Comme les autres princes de son époque, le comte de Champagne a recours, pour administrer ses possessions, à 2 catégories d’auxiliaires : les uns groupés dans son entourage, exercent une fonction spécialisée, ce sont les grands officiers, et les autres prévôts, vicomtes, châtelains, le représentent auprès de la population. Les prévôts, qui apparaissent en 1032, gèrent le domaine comtal, nomment les maires, accensent les terres, rendent la justice. Aux vicomtes carolingiens, presque tous éliminés avant l’an 1.000, se sont substitués dans le dernier quart du XI° siècle, d’autres agents qui portent le même titre mais sont plus particulièrement chargés de la police et des routes, des foires et des marchés. La garde des forteresses et le commandement des contingents militaires locaux sont remis à des châtelains. Officiers domestiques et prévôts sont des agents temporaires, tandis que vicomtes et châtelains tiennent leur fonction à titre héréditaire.
Les grands officiers des comtes de Champagne, outre leurs fonctions près du prince, avaient juridiction sur les corps de métiers ou corporations, dont ils étaient considérés comme les chefs. Ainsi, du sénéchal relevaient les baillis, prévôts et officiers de justice, de l’échanson : les boulangers, du maréchal : les selliers, les maréchaux-ferrants, du chambrier : les tapissiers… Ces officiers réglaient les différends élevés sur les faits relatifs à l’exercice de ces métiers.
Les comtes de Champagne, devenus héréditaires, établirent, dans leurs domaines, des officiers de justice isolément ou avec le concours de plusieurs personnes, remplissant les fonctions d’assesseurs.
En 1242, les fonctions de maire n’étant plus électives, une nouvelle charte de Thibault, datée de Noël, met l’administration de la cité d’accord avec le traité de 1241. Le comte ne laisse plus aucun droit de justice entre les mains de ses bourgeois et, de l’administration urbaine, par ceux-ci, il n’en est plus question.
Troyes n’étant plus considérée comme ville frontière depuis 1396, l’office de capitaine est supprimé, après bien des discussions avec le bailli. Ce sont en général les baillis seuls qui administrent la région. Le lieutenant général du bailli est, lui, toujours bourgeois de la ville et porte le nom des grandes familles de notables. Les gens de Troyes, en désignant leurs officiers pour défendre leurs intérêts, avaient bien l’arrière-pensée de désigner ainsi des interprètes tous prêts à parler pour eux au roi, ce qu’ils font volontiers. En effet, tout en maintenant la ville sous le contrôle royal, ils participent aux députations vers le pouvoir central et en obtiennent, mieux que de simples particuliers, des rabais de tailles ou l’octroi de foires franches. Eligibles au Conseil, les autres officiers royaux l’étaient au même titre que les bourgeois, les clercs et les nobles : il leur suffisait d’être « habitant » de la ville de Troyes. Et certes, ils sont chaque année parmi les premiers élus, car ils dominent leurs concitoyens par leur prestige et leurs connaissances administratives. Ainsi, pour chacun de ces personnages, les intérêts de la ville sont-ils les siens, qu’il s’agisse de police, de voirie ou de levée d’impôt. Pour toutes ces questions d’intérêt général, le Conseil de Ville, créé sans autorisation au milieu du XIV° siècle, aurait pu rencontrer des adversaires chez ces représentants du pouvoir royal, peu disposés à lui céder la place. Pourtant, il n’en fut rien : tous ceux qui détenaient une part d’autorité à Troyes se liguèrent pour résister aux ennemis du dehors. La façon même dont est apparu le Conseil de Ville laisse supposer qu’il se créa avec le consentement du bailli et du capitaine, sinon suivant leur désir. Le Conseil est demeuré sous la tutelle du bailliage, qui le surveillait et l’encourageait à la fois, pour le bien de tous. Devant le danger commun et la carence du pouvoir central, il était bon que les habitants eux-mêmes soient intéressés à leur propre sauvegarde. En effet, le bailli avait coutume de réunir quelques notables quand une décision importante devait être prise. Il lui a donc paru naturel de présider le conseil et d’aider à la bonne marche de délibérations. Il y a au début, un mélange dans les attributions des uns et des autres, le Conseil donnant des ordres aux officiers du bailliage et le lieutenant du bailli, jouant le rôle de procureur des habitants. Le Conseil, livré à lui-même, se serait vite cru indépendant. Il importait donc que les 2 pouvoirs, urbain et royal, soient étroitement liés pour la sûreté de la ville. Le rôle du bailli est de protéger ses gens de Troyes, par exemple contre les commissaires extraordinaires du roi. Les habitants, très contents, déclarent qu’ils « ont bon gouvernement en eux et bon bailli et officiers de par » le roi. C’est le bailli qui institue les fonctionnaires municipaux une fois qu’ils ont été élus par leurs concitoyens. Ils lui prêtent serment après qu’il les a commis de par le roi, à la requête des habitants : receveurs de moulages, des deniers communs, gouverneur de la Maladrerie. Au Conseil de ville, les questions de garde, d’approvisionnement, de voirie, de police, sont réglées sous la direction du bailli ou de son lieutenant. Plus tard, lorsque Louis XI aura institué un échevinage, le bailli devra être le juge des échevins et punir leurs fautes, comme à des « officiers du roi ». Il y avait parfois des conflits entre l’autorité gouvernementale et la ville : les officiers royaux se montrent alors, avant tout, les délégués du pouvoir central, contre leurs concitoyens. Dès son entrée à Troyes en juillet 1429, le roi Charles VII nomme un bailli provisoire, son chambellan, et maintient le lieutenant général. Le roi, en 1474, supprime l’échevinage, car il s’émeut de voir à la tête de la ville des personnages peu sûrs. Alors, pendant plusieurs années, les officiers royaux gouvernent Troyes, secondés de notables choisis par le gouvernement royal. Ces « commis au Conseil » comprennent : le lieutenant général et le lieutenant particulier du bailli, l’avocat du roi, le procureur et le receveur, et les maîtres des œuvres de la ville, accompagnés d’un avocat. Les décisions sont prises au nom des « officiers de la ville et du roi » ou « par messieurs les officiers du roi, et par le clergé, bourgeois et habitants de la ville ». L’échevinage fut rétabli en 1483, mais avec des pouvoirs de contrainte plus étendus, ce qui entraîna des réclamations de la part des officiers royaux. Les officiers royaux reçoivent alors le serment du maire et des échevins qui leur envoient des dons et les réunissent en un dîner à l’Hôtel de ville. Ainsi, les officiers royaux continuent à diriger Troyes : les échevins leur demandent leur avis sur l’approvisionnement, les tailles et les dépenses. Ils les envoient en députation à Paris. Les représentants du roi contrôlent de plus près les deniers communs, ils donnent l’autorisation des assemblées générales et y assistent. Ils surveillent étroitement le gouvernement municipal, car ils forment un groupe en dehors de l’échevinage. C’est le bailli, cette fois, qui conserve les clés et veille à la garde de la ville. Louis XI a tenu à regrouper sous son autorité tout ce qui tendrait à des libertés individuelles. Le baillage continue de recevoir les serments des échevins et des fonctionnaires municipaux, qui contrôle la police urbaine et les comptes, et les assemblées générales. Mais justement, c’est là où se produit une rupture entre officiers royaux et municipaux : naguère mêlés pour une œuvre commune, les voilà face à face, les uns surveillant les autres. Alors débute une période de querelles constantes, pour des broutilles de préséance : ainsi s’est dégradée une bonne entente de 2 siècles.
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