Aubois très célèbres



Edme Quenedey et le physionotrace


Quenedey naît aux Riceys le 17 décembre 1756.

 

         Il est le fils d’un vigneron aisé qui participa aux affaires publiques du bourg.

 

         Ses parents le destinent au clergé, mais ses aptitudes le dirigent vers l’Ecole de Dessin de Dijon, réputée. Quenedey reste dans cette école jusqu’en 1780. Il a pour condisciple Pierre-Paul Prud’hon (peintre et dessinateur préromantique). Il y apprend plus particulièrement la peinture sur miniature, art encouragé par Marie-Antoinette, reine de France et de Navarre.

 

         En 1787, il est à Paris et produit des miniatures. C’est à ce moment qu’il découvre le physionotrace, inventé et mis au point en 1786 par Chrétien.

 

Une annonce passe dans « Le Bulletin de l’Histoire de l’Art Français ». Un des directeurs de cette revue est le fameux Antoine Parmentier (connu pour son action de promotion en faveur de la consommation de la pomme de terre dans l'alimentation humaine). L’annonce dit ceci :

 

          « Monsieur Chrétien, musicien de la chapelle du Roi, vient d’imaginer un instrument par le secours duquel on fait un portrait suivant une grandeur donnée, de profil ou de ¾, en 3 ou 4 minutes, sans savoir dessiner. Le prix de cette machine n’excède pas 24 livres ».

 

Chrétien ne fait de son invention qu’un passe-temps que certains amateurs peuvent acquérir pour se distraire.

 

         S’inspirant de la vogue des « portraits à la silhouette » qui sont des portraits sommaires en ombre chinoise et bon marché, Quenedey perfectionne le système Chrétien.

 

En 1787, il s’installe à Versailles près de l’inventeur du physionotrace.

 

         Le 25 juin 1788 dans le « Journal de Paris », Quenedey lance le physionotrace en prônant les avantages de cet appareil : ces portraits sont « vrais », car le visage est tracé d’après nature, alors qu’un portrait à l’huile ne montre pas la vraie physionomie, car la manière du peintre est présente. D’autre part, le temps de pose est long, les expressions changent… pour le physionotrace, il suffit de 3 ou 4 minutes !

 

         Le 21 juillet 1788, Quenedey renouvelle son appel en rappelant les avantages d’un portrait au physionotrace : brièveté du temps de pose, physionomie vraie, ressemblance grâce à une opération mécanique, similitude des reproductions de petites dimensions. Ensuite, il donne ses prix suivant les formats et le nombre d’épreuves.

 

         Quenedy fonde sa publicité sur le résultat du dessin obtenu : on reconnait les traits du modèle. Cette insistance est due au fait qu’à la fin du XVIII° siècle, un savant suisse, Lavater, lance les théories physiognomoniques, théories disant que l’on peut juger du caractère des individus d’après les traits de leur visage. Ce philosophe pose le problème des rapports qui existent entre le physique et le moral.

 

         Ces théories étaient très en vogue, ainsi Quenedey, toujours dans les annonces, dit que le physionotrace apporte une grande précision qui permet de rendre « l’esprit même de chaque physionomie, et jusqu’aux nuances de caractère ».

 

         En novembre 1788, Quenedey a exécuté quelques 300 portraits. En 1789, il en sera à son millième.

 

         De juillet 1788 à août 1789, Quenedey ne travaille pas seul, car il ne maîtrise pas encore assez bien l’art de la gravure. C’est pourquoi, en guise de signature, on peut lire sous le portrait : « Dessiné par Quenedey avec le physionotrace inventé par Chrétien ».

 

Au cours de l’année 1789, il y a une modification de la formule : « Dessiné par Quenedey, gravé par Chrétien, inventeur du physionotrace ».

 

A partir d’août 1789, Chrétien abandonne la partie, et on peut lire sous le physionotrace, jusqu’en décembre 1789 : « Dessiné et gravé par Quenedey, avec le physionotrace de Chrétien ».

 

Mais, depuis le mois de janvier de 1790, Chrétien a décidé de se lancer dans cette carrière en s’installant avec un dessinateur en collaboration. Il faut donc que Quenedey apporte quelques précisions dans son estampille. En nuançant son modèle de signature, il ajoute son adresse ou son lieu de résidence suivant les époques.

