C'est notre histoire



Propagande anti alcoolique en 1901


Ce chapitre, rapporté à son époque, devrait réjouir ou faire sourire beaucoup de mes lecteurs !

 

Il est intéressant de lire les articles d’Ernest Barascut, Courtier officiel, Représentant en Vins et Spiritueux à Troyes, de 1901 à 1907, dans ses « réponses » parues dans le « Petit Journal », ou « La Tribune de l’Aube », de l’époque. Il s’en prend régulièrement aux « Pêcheurs de Lune de l’antialcoolisme », aux conférenciers qui portent le plus grand préjudice au commerce.

 

         Suite à la conférence antialcoolique organisée par la Direction de la Compagnie des Chemins de fer de l’Est, faite par le Docteur Jacquet, médecin des hôpitaux de Paris, en 1901 : « Persuadé intimement que le moyen le plus efficace de combattre l’alcoolisme c’est de propager l’usage du vin, je n’admettrai jamais que ce produit sans pareil des amours de la Terre et du Soleil, qui, figurait dans les festins des Dieux, que Jésus-Christ offrait à ses disciples, que les poètes de l’antiquité et des temps modernes ont chanté, qui emplit nos verres dans nos toasts les plus affectueux, que les médecins m’ont formellement imposé à moi, abstème (qui s’abstient de vin) jusqu’à 32 ans, qui n’a laissé aucune tare sur notre race, à qui nous devons au contraire notre vigueur, notre esprit, notre gaieté, notre vaillance et toutes ces qualités merveilleuses qui forment notre Génie national et font de nous le premier peuple du Monde, soit devenu tout à coup un poison… Réflexions de participants à cette conférence : Ce sont des capitalistes, actionnaires des Sociétés qui exploitent les sources d’eaux minérales, qui provoquent des conférences contre le vin… C’est une manœuvre perfide de l’Angleterre, qui veut nous dégoûter du vin pour nous vendre son thé… Ce sont les Juifs qui, pour dominer et anéantir le catholicisme, veulent proscrire le vin. Par ce moyen, les curés ne pourront plus dire la messe… Ces interlocuteurs se trompaient ! ».

 

         « Votre article intitulé L’Alcoolisme dans l’Armée en a fait rire un grand nombre… Mais je n’oublierai pas de prendre régulièrement, tous les jours, mon apéritif absinthe, kina, picon, gentiane ou vermout, et de boire à tous mes repas, chaque jour, une bouteille de Bordeaux ou de Bourgogne, accompagnée d’un petit verre de Fine-Champagne ou d’Armagnac, aimant mieux vivre longtemps, soit disant alcoolique, mais sain de corps et d’esprit, que de mourir trop jeune, Tempérant, anémique ou moisi ».

 

         A M. Henri Chantavoine, professeur au Lycée Henri IV : «…vous dépassez largement la mesure quand vous traitez les négociants en vin de marchands de poison et de tenanciers d’assommoirs. Ces affirmations pourraient donner lieu à des poursuites en correctionnelles, car elles constituent une grossière diffamation… Quant au vin ! Il résistera aisément à vos attaques et défie tous vos anathèmes, car son usage se perd dans la nuit des temps. Hippocrate disait : Le vin est la boisson la mieux appropriée à l’homme… De nos jours, les hygiénistes les plus éminents confirment ce dire… Dans l’antiquité, Homère, Démosthène, Hésiode, Tite-Live, Aristote, Plutarque, Cicéron, Horace… buvaient du vin, et l’histoire ne nous dit pas qu’ils soient morts alcooliques ! ! Le Trésor divin, comme on chante dans Galatée, a fait plus de bien à l’humanité que votre enseignement ».

 

         En 1902, le Docteur Legrain, médecin des aliénés à Ville-Evrard et à l’asile Sainte-Anne à Paris, se fait conférencier "anti-alcooliste" à Troyes. Il est ennemi enragé de l’alcool sous toute ses formes : « Par un phénomène étrange de Daltonisme réel ou subjectif, il voit des alcooliques partout, on l’est sans le croire, sans le savoir, comme l’on est… cocu !... Il vante le vin sans alcool fabriqué à Berne (Suisse), confiture capable de donner le choléra au monde entier, et finit en prétendre que l’alcoolisme fait plus de 100.000 victimes par an en France. La Misère en fait bien davantage ! Et les conférenciers "antialcoolistes", prétentieux sauveurs du peuple, philanthrope d’occasion, funambules de la Tempérance qui voudraient nous mettre au régime de l’eau pure, la plus dangereuse des boissons, cause principale de cette terrible maladie qu’on nomme appendicite, n’ont rien dit jusqu’ici de cette plaie sociale plus grave que la fiction chimérique de l’alcoolisme ! Pourquoi ?... parce que la misère ne paie pas. C’est à l’excès de travail imposé aux employés des Compagnies, pour un salaire dérisoire, et non à l’alcool, que sont dus, le plus souvent, les accidents de chemins de fer, et c’est à l’âpreté de la lutte pour la vie, à une alimentation malsaine ou insuffisante, au défaut d’hygiène dans les logements et dans les cités, au surmenage des travailleurs, de l’ouvrier, de l’ouvrière, jeune fille ou mère de famille, dans l’usine, à l’atelier comme aux champs, qu’il faut attribuer, sauf quelques rares exceptions, tous les maux dont il est mode aujourd’hui de charger injustement l’alcool, le Satan du jour. Il résulte en effet des recherches faites par l’association médicale britannique, sur l’influence de la consommation de l’alcool sur la durée moyenne de la vie humaine, que : les abstinents atteignent en moyenne 51 ans, les buveurs modérés 63 ans, les ivrognes fieffés 53 ans. Ces chiffres éloquents, décisifs, corroborent les opinions des hygiénistes les plus distingués et confirment ce qu’une expérience de plus de 30 siècles, pratiquée sur des centaines de millions d’individus, a surabondamment démontré, à savoir : que l’alcool consommé modérément, sans abus, à l’état de bon cognac, de bonne liqueur, de bon vin, est absolument inoffensif, qu’il est en quelque sorte la houille de la machine humaine, un anesthésique puissant des souffrances morales et matérielles des déshérités de la fortune ou de la naissance et parfois le dissolvant énergétique des colères accumulées sur le point de faire explosion… En définitive, malgré toutes les lignes et tous les discours, on boira demain comme on boit aujourd’hui, sans demander la permission à M. le Maire ni à l’Armée du Salut ».

