enluminé, réunies dans une cassette de velours vert, sur 46 tablettes différentes : « quantité de cornalines, lapis, agates, onyx, or… ». Sur une grande table, dans une boîte d’argent d’Allemagne, émaillée, une grande quantité de cornalines et lapis, 1 croix de lapis garnie de perles »…

 

                       Manuscrits et livres : les plus précieux sont enfermés dans des meubles. 1 petite cassette de cuir bouilli renferme « 1 livre d’écriture gothique écrit sur du velin couvert de maroquin rouge doré, 1 tourne feuillets garni de perles fines et 2 anciens livres avec plusieurs figures »,  1 livre de blasons enluminé avec 1 manuscrit des antiquités de la ville de Troyes. Sur une autre table, plusieurs estampes, dessins, 7 livres d’emblèmes et lettres gothiques, de velin, 9 livres de représentations de médailles antiques, 1 livre de « l’Entrée de Louis XIII à Paris »…Le second cabinet contient plus de 800 livres, 1 « table de généalogie de la Bible en velin avec cadres en bois à 2 tournants pour la lecture… »…

 

                 Curiosités diverses : comme tous les curieux de son temps, le chanoine possède des raretés ethnographiques ou naturelles : « papier, soie de chine ouvragée, des petites idoles de Chine et autres curiosités, 2 tablettes des Indes, des paniers remplis de coquilles, des branches de corail rouge, 3 langues de serpent pétrifié, 1 main embaumée de momie, 1 rose de Jéricho, des pierres curieuses (couteaux gainés de cuir et d’argent, ou d’écailles de tortue, des armes...

 

               En plus, il y avait des objets religieux : calices d’argent doré, burettes d’argent, 5 chapelets d’argent, d’albâtre, des crucifix…

 

                       Comment un chanoine, dont les revenus ne paraissent pas dépasser ceux de ses confrères, a-t-il pu recueillir ces innombrables pièces artistiques et curieuses qui forment sa collection ? La collection de Nicolas Bonhomme était citée comme l’un « des principaux cabinets d’Europe ».

 

                       Les curieux de Paris et de province s’en sont disputés les pièces les plus rares.

 


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