Le 24 janvier, l’armée coalisée parut devant Bar-sur-Aube, débouchant sur les routes de Clairvaux et Chaumont. L’armée française s’y trouvait alors, et un combat sanglant s’engagea entre les 2 armées, dans la plaine qui se trouve entre Bar et Lignol, près du pont Boudelin. On s’y battit avec acharnement pendant plusieurs heures. Le malheureux village de Fontaine souffrit considérablement dans cette action, ayant été pris et repris 3 fois. L’ennemi perdit beaucoup de monde, de notre côté la perte fut moindre. La nuit, à la faveur des ténèbres, l’armée française opéra sa retraite, en bon ordre.
Le 25 au matin, l’avant-garde de la grande armée autrichienne entra à Bar-sur-Aube par la porte Saint-Michel. A peine l’ennemi fut-il maître de cette ville, il se livra au pillage et aux excès les plus inouïs, « tant envers les vieillards qu’envers le sexe, et en général contre tous les habitants ». En un instant, ceux-ci se voient dépouillés de tout ce qu’ils possèdent. Ce qui n’était pas possible d’être emporté, comme les meubles et autres objets de prix ou non, était brisé et jeté au feu. Les habitants, horriblement maltraités, furent contraints de fournir à discrétion tout ce qu’exigeaient 18, 20, 25, 30 soldats, et souvent plus, que chacun avait en logement chez soi. Mais, ce qui servit à augmenter le désordre et les souffrances de l’habitant, c’est que dans un pays tel que Bar-sur-Aube et ses environs, où les caves se trouvaient remplies de vin, le soldat était presque toujours dans un état complet d’ivresse.
Personne n’osait sortir, sans être exposé à se voir dépouillé de ses habits au milieu des rues. Les femmes elles-mêmes couraient le même danger. Cela dura jusqu’au 26 février, c’est-à-dire pendant le temps de la première occupation.
Le matin du 28 février, les Autrichiens sont attaqués par l’armée française qui veut reprendre la ville. Bientôt, les rues sont inondées de sang et jonchées d’une multitude considérable d’armes, de shakos, de morts, de blessés et de mourants appartenant à l’ennemi. La ville est reprise et les Autrichiens en sont chassés. Mais l’ennemi revient à la charge avec plus d’acharnement, et cette malheureuse ville et ses infortunés habitants, tremblants, glacés d’effroi, sont encore de nouveau témoins des coups que frappe la mort au milieu de leurs rues déjà couvertes d’un grand nombre de ses victimes. Enfin, l’armée française se décide à la retraite, mais trahie, eut une perte considérable se 11 à 12.000 hommes, tués et blessés, puis elle se retire sur Vendeuvre et Troyes.
L’ennemi, de nouveau maître de Bar-sur-Aube, se livre à tous les excès de la rage qui l’enflamme, et un nouveau pillage recommence avec encore plus de fureur que la première fois. Ce qui restait encore fut pris, brisé ou brûlé. Les plus affreux traitements furent exercés par le soldat, à qui toute licence était donnée envers chaque habitant indistinctement. La rage du premier contre le sexe est difficile à peindre. Plusieurs vieillards de l’un et de l’autre furent horriblement maltraités. Il y en eut qui y succombèrent de suite, d’autres à peu de jours d’intervalle. Partout, on n’entendait que des cris s’échappant de l’intérieur des maisons, ou poussés au milieu même des rues par les personnes que l’avidité des vainqueurs dépouillait de leurs habits ou de leurs chaussures, pour peu que l’un ou l’autre leur parussent passables, et tout ne se passait pas sans la réitération des plus violents outrages, des plus cruelles vexations. Outre le pillage, le viol et l’incendie, le nombre des réquisitions frappées sur les comestibles, bestiaux, marchandises et denrées de différentes espèces, pendant tout le temps que cette ville porta le joug des alliés, est tellement considérable, qu’il a été impossible à l’administration d’en faire l’évaluation.
L’église Saint-Pierre fut convertie en magasin à fourrage. La mairie, le tribunal, le collège, l’hospice civil ou maisons des dames hospitalières et plusieurs maisons bourgeoises furent aussi convertis en hôpitaux militaires, qui tous étaient encombrés de malades, de blessés gisant sans couvertures sur une poignée de paille.
Après les différents combats qui se livrèrent à Bar-sur-Aube et dans ses environs, le nombre des morts était si considérable et celui des habitants si petits, que l’administration ne put s’occuper de leur inhumation, et se vit forcée de les laisser sur la terre. Mais le soleil d’avril dardant pendant une grande partie de ce mois, et ses rayons étant déjà très chauds, il en résulta que les cadavres, dont plusieurs restèrent 3 mois privés de sépulture, répandaient une odeur horriblement infecte, en sorte que le maire n’eut d’autre ressource que celle de recourir à l’usage des anciens, en les faisant livrer aux flammes. Il voulut, avec raison, prévenir par ce moyen les dangers qu’il prévoyait devoir résulter, vu leur extrême putréfaction, du dépôt de ces corps dans de grandes et larges fosses, comme cela se pratique en pareil cas. Cette opération était trop tardive. Le séjour prolongé de cette multitude de cadavres sur la surface du sol, les miasmes morbifiques, qui sans cesse s’en exhalaient, reçus et charriés par l’air, causèrent bientôt une meurtrière épidémie, qui, aux suites terribles des mauvais traitements auxquels les malheureux habitants avaient été en proie pendant tout le temps de l’occupation « moissonna en peu de temps la partie la plus forte, la plus robuste, comme la plus précieuse de la population ».
Cette ville, qui comptait 3.800 à 4.000 âmes, en perdit, depuis le mois de mai jusqu’à la fin décembre, environ 660. Plusieurs autres disparurent, sans que depuis on ait pu savoir ce qu’elles sont devenues.
Bar-sur-Aube a perdu, par le seul fait de l’ennemi, 5 maisons incendiées, et plusieurs autres démolies, desquelles les bois ont été brûlés par l’étranger.
Tel fut le début des alliés en entrant dans notre département.
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