Aubois très célèbres



Mathieu Tillet


Comment et par qui les premiers moyens de combattre de la « Carie du Blé » furent expérimentalement recherchés et découverts à Troyes, au milieu du XVIII° siècle ?

 

         Sous le titre « Histoire d’une découverte », un botaniste allemand érudit, le docteur B. Wehnelt de Cologne, a consacré à la vie et à l’œuvre de Mathieu Tillet, directeur de l’ancien Hôtel des Monnaies de Troyes et membre de l’Académie des Sciences, une très consciencieuse monographie.

 

         L’hommage le plus loyal y est rendu à ce fonctionnaire français, à qui revient le double mérite d’avoir entrepris l’étude expérimentale des maladies des céréales et, grâce aux recherches qu’il poursuivit à Troyes pendant plusieurs années, d’avoir découvert les premiers moyens pratiques de combattre la plus pernicieuse de ces maladies : la carie du blé.

 

         Voici d’ailleurs la traduction de 2 phrases qui résument l’opinion du Dr Wehnelt : « La présente publication nous enseigne que l’époque expérimentale, parasitologique, de la pathologie végétale débute par Tillet, et que Tillet en est la première et l’une des plus éminentes figures… Par lui, un problème intéressant l’humanité entière a été abordé de front et résolu à Troyes, à l’encontre de toutes les théories qui jusqu’alors avaient entouré de nuages…».

 

         Le fait qu’un tel résultat, aussi heureux pour l’agriculture que bienfaisant pour l’humanité, fut acquis à la suite d’expériences effectuées en tout premier lieu à Troyes par notre compatriote, présente un intérêt local.

 

         Mathieu Tillet naît le 11 novembre 1714 à Bordeaux. Après de très complètes études littéraires et scientifiques, on le trouve en 1733 à Paris, travaillant auprès d’un de ses oncles directeur de la Monnaie de Paris. Un de ses frères dirigeait à la même date, la Monnaie de Troyes, lorsqu’il décéda, Mathieu, grâce à son oncle, obtint la direction de la Monnaie de Troyes. Il la conserva jusqu’à fin 1755, soit durant plus de 16 années, pendant les dernières desquelles il se livra aux travaux qui lui valurent sa réputation d’agronome.

 

         C’est donc aux fonctions administratives exercées à Troyes par ce savant, que notre ville doit d’être le lieu de naissance peu connu, presque ignoré, d’une branche de la Botanique : la pathologie expérimentale des plantes.

 

         A Bordeaux florissait une Académie des Lettres, Sciences et Arts, instituée en 1712 par lettres patentes de Louis XIV. Chaque année, cette société savante proposait, en vue de décerner un prix, l’étude de quelque question touchant la physique, l’agriculture ou la médecine. Le sujet mis au concours en, 1748 était : « De la ductilité des métaux et des moyens  de l’augmenter ». Une recherche sur la propriété qu’ont certains corps, l’or et l’argent en particulier, d’être amincis ou étirés sans se rompre, rentrait dans la compétence technique d’un directeur d’Hôtel des Monnaies. Celui de Troyes remporta le prix de l’Académie en 1750. Pour le concours suivant, l’Académie arrêta son choix sur un problème agricole : « De la cause qui corrompt et noircit les grains de blé dans les épis, et des moyens de prévenir ces accidents ». Homme actif, très instruit et avide d’augmenter son savoir, disposant au surplus de loisirs, car sous Louis XV, à partir de 1730, la Monnaie de Troyes n’eut plus qu’à fournir qu’un faible rendement annuel, Tillet fut pris du désir de pouvoir soumettre à la Compagnie qui venait de lui décerner la palme pour un travail de son ressort, un mémoire utile sur un sujet « absolument neuf pour lui », de son propre aveu. Il savait que pour étudier cette question, la noircissure du blé était alors « un mal général et ordinaire dans certaines contrées de la campagne auprès de Troyes ». Il déposa en avril 1754 un mémoire présentant les résultats des opérations faites par lui de 1751 à 1753. Le jury du concours accorda à nouveau à Tillet la récompense, et il fut une seconde fois lauréat. Cette étude agricole traitée de si remarquable manière, fut le marchepied de son entrée à l’Académie des Sciences de Paris, dans la section botanique.

