La Politique



Procès politiques 1848-1852



Tout au long de ces 4 années, procès politiques et délits de presse sont dans l’Aube, en nombre impressionnant. Pourquoi une répression si sévère ? L’autorité ne reconnaît pas les républicains démocrates pour un parti légitime… Les magistrats se scandalisent de voir des ouvriers et des paysans manifester des passions politiques et faire de l’opposition au gouvernement… Hantés par la légende de la Terreur, ils les accusent de vouloir le partage des terres, la guillotine, le massacre des riches

Voici par exemple, le dossier de Jean-Baptiste Pillot, jugé aux Assises de l’Aube, le 22 août 1851. Dans une note, le Procureur de la République écrit : " Dans le département de l’Aube, la commune de Juilly-sur-Arce est une de celles où les doctrines démagogiques ont été accueillies avec le plus de faveur. Le parti rouge représenté par quelques hommes ardents y poursuit clandestinement son œuvre de propagande et d’embauchage ". Pillot est prévenu " d’excitation à la haine des citoyens les uns contre les autres par des discours proférés publiquement ". Voici quelques phrases de ses discours : " …ça ne peut durer comme ça… avant qu’il soit 6 mois, on brûlera Paris… Il faudra que tous les bourgeois et les gros propriétaires y passent… Je suis rouge, comme le sang, rouge comme un chien, je veux voir couler le sang… ". C’est la révolte ouvrière que l’on sent gronder à travers ces paroles exaltées. Le jury ne s’en émeut pas et déclare le prévenu non coupable.

Il s’est créé des sociétés secrètes républicaines. Les ceintures, cravates, casquettes rouges se transforment en signes de ralliement .Toutes les manifestations qualifiées séditieuses (écrits, placards, chansons, emblèmes…) sont reportées sur un registre au ministère de la justice.

Voici par exemple, 2 affaires jugées aux Assises de l’Aube. A la session du 25 août 1849, " l’Affaire Habert ". Les accusés sont prévenus de faire partie d’une société secrète " La Solidarité Républicaine ". Cette association, qui a son siège à Paris, s’efforce d’organiser des succursales relevant de son autorité dans tous les départements et impose à ses adhérents le changement de gouvernement. Pour le comité de Troyes, il a un architecte, un avoué, un avocat… Qu’advient-il de cette société secrète ? Elle fait encore parler d’elle dans le procès de " l’Affaire Benoît Voisin " aux Assises du 14 mars 1851.

Venons-en à " L’Affaire Jacquemard " du 16 décembre 1850 qui peut se nommer " l’Affaire des Bonnets Rouges ". Au milieu des papiers de procédure, se trouve la pièce à conviction, l’un des fameux bonnets de coton rouge, fabriqués et mis en vente comme signe de ralliement et symbole de l’esprit de rébellion. Ce bonnet est confectionné chez Jacquemard, fabricant de bas à Romilly-sur-Seine. Les porteurs de bonnets sont qualifiés par la Police de " Démocrates socialistes très exaltés ". Le 14 août 1850, le Commissaire de Police adresse, une lettre au Procureur de la République, et de nombreux rapports pour le mettre au courant de la tournure que prennent les événements. " L’Affaire des Bonnets Rouges " est une manifestation ouvrière à tendance socialiste. On craint que les agitateurs ne viennent troubler la fête des bonnetiers qui doit avoir lieu le 27 août. Mais la police est sur ses gardes. De nombreux bonnets rouges sont saisis. Jacquemard et quelques autres sont arrêtés et le banquet socialiste, où 200 invités devaient être réunis, se trouve réduit à une cinquantaine de convives. Les bals qui suivent et qui clôturent la fête des bonnetiers se déroulent dans le plus grand calme. " L’Affaire des Bonnets Rouges " est terminée. Il ne reste plus qu’à juger les prévenus. Ils passent en Cour d’Assises le 16 décembre 1850 et sont acquittés.

A côté de ces manifestations séditieuses et ouvrières, il y a de nombreux procès intentés à la Presse. Les procureurs généraux ont la liste de tous les journaux politiques et surveillent la presse républicaine. Ils font poursuivre tout article où l’on peut relever un délit d’outrage contre l’Assemblée, le Président ou l’Ordre Social. La propagande active que font les colporteurs en vendant dans les villages les brochures et les almanachs, unique lecture du peuple des campagnes, est arrêtée par la loi de 1849 qui exige l’autorisation du Préfet, d’où un certain nombre de procès de la Presse locale. Trois affaires sont jugées aux Assises des 12 et 16 décembre 1850 dont l’inculpé est Luc Desages, gérant et rédacteur en chef du journal " La réforme Sociale ". Desages se voit successivement accusé " d’excitation à la haine des citoyens, de provocation à des militaires dans le but de les détourner de leurs devoirs et d’outrages envers la religion ". Sont également inculpés l’imprimeur Cardinet et Charpentier et Basset, auteurs des articles incriminés. Ch. Costel passe en Cour d’Assises le 12 juin 1851 en tant que gérant du journal " Le Populaire de 1841 " et le 8 novembre, comme gérant du journal " Le Républicain Populaire et Social ". Puis c’est Louis Ulbach, rédacteur en chef du journal " Le Propagateur, Sentinelle Républicaine de l’Aube ". Il passe devant le Jury d’Assises le 13 juin 1851 pour répondre d’un article qu’il a rédigé. Cet article fait, en termes véhéments, le procès des monarchistes et attise la haine de la classe ouvrière. Autre dossier : " L’Affaire Farjasse " de décembre 1852. Farjasse, ancien préfet de l’Aube, qui demeure au château de Courtenot, est incriminé avec l’imprimeur Cardon, le libraire Vigreux, un homme de lettres Bonnin et Ambroise Cottet, professeur de mathématiques. On les accuse d’avoir publié et mis en vente un volume intitulé : " L’Almanach Démocratique du département de l’Aube pour l’année Bissextile 1852 ". Dans le dit Almanach, un article " La Jacquerie " et une fable " Les Charlatans " sont l’objet des réquisitions du Procureur de la République. Mais la Cour d’Assises n’a pas à juger cette affaire car, en raison de son caractère politique, elle est brusquement arrêtée par mesure administrative.

Nombre d’affaires politiques sont d’ailleurs retirées du rôle des sessions de Cour d’Assises devant lesquelles elles étaient appelées à passer. On lit ainsi dans une pièce signée du Procureur de la République : " Attendu que, dans l’état actuel des esprits, l’examen d’une affaire ayant un caractère politique pourrait donner lieu à des débats contraires à la bonne administration de la justice, cette affaire est arrêtée par mesure administrative ".

C’est ainsi que nombreuses sont les affaires qui, en 1851 et 1852 bénéficient de la prudence des magistrats dans leur crainte de voir les esprits d’échauffer.

 

 

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