Aubois très célèbres



Jeanne de Navarre


Antoine Le Roux de Lincy, bibliographe et médiéviste, secrétaire de la Société des bibliophiles français, écrit en 1840 : « Aux avantages d’une beauté physique remarquable, Jeanne de Navarre paraît avoir joint une grande élévation de caractère et d’esprit. Son mari, sans lui abandonner dans le gouvernement des affaires une part trop grande, lui témoigna toujours beaucoup de confiance et de respect ».

Jeanne de Navarre, reine de France, comtesse palatine de Champagne et de Brie, naît à Bar-sur-Seine, en 1271, dans le château féodal de ses ancêtres, dont la vieille tour et l’élégante église font encore l’ornement de sa ville natale. Elle était fille de Henri 1er, roi de Navarre, et de Blanche, dite aussi Jeanne d’Artois.

         Au milieu des guerres, entretenues par le soulèvement des peuples, la défiance des rois et les résistances des seigneurs, Jeanne de Navarre joua souvent un rôle conciliateur. Philippe-le-Bel, son mari, ne prit jamais les titres de roi de Navarre ni de comte de Champagne et de Brie, quand il lançait quelques ordonnances, relatives au gouvernement de ses principautés, il avait soin d’ajouter qu’il avait l’assentiment de sa chère compagne. A la fin de l’acte, immédiatement après le texte, Jeanne approuvait ce qui était contenu et y apposait son sceau avec celui de son mari.

         Elle chassa les Aragonais et les Castillans qui s’étaient introduits jusqu’au cœur de la Navarre. Aussi, les habitants de ce pays de montagnes conservent-ils encore aujourd’hui son souvenir : ils rappellent avec reconnaissance qu’elle fut la fondatrice d’une de leurs plus jolies villes, nommée Puenta la Reyna.

L’amour de la gloire parut être sa passion dominante. Le bruit des armes souriait à son ardente jeunesse. Non contente de délivrer la Champagne des ravages qu’y causait le comte de Bar, descendant de Renaud II et d’Agnès de Champagne, elle porta le fer et la flamme dans ses états, le défit dans un combat sanglant, s’empara de sa personne et l’envoya, chargé de chaînes à Paris, où elle ne lui rendit la liberté qu’à la condition qu’il se déclarerait son vassal. Deux ans après cette victoire, on la vit marcher avec son mari contre le comte de Flandre, Guy de Dampierre, infidèle à ses serments.

         Jeanne de Navarre avait des habitudes modestes, elle a 2 dames et 3 demoiselles, elle a un char à 4 chevaux pour ses suivantes,

         La magnificence, la libéralité et l’amour des lettres, héréditaires dans la Maison de Champagne, charmaient les loisirs de cette princesse qui s’était fait connaître en Navarre, en Flandre et en France, pour une guerrière redoutable aussi bien que pour une reine aimable et bienfaisante.

Elle fonda le Collège de Champagne ou de Navarre, qui a longtemps passé pour une des premières écoles d’Europe, par le mérite de ses élèves et par la célébrité de ses professeurs. Son but était de former dans l’Université de Paris, paradis de volupté scholastique, comme elle l’appelle dans son style pompeux et figuré « une société ou congrégation d’où sortirait une source d’eau vive qui, semblable au fleuve fécondant de l’Euphrate, enfanterait des fils adoptifs de Dieu, et qui, comme un autre Jourdain, répandrait sur toute la terre la pureté de sa morale et la vérité de sa doctrine ». Quinze années furent employées à la construction de ce magnifique établissement, fondé en l’an 1604, en faveur de 70 pauvres écoliers, 20 grammairiens, 30 artiens et 20 théologiens, à chacun desquels était assignée une somme suffisante pour son entretien. Le collège touchait, sur les Comtés de Champagne et de brie, 2.000 livres tournois de revenu annuel. En échange, la royale protectrice des savants avait, dans son testament, réservé les premières bourses à 15 étudiants champenois, 4 en grammaire, 7 dans les arts et 4 en théologie. Les maîtres, le proviseur, les clercs et les chapelains, devaient être nés sur le territoire de la Champagne. Parmi les troyens élevés dans ce collège, conformément aux vœux de la fondatrice, il en est qui se sont illustrés dans  l’église : Jean Léguisé, évêque de Troyes, Michel de Creney, évêque d’Auxerre, Jean du Temple, député par l’Université au concile de Constance, Michel l’Epervier, un des 12 théologiens chargés par François 1er de préparer les matières du Concile de Trente, et une foule d’autres, ont su répondre par l’éminence de leur savoir et de leur vertu aux nobles largesses de leur immortelle bienfaitrice. Le même testament qui renferme l’acte de fondation de ce collège, où les princes du sang et les plus grands seigneurs envoyaient leurs enfants, mentionne une multitude de bonnes œuvres, dont l’hôpital de Château-Thierry.

