Pendant les Guerres



Troyes pendant la guerre de 100 ans (1429-1433)


Si les premières libertés municipales datent de la fin du XII° siècle, il faut attendre le XIV° pour voit apparaître un véritable Conseil de ville. A Troyes, comme dans beaucoup de villes, c’est la guerre de 100 ans qui nécessite la création de ce conseil. Ses principales prérogatives sont en effet la garde et la défense de la ville notamment, face aux Anglais, aux grandes compagnies et aux gens de guerre.

De 1429 à 1433, le Conseil de ville est élu chaque année par une assemblée restreinte des habitants. Composé de 37 à 38 personnes, il regroupe essentiellement des clercs, des officiaux royaux et municipaux, et les plus riches bourgeois et marchands. Pour traiter des questions les plus graves, le Conseil peut également convoquer une assemblée plus importante pouvant atteindre 100 à 300 personnes. Pendant cette période, la guerre est l’objet principal des délibérations du Conseil, représentant presque 70 % des sujets abordés, la défense de la ville étant un souci permanent. Les remparts sont le premier élément de la défense d’une ville.

De 1429 à 1433, la fortification de la ville est intense, elle intervient dans une longue histoire de la fortification troyenne de son origine romaine à la guerre de 100 ans.

Le Conseil de ville détient un pouvoir exclusif en matière de fortifications. Les travaux, gérés par les maîtres des œuvres, sont essentiellement effectués par des ouvriers « issus de villages depuis Saint-Jean-de-Bonneval jusqu’à Montiéramey, soit 68 villages et 4 paroisses de la ville représentant un total de 939 hommes en 1431 ». Ils y sont contraints sous forme de corvées, comme pour la corvée de pierre, organisée au site de Montaigu.

Les travaux entrepris sont à la fois des travaux d’entretien et de constructions de nouveaux ouvrages. Ils concernent tout autant les murs d’enceinte, que les tours, notamment à la Planche Clément, ou encore les tours-portes et portes comme la porte du Beffroi ou la porte Saint-Jacques. Des boulevards sont construits, par exemple aux portes du Beffroi et du Saint-Esprit, pour sécuriser un ensemble protégé par des fossés, faux-fossés, fausses-portes et chausses trappes, tant et si bien qu’en 1451 les Troyens s’estiment « bien fortifiés ». Destinées à la défense de la ville, ces fortifications ont autant un rôle symbolique, reflet du prestige de la cité, qu’un rôle stratégique. Cependant, leur valeur militaire tient surtout dans les hommes qui en ont la garde.

Le Conseil veille en effet à ce que les habitants fassent « bon guet et bonne garde ». Le guet consiste à surveiller les alentours de la ville et à sonner l’alarme pour prévenir toute attaque ennemie. Il s’effectue donc en haut des tours, essentiellement la nuit. La garde consiste à protéger les portes et à contrôler les personnes entrant dans la ville, c’est surtout un service de jour, pendant l’ouverture des portes. Guetteurs et portiers sont les Troyens aidés des villageois de la banlieue de la ville. Ils sont contraints à ce service en contrepartie de la protection que la ville leur procure, même si clercs et nobles essaient d’y échapper par exemption ou remplacement.

Les 1 500 hommes qui restent astreints à ce service l’effectuent dans le cadre de leur quartier. Les 4 quartiers de la ville sont divisés en connétablies, elles-mêmes subdivisées en sixaines et dizaines.

La répartition des tâches se fait en fonction du rang social. Les sixainiers, hommes de fer et bourgeois, sont portiers : ils détiennent les clés de la ville, symbole du pouvoir urbain, tandis que les dizainiers, hommes de pourpoint plus pauvres, sont guetteurs. Le port de la croix droite blanche sur fond rouge, emblème du parti armagnac est obligatoire, la visibilité des remparts est améliorée grâce à des lampes à huile et torches, mais aussi à des travaux de taille, d’élagage et de terrassement.

Des cloches de vaches sont accrochées aux haies autour de l’enceinte afin d’avertir le guet lorsque l’ennemi approche de nuit. Enfin, des chaînes sont tendues dans les rues principales pour ralentir la progression des ennemis s’ils parviennent à entrer. Pour prévenir les risques de siège, le Conseil doit se doter de gens de guerre, qui sont constitués de ses habitants en armes.

Le Conseil refuse en effet d’accueillir une garnison royale en 1450. Les habitants en armes s’organisent eux aussi par quartiers, sixaines et dizaines. Chaque chef de famille doit avoir un couteau et un bâton, véritable arme munie d’un embout en métal.

