Le département



Mesnil-Saint-Père au temps des Maîtres-Tuiliers


Tuiles vernissées
Tuiles vernissées

La présence des argiles dans le sol de la Champagne humide a suscité depuis un temps immémorial la création et le développement d’une industrie qui fut très florissante : celle de la fabrication des tuiles (voir le chapitre « Tuiliers »), des briques et des carrelages.

 

         Sur le finage du village de Mesnil-Saint-Père, il existait encore 7 tuileries en 1885.

 

         C’est sur l’initiative des Comtes de Champagne, au XIII° siècle, qu’elles furent établies.

 

         Au XIV° siècle, les moines de Montier-la-Celle, à Saint-André-les-Vergers, étaient de gros clients.

 

         Ainsi, vers 1365, ils achetèrent à Mesnil-Saint-Père 10.000 tuiles pour couvrir les toitures de leur « Ostel de la Grève » qu’ils avaient fait construire sur le territoire de Ruvigny.

 

         En 1488, l’abbaye de Montiéramey, toute proche de Mesnil-Saint-Père, avait acquis le droit de prélever chaque année et sur chaque four, 2 milliers de tuiles.

 

         Ces fabriques très prospères fournissaient, tant pour les édifices publics que pour les demeures particulières, des tuiles émaillées, dont la gamme de couleurs s’étendait du brun-rouge au noir, en passant par le vert et le jaune.

 

         Elles étaient biseautées afin que le vent n’ait aucune prise.

 

         De plus, leur vernissage empêchait l’envahissement de la mousse et de l’humidité.

 

         Leur disposition géométrique sur les toitures permettait de réaliser une variété infinie de décoration laissée à l’imagination des couvreurs. L’art et la technique déployaient leurs talents pour faire de « la belle ouvrage ».

 

         A Troyes, on peut encore en admirer sur les toits de l’église Saint-Nizier et de celle de Pont-Sainte-Marie, de même qu’à l’Hôtel de Marisy.

 

         Le Musée de Troyes possède un grand nombre de tuiles plates et de faîtières du XV° au XVII° siècle, ainsi que 2 lucarnes en terre cuite et des épis vernissés qui proviennent de l’église Saint-Rémi et des anciens bâtiments de l’Hôtel de Ville.

 

         Les tuileries de Mesnil-Saint-Père fabriquaient en outre des carreaux civils.

 

         La pierre de dallage étant rare en Champagne, ces carreaux offraient la possibilité de concevoir de somptueuses décorations sur les sols.

 

         Outre les multiples reproductions d’armoiries, ils étaient utilisés pour l’ornementation des pierres tombales.

 

         De tous temps, les hommes ont cherché à masquer le visage hideux de la mort. Sur l’emplacement des sépultures, on se servait de ces carreaux émaillés qui figuraient des tapis ou des draps funéraires. On y représentait soit les attributs, soit l’effigie du défunt. Elles étaient bordées d’un encadrement portant l’épitaphe du personnage, avec la mention de ses qualités et la date de son décès.

 

         Les fermiers des XVI° et XVII° siècles se faisaient représenter sur leur tombe dans le costume de l’époque, la tête nue, les mains jointes, vêtus de leur houppelande à larges manches, de hauts-de-chausses et de souliers à bouts arrondis.

 

         Dans l’église de Mesnil-Saint-Père, figure un prêtre, mort au XVI° siècle. Il est revêtu de la chasuble et tient devant lui un calice. Cette tombe devait se trouver autrefois au milieu du cœur de l’église.

 

         Dans la chapelle de la Vierge, la plupart des carreaux émaillés ont disparu. L’un d’eux portait la date de 1620 à la pointe d’un blason, armoiries d’un maître-tuilier.

 

         La chapelle Saint-Nicolas qui a aussi perdu son carrelage conserve encore la dalle tumulaire de Jeanne Thomas, décédée en 1637.

 

         Mais le village de Mesnil-Saint-Père n’était pas le seul à posséder des tuileries. Au territoire de Lusigny, les moines de l’abbaye de Larrivour fabriquaient des tuiles. C’est là que venaient se fournir les chanoines de la cathédrale de Troyes, un document de 1530 nous l’apprend.

 

         A Géraudot, on façonnait aussi l’argile dans la tuilerie du Gaty, aujourd’hui disparue ainsi que 2 autres, sous les eaux du lac. A leur place a été reconstruite et modernisée, une nouvelle tuilerie dont les installations ont été transportées à Lusigny, sur la route de Montreuil.

 

         Sur les toitures de la ferme du château de Géraudot, il y avait des faîtières avec l’inscription suivante : «  Tour bien à Vienne ». C’était un label de qualité irréprochable…

 

         Depuis la fin du XVII° siècle, cette industrie de la tuile et du carrelage émaillé ne fit que dépérir. En 1850, des essais de carrelage en couleurs furent tentés, pour revêtir le sol des chapelles de pourtour du chœur de la cathédrale de Troyes, ainsi que pour l’une des chapelles de Saint-Martin-ès-Vignes. 30 ans plus tard, ces carrelages étaient déjà complètement usés, comme s’ils avaient été posés depuis plusieurs siècles.

 

         Il est à croire que les fameux maîtres-tuiliers de Mesnil-Saint-Père et d’alentour, ont emporté jalousement dans la tombe leur secret de fabrication !

 

 


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