La reine de France et de Navarre quittait souvent le grand château pour se retirer solitaire dans la maison de Charles Martel, aux Chesneaux, où, loin du tracas et de l’étiquette de la Cour, elle méditait dans le silence les vastes projets qui ont occupé sa vie, ou se livrait à ses instincts de bienfaisance. Elle avait fait bâtir les Billettes (cloître et église dans le quartier du Marais à Paris) pour les frères hospitaliers. Les couvents des Dominicains, des Cordeliers et des Chartreux devaient à ses soins une infirmerie toute meublée pour leurs malades. La cathédrale de Meaux était redevable à son inépuisable charité d’une partie de son édifice et de ses ornements. La charitable princesse fonda à Château-Thierry une maison pour les malades.

Jeanne mourut le 2 avril 1305, à son château du Bois de Vincennes.

François Eudes de Mézeray, historien et historiographe, de l’Académie Française, qui joua un rôle fondateur pour l’histoire de France, écrit en 1643 : « On pleura amèrement la perte d’une princesse enlevée à la fleur de l’âge et au milieu des plus belles espérances. Ses sujets respectaient en elle une sévérité tempérée par une douceur attrayante. On eut dit qu’elle tenait tout le monde enchaîné par les yeux, par les oreilles et par le cœur, étant tout ensemble éloquente, généreuse et d’une rare beauté ».

La mort imprévue de cette illustre auboise fut attribuée au poison. La rumeur publique accusa de ce crime Guichard (voir le chapitre), évêque de Troyes, membre du conseil privé de la reine et très avancé dans ses faveurs. Il était parrain de l’un de ses enfants. Tombé en disgrâce pour avoir pris la défense d’un coupable, il prétendait que Jeanne de Navarre l’avait poursuivi avec acharnement : « Je perdrai mon comté de Champagne ou lui son évêché », se serait écrié la princesse dans un jour de colère ». Cette violente persécution aurait entrainé Guichard dans de coupables manœuvres. D’après une ample information faite dans l’intervalle des années 1305 à 1308 par l’archevêque de Sens, l’évêque d’Orléans et l’élu d’Auxerre, Guichard aurait eu recours à la puissance du démon pour abréger la vie de la reine et à la sorcellerie d’un jacobin, nommé Jean de Fayaco. Accusations ridicules qui furent reconnues fausses. Cependant, l’évêque de Troyes resta beaucoup d’années en prison.

Le corps de la royale défunte fut inhumé dans l’église des Cordeliers de Paris, où elle avait choisi sa sépulture. On lui érigea un tombeau de marbre blanc mêlé de noir, que les huguenots brisèrent en 1580.

Ainsi finit la maison de Champagne, après avoir gouverné de riches provinces, pendant près de 3 siècles, depuis que la famille de Thibaut le Tricheur les avait réunies sous sa domination. Souvent affaiblie par de fréquents partages, elle n’avait recouvré toute sa splendeur que par intervalles. Elle avait jeté le plus grand éclat au moment de s’éteindre.

Les règnes de Thibaut le Grand et de Thibaut le Chansonnier, sont les 2 plus brillantes époques des annales champenoises.    

 

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