Les hommes de pourpoint postés aux remparts possèdent, outre leur pourpoint, un maillot de fer ou de plomb et parfois une pique. Les hommes de fer dirigent l’ensemble et possèdent un « harnoix », c’est-à-dire une armure, une épée, des armes de trait et d’artillerie légère et parfois même un cheval. La ville se défend également grâce aux compagnies d’archers et arbalétriers et aussi grâce au développement de l’artillerie.

Un « artillier » et un « canonnier » sont chargés de la poudre à canon et des bouches à feu qu’il s’agisse d’artillerie légère comme les couleuvrines ou d’artillerie lourde comme les veuglaires ou les bombardes. Bien défendue, la cité troyenne se préserve donc de la menace ennemie, mais elle doit surtout intervenir à l’extérieur de ses murs.

Dans un environnement instable où les frontières entre Armagnacs et Bourguignons sont à la fois fluctuantes et physiquement inexistantes, la ville de Troyes reste fortement menacée et doit intervenir en dehors de ses murs. En effet, les ennemis sont bien positionnés pour encercler et assiéger la ville : les Bourguignons sont plutôt localisés dans les terres de Bourgogne et la campagne troyenne, tandis que les Anglais se situent plutôt au nord-ouest de Troyes. Par conséquent, les menaces de siège sont permanentes.

(Au Conseil de ville, les Bourguignons sont plutôt appelés « adversaires », tandis que les Anglais sont nommés « ennemis ». Rassemblés, ils sont désignés sous le terme d’ « ennemis »). Le Conseil développe un réseau de renseignements avec les villes les plus proches pour prévenir tout effet de surprise. La ville n’est finalement pas assiégée : bien défendue et résolument armagnac, elle bénéficie aussi des trêves conclues entre Charles VII et le duc de Bourgogne de septembre 1431 à juillet 1432. Les exactions nombreuses et variées sont l’œuvre des Armagnacs : rançons, pâtis, pillages, courses et rapines, mais aussi crime de sang et de feu. Elles deviennent un but en soi pour une noblesse qui trouve dans la guerre une source complémentaire de revenus et un moyen de domination de la société rurale, mais aussi le déshonneur de violences injustes et excessives. La guerre fait subir un lourd poids économique et social à la ville.

Les fortifications, les gages des gens de guerre, les sièges payés par la ville comme ceux de Marigny-le-Châtel, Anglure… ou encore les rançons… sont financés par des impôts spéciaux ou octrois sur le vin et le sel. Ils s’ajoutent aux impôts permanents comme la taille et la gabelle, rendant la pression fiscale trop forte (et nous en 2014 ???).

Et la ville doit quand même emprunter face à son manque de trésorerie. Ces coûts ajoutés à la pénurie de céréales, à la surpopulation dont souffre une ville-refuge en temps de guerre, et aux mutations monétaires qui provoquent inflation et chute du pouvoir d’achat « sont le terreau de la famine et de la pauvreté ». Cette misère fait apparaître les prémices de la révolte populaire, de « la murmure du peuple », qui remet en cause la gestion du Conseil de ville. Le Conseil se doit donc de réagir en organisant et en protégeant l’approvisionnement de la cité en céréales, vin, sel, vivres et bétail. Il expulse les mendiants et étrangers, marginaux victimes d’une perception de plus en plus négative de la pauvreté au XV° siècle. Il régule également le commerce en interdisant le marché noir, en fixant les prix, et en règlementant la boulangerie. Le Conseil focalise ses peurs sur les marginaux, pauvres, mendiants, prostituées et étrangers. Il craint qu’ils ne se soulèvent et ouvrent les portes aux ennemis pour mieux ensuite piller la ville avec eux. Il expulse donc ceux qui représentent un danger pour la communauté. Pourtant, la trahison vient de la bourgeoisie.

En effet, fin 1430, Pierre d’Arrentières projette avec d’autres bourgeois de livrer la ville, afin qu’elle bascule à nouveau dans le giron bourguignon. Le Conseil ne tarde pas à découvrir le complot et engage une forte répression. Les responsables sont pendus comme il sied aux traîtres et les « soupçonnés » sont assignés à résidence, « prison ouverte ». La délation est également encouragée et les portes sont mieux gardées.

In fine, le Conseil de Ville de Troyes parvient à faire face à la guerre de 100 ans en peaufinant sa défense, en essayant avec plus ou moins de succès de pacifier les villes et la campagne des alentours et surtout en jonglant entre les identités de communauté urbaine indépendante, de cité royale fidèle et de fragile ville-frontière.

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