 

         « Dans une interview publiée dans le Figaro, M. Duclaux, directeur de l’Institut Pasteur, pense que l’alcool est un aliment, voire même le plus indispensable de tous les aliments, singulièrement difficile à suppléer, parce qu’il contient à poids égal, plus d’énergie que les autres. Les expériences successives pratiquées par des savants, destinées à servir la cause des sociétés de tempérance, établirent scientifiquement que l’alcool est un aliment comme le bifteck. Il ne doit pas plus être considéré comme un poison que le pain, la viande et le sucre, et, loin de le charger de droits exorbitants destinés à en diminuer la consommation, il y va de l’intérêt social que, comme toutes les denrées de première nécessité, il coûte de moins en moins cher ».

 

         Ernest Barascut rappelle que d’après le « Journal Officiel » du 5 décembre 1899, la natalité par 1.000 habitants est la plus forte dans les départements où l’on consomme le plus d’alcool par habitant, et moindre dans ceux où l’on en consomme le moins. Il note que dans  un article de la « Revue des Deux Mondes », le docteur Jules Rochard, membre de l’Académie de Médecine, ancien Inspecteur général du Service de Santé de la Marine, ennemi de l’alcool, a écrit en 1886 : Ce que je dis des désordres causés par l’alcool ne s’applique  qu’à ceux qui en font un abus continuel. Pris en petite quantité, même alors qu’il n’est pas d’une qualité irréprochable, il n’apporte aucun trouble appréciable dans la santé… D’un autre côté, les hygiénistes les plus savants, M. Declaux de l’Institut Pasteur, MM. Bouchardat, Proust, Arnoud, Bouardel, Professeurs d’hygiène à la Faculté de Médecine de Paris, et autres célébrités médicales, considèrent le Vin comme la boisson la plus fortifiante, la plus utile, la moins nuisible, même quand on en abuse.

 

         Ernest Barascut écrit en 1906 : «… Chacun sait que nos médecins hydrophiles feignent d’ignorer que le vin, boisson de table délicieuse par excellence, fortifie, stimule, augmente la chaleur, favorise la nutrition et donne le ton à tous nos organes sans exception, tandis que l’Eau minérale n’est qu’une boisson de luxe et de parade. Prise à la source, elle jouit peut-être de quelques propriétés que le médecin peut utiliser dans l’intérêt de quelques malades de fantaisie, mais mise en bouteille elle est absolument impropre aux usages ordinaires de la vie. Je la mets au défi d’affronter l’analyse du laboratoire municipal. Transportée, elle s’altère promptement, se corrompt, s’emplit de microbes, perd ses vertus curatives si elle en a, et n’est plus au point de vue médical qu’un cadavre en putréfaction embouteillé dans un cercueil de verre. Bonne au plus à éteindre des incendies, elle fait de l’homme le plus robuste et le plus vigoureux, un colosse impuissant, un brasier éteint…».

 

En 1907, Ernest Barascut est élu Président du Syndicat de Défense du Vin. Il écrit au Membres de la Commission d’enquête parlementaire sur la crise viticole : «… Le plus grand ennemi de notre boisson nationale, c’est le médecin, actionnaire opulent ou courtier clandestin des eaux minérales qui, pour prix de ses services, lui font un lit de billets de banque. La campagne antialcoolique ne fut qu’une hypocrisie. Menée à grand renfort de conférences solennelles par des sommités médicales détachées des maisons d’aliénés, elle faisait le jeu des Eaux minérales au détriment du Vin. Malheureusement, cette propagande a fait des prosélytes. Les tempérants conspuent le vin, le chef de corps l’interdit à la caserne, le médecin le déconseille à ses clients, l’instituteur dans l’école terrorise l’enfant au lieu de l’instruire en lui enseignant que, de même que la strychnine, l’acide prussique ou l’arsenic, le vin est un poison… Par contre, marchand d’Eaux minérales lui-même, l’Etat favorise, le Parlement protège, le médecin vulgarise la consommation des Eaux minérales… les Eaux minérales jouissent de toutes les faveurs, de tous les privilèges, elles circulent librement, sans contrôle, ne paient aucune taxe, ne sont soumises à aucune analyse administrative et ne sont pas astreintes à la garantie du millésime et de la date de l’embouteillage. Aussi les actions des Eaux montent sans cesse, des sources nouvelles sourdent de tous côtés, les verreries ne peuvent plus suffire à la fabrication des bouteilles… Les exploitants des stations thermales gagnent des millions au détriment du Trésor et de la santé publique, alors que la vigne se meurt, que le commerce des liquides dépérit petit à petit, et que le vigneron ruiné se tord dans la misère, prêt à l’insurrection avant de mourir de faim ! ».       

 


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