 

Pour l’espèce de ce champignon et pour ceux de la même famille, les noms de « Tilletia » et de « Tilletiacées », ont été adoptés par les botanistes du monde entier, en mémoire de leur confrère qui, le premier, avait indiqué le moyen de réduire les pertes considérables occasionnées aux agriculteurs par ces cryptogames microscopiques, inconnus de son temps. Son expérience lui révéla (ce fut là sa grande trouvaille) que la carie tirait son origine de la « poussière noire », restée adhérente aux grains et à la paille. Il fit donc subir à ses grains de semence des lavages dans des dissolutions de sel marin, de potasse, de soude, de salpêtre, toutes mélangées avec assez de chaux vive pour qu’elles prissent une couleur laiteuse. Il recourut même, non sans succès, à des lotions d’urine humaine putréfiée. Finalement son choix se fixa sur le nettoyage de la semence dans une eau de lessive de cendres de bois, saturée de chaux, comme étant le procédé le plus simple et le moins onéreux qu’on pût demander aux cultivateurs. Telle a été la genèse de la pratique du « chaulage », initialement employée contre la carie du blé, et dont tous s’accordent à reconnaître à Tillet la bienfaisante paternité.

 

         En 1753, sur un petit enclos près des Chartreux, il fait construire un petit bâtiment pour « lui servir d’observatoire pour lire aux astres et pour faire plusieurs expériences de physique ».

 

En 1755, il vend son office de la Monnaie à un bourgeois de Troyes.

 

         A ce moment, Louis XV, pris soudain d’une belle passion pour la botanique, venait d’affecter à des cultures de choix une partie de son domaine de Trianon. Tillet réussit à se faire octroyer à Trianon la concession provisoire d’un terrain d’un hectare, pour y renouveler, comme au faubourg Croncels, ses cultures expérimentales relatives à la carie. Lors de la moisson de 1756, à l’émerveillement des botanistes experts, même des simples curieux de l’entourage de la Cour, les résultats constatés à Versailles furent les mêmes que ceux obtenus à Troyes, d’une protection possible contre les atteintes de cette maladie.

 

         Tillet reçut en conséquence l’autorisation de rédiger un « Précis des expériences faites à Trianon, par ordre du Roi… sur les moyens de prévenir la corruption des blés, suivi d’une Instruction propre à guider les Laboureurs dans la manière dont ils doivent préparer le grain avant de le semer ». Cet opuscule fut imprimé à Troyes fin 1756, et tiré à de nombreux exemplaires, mis dans le commerce et envoyé aux Intendants provinciaux du royaume.

 

         Tillet eut l’honneur d’être nommé à l’Académie des sciences, dans la section botanique, en novembre 1758, à la suite d’une réédition de ses expériences de Troyes et du Trianon, entreprise pour en vulgariser les résultats.

 

Au mois d’août 1764, le roi lui confia pour la France entière l’inspection des Essais et des Affinages, c’est-à-dire le contrôle des opérations effectuées dans les divers Hôtels des Monnaies par les agents préposés à la vérification du titre des espèces et de tous ouvrages d’or et d’argent, fonction qu’il exerça jusqu’à la veille de sa mort.

 

Depuis 1773, on le comptait au nombre des 100 chevaliers de l’Ordre royal de Saint-Michel.

 

En 1776, le Conseil municipal lui décerne le titre de « Citoyen de la Ville de Troyes », bien qu’il ne soit pas né à Troyes.

 

En 1788, il est nommé Trésorier perpétuel de l’Académie des Sciences, en remplaçant de Buffon.

 

Très estimé de Louis XV, Tillet fut encore fort bien en cour sous Louis XVI, dès son avènement. 

 

         Il mourut, le 20 décembre 1791, à l’âge de 77 ans,

 

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