Les dessous de Troyes



8) Truqueurs et truqueuses


Voici le 8ème chapitre de « Les dessous de Troyes », où comme pour les autres, je ne change pas un mot de ce qu’a écrit en 1886, Charles Brégnard, dans son livre dédié à son « cher et illustre Maître Louis Ulbach », troyen lui aussi.

 

         « Les maris qui passent une partie de leurs nuits au jeu et les femmes qui vont voir leurs amants pendant la journée, emploient toute espèce de trucs pour se donner mutuellement le change, mais il faut reconnaître que l’esprit féminin est le plus sûr et le plus inventif.

 

         Les vieux clichés : « Je vais chez ma mère » ou « Je vais chez ma tante Ursule », sont bien usés et ne prennent généralement plus. Les femmes les ont remplacés depuis longtemps par la visite aux magasins de la rue Notre-Dame (Emile Zola). Le moindre bibelot à acheter dans cette rue sert de prétexte à une sortie de 4 ou 5 heures, à laquelle le monsieur ne voit que du… jaune. L’essai des robes chez la couturière et le marché du matin, sont encore d’un grand secours pour dérouter un mari soupçonneux. Le bain est également un puissant auxiliaire, surtout pour la femme qui a besoin de sortir de bonne heure.

 

         Il y a quelques années, Mme D…, pour aller retrouver le courtaud de boutique avec lequel elle trompait son mari, excipait presque chaque martin du besoin d’aller prendre un bain.

 

         Plusieurs fois, M. D…, étonné de voir sa femme rester si longtemps absente, lui adressa des questions auxquelles elle répondait invariablement : « Je me suis endormie dans ma baignoire » ! ». Et le bon troyen hochait la tête en faisant observer qu’il était fort dangereux de s’endormir dans l’eau. Le pauvre homme ne se doutait guère que ces prétendus accès de sommeil étaient surtout dangereux pour lui !

 

         On ne s’imagine pas ce que les églises servent aux femmes épiées pour dépister ceux qui les filent : on pénètre par l’entrée du milieu et on ressort par une porte latérale et le tour est joué.

 

         Le « je rentrerai à pied » ne trompe aucun cocher de maison.

 

         Pour les maris joueurs et coureurs, la première précaution est de faire chambre à part, afin de dissimuler l’heure à laquelle ils rentrent. Mais, ce n’est pas toujours suffisant. Il est arrivé souvent à l’un de mes amis, ancien fonctionnaire, de jouer jusqu’à 8 et 9 heures du matin. A plusieurs reprises, il s’était trouvé nez à nez avec sa femme dans l’antichambre au moment où il rentrait. Lui aussi, les 2 ou 3 premières fois, répondait qu’il venait du bain, qu’ayant été agité toute la nuit et n’ayant pas fermé l’œil, il avait pensé qu’une douche le remettrait, etc… Mais un beau jour madame, dont la méfiance était éveillée, demanda à son mari, en le voyant rentrer : « Tu viens encore du bain mon ami ? », « Parfaitement, ma chérie, ça ne va pas du tout ». « Pauvre ami ! ». Et prenant câlinement le bras de monsieur, madame le conduisit malgré lui dans sa chambre où elle lui montra le lit qui n’était pas défait ! Tableau !

 

         Après les trucs des maris et femmes, quelques mots de ceux des amants.

 

         Le premier soin, pour réussir dans ce métier d’homme à bonnes fortunes, c’est d’avoir un pied à terre, dans une maison où se trouve une modiste, une couturière, une lingère achalandée. Il n’y a pas de surprise possible, les prétextes sont tout indiqués.

 

         Je sais un de mes plus intimes amis qui, ayant noué des relations avec la maîtresse d’un hôtel, n’avait rien trouvé de mieux que de descendre chez elle chaque fois qu’il désirait la voir. Voici comment il procédait : il glissait 2 chemises dans sa valise, montait à la gare dans une voiture du chemin de fer et se faisait conduire au susdit hôtel, où on le prenait pour un voyageur. Le patron, plein d’égard pour un client si fidèle, lui donnait autant que possible toujours la même chambre qui ouvrait précisément sur le même palier que l’appartement de la maîtresse de l’hôtel, une femme à la tenue correcte et à l’air digne !

 

         Le manège a duré longtemps et personne ne s’est douté du truc dans la maison de « la femme à la valise », comme disait mon intime ami ».

 


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