 

Quenedey a toujours habité et exercé près du Palais Royal, quartier des artistes à la fin du XVIII° siècle et au début du XIX° siècle, à cause de la proximité du Louvre.

 

En 1792, la demande de portraits au physionotrace est en baisse, c’est donc peut-être volontairement que Quenedey part pour Bruxelles, puis pour Hambourg de 1796 à 1801. Ce port allemand est en effet un grand centre d’émigration. Les exilés, pensait certainement Quenedey, garderaient l’habitude de se faire faire un portrait.

 

En 1801, quand Napoléon 1er autorise les émigrés à revenir, Quenedey s’installe de nouveau dans le même quartier de Paris qu’à ses débuts, rue Neuve des Petits Champs.

 

A la fin du XVIII° siècle et au début du XIX° siècle, ces physionotraces étaient achetés par le client modèle, qui les distribuait à ses amis, ses relations ou sa famille. C’est pour cette raison que très peu de portraits portent un nom. En effet, le physionotrace avait pour fonction de rappeler les traits familiers d’une personne, le nom de celle-ci était donc inutile.

 

Aujourd’hui, la plupart des physionotraces se trouvent dans des collections publiques :

 

- à la Bibliothèque nationale, au Cabinet des Estampes, il y a 2.800 portraits dans 28 volumes. La plupart sont classés par ordre alphabétique sans distinction d’époque ou de costume. Cette collection recouvre toute la vie de Quenedey, sauf la période de Hambourg.

 

- au Musée Carnavalet, il y a 5 cartons classés par ordre alphabétique et un 6° rangé par époque historique.

 

- enfin, 250 portraits se trouvent à la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie. Ces portraits courent aussi sur toutes les époques.

 

D’autre part, il y a quelques collections particulières.

 

Les collections publiques proviennent de la vente posthume faite par les filles de Quenedey.

 

Au début de sa carrière, il avait constitué un catalogue des modèles allant de 1788 à 1796. Il s’agit d’un index des noms des clients  correspondant à une cote. A la mort de Quenedey, les frères Goncourt ont cherché jusqu’aux Riceys ce précieux livre, mais ils ne l’ont pas trouvé. Il a bel et bien, disparu.

 

Au musée Carnavalet, il existe un livre comprenant une liste de noms, mais il n’est pas de la main de Quenedey. Il établit plutôt un inventaire qu’auraient pu faire les demoiselles Quenedey à la mort de leur père.

 

Le physionotrace a fait que Quenedey a pu travailler pour un maximum de personnes, que ce soient des hommes politiques comme Boissy d’Anglas ou La Fayette, des parlementaires, des financiers, des hommes de justice, des ecclésiastiques, des bourgeois, des scientifiques comme Jussieu, Parmentier, Bailli (premier maire de Paris et astronome), des personnalités du monde littéraire comme Madame de Staël, Grimm, des musiciens, Albeniz, des actrices…

 

Quenedey a aussi reproduit d’après des bustes Rousseau, Voltaire, Pie VII, Louis XVIII et de nombreux musiciens : Boieldieu, Gaveaux, Glück, Mozart… Quenedey vendait ces portraits à des marchands de musique.

 

L’apogée du physionotrace est entre les années 1788-1790. Après cette date, son succès se modère et le physionotrace est dépassé par une invention anglaise de Wollaston. Dès 1804, la chambre claire est mise au point. Elle est moins encombrante et plus maniable que le physionotrace, et devient un outil familier et d’usage courant pour les praticiens du dessin, notamment pour les portraitistes.   

 

L’invention du physionotrace comme celle de la photographie rend compte de plusieurs choses : tout le XIX° siècle est jalonné par un véritable esprit d’invention. Avec les physionotraces, on lira les caractères des gens sur leur visage vrai et non altéré par la main du peintre, puis très vite on passera avec la photographie aux portraits familiers et quotidiens, mais aussi en 1882 à la création par Alphonse Bertillon, de l’identité judiciaire : la photo est utilisée en cas de crime ou d’infraction importante pour reconnaître les coupables.


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