Le Sport à Troyes



Les Régates de St Julien 


En 1864, M. Marcel Le Brun, secrétaire de la Société Nautique Troyenne(S.N.T.) écrit : « Dira-t-on qu’il est plus facile de trouver aux environs de Troyes un lieu de régates qu’un champ de courses ? Non, mille fois non. Est-ce que dans la Champagne, ce n’est pas le coteau qui s’efface et la plaine qui domine, et si l’eau n’y manque pas plus que les prés, c’est justement parce qu’elle est trop divisée qu’elle n’offre aux amateurs de canotage qu’un espace trop restreint, en quelque sorte inaccessible aux courses nautiques ».

 

         Il lui fallait pourtant sa fête, à cette jeune Société, et la Seine de Saint-Julien, si belle et si ombragée qu’elle soit, lui paraissait encore trop resserrée pour des régates. Où aller ? Le temps pressait et 1 mois à peine restait pour les préparatifs. Aussi, sans plus chercher, les canotiers décidèrent-ils, à l’unanimité, que, faute de mieux, ils choisissaient Saint-Julien et qu’ils auraient des régates le jour de la fête patronale du pays.

 

         Ils auraient dû s’y prendre plus tôt, s’empressèrent de dire quelques critiques sourcilleux et peu favorables aux plaisirs de la jeunesse, sans savoir que cette Société, fondée le 13 mars 1864, n’avait pu recevoir son autorisation que le 14 juillet suivant.

 

         C’était merveille d’avoir été servi aussi vite, puisque l’éternelle  devise des administrations, c’est d’aller lentement pour arriver sûrement. M. Isidore Salles, l’aimable préfet de l’Aube, avait bien voulu s’intéresser à cette Société et abréger en sa faveur les lenteurs ordinaires, et comme il aime les jeunes gens, il avait promis tout son concours, et sa bienveillance ne s’est jamais démentie.

 

         Enfin, les régates sont annoncées. D’immenses affiches tapissent les murs de la ville et des villages voisins.  Que c’est tard, répète-t-on partout en chœur ! A qui la faute ? Messieurs du Jockey-Club de Troyes les distancent et prennent leur jour et leur beau temps, et ne laissent que le 4 septembre et la pluie.

 

         Le jour des régates arrive enfin, mais les sportifs sont à bout de forces, ayant tout donné sans compter. Il avait fallu arrêter un règlement, s’assurer de recettes, faire imprimer et poser des affiches, organiser une tribune, courir de Troyes à Saint-Julien et de Saint-Julien à Troyes, puis aller plusieurs fois du baromètre au temps dont les nuages sombres et lourds planaient comme une menace incessante sur leurs têtes ! Lorsque tout fut prêt, la pluie se mit de la fête et cela dura 3 jours.

 

 Marcel Le Brun, secrétaire de la Société Nautique Troyenne écrit :  « Lorsque le dimanche 4 septembre commença à luire, je me trompe, à paraître, triste, humide et délavé. Décidément ce n’était pas une fête nautique, mais aquatique que nous allions avoir ! La matinée, quoique très chaude, avait été passable, lorsqu’au moment du départ des canots, un violent orage vint ouvrir toutes les cataractes du ciel. Nous lui tînmes  héroïquement tête, croyant bien, pour cette fois, que c’en était fini de notre fête et qu’elle était tombée à l’eau. Cependant, le ciel se rasséréna, le soleil reparut, et vint nous sécher. Les spectateurs commencèrent à se montrer, si bien qu’à 4 heures, nos 3 présidents d’honneur (M. Isidore Salles, préfet de l’Aube, M. Argence, maire de Troyes et M. Mathieu, maire de Saint-Julien) étaient à la tribune, ainsi que M. Isidore Salles, les membres honoraires de notre Société et une foule aussi brillante que choisie. Nos banquettes n’avaient pas trop souffert, nous avions voulu les préserver contre les ardeurs du soleil, et il se trouvait qu’elles avaient été protégées contre les outrages de la pluie ».

 

M. le Préfet donne le signal, et à quatre heures et demie se mettent en rang les 3 embarcations : << « Espérance », à M. Couvreux, « Frisette », à M. Henri Régnier, « Moi », à M. Marcel Le Brun. Les eaux bouillonnent, « Moi » prend sa distance, « Espérance » vient ensuite, « Frisette » prend son temps et passe sans obstacle. « Espérance » va dépasser le « Moi », mais un de ses systèmes se déplace et, pour 1 seconde de retard, il perd 2 ou 3 longueurs. Enfin, au second virage, « Moi » passe premier, « Espérance » sous le pont, regagne du terrain, et à l’arrivée, il ne s’en faut pas d’une demi-longueur de canot que « Moi » ne soit ex aequo. Mais enfin, il est acclamé et il hisse son pavillon au milieu des applaudissements du public >>.

 

Ensuite, les yoles de course se présentent : « Léda », « Tic-Tac » et « Fantine ». « Pendant quelque temps, elles marchent de front, Tic-Tac arrive premier avec une avance considérable ayant fait sa course en 8 minutes et demie ».    

 

Reste la course des périssoires : 7 concurrents. L’embarcation est composée de 2 planches en sapin au fond et de 2 autres planches en peuplier sur les côtés, qui se terminent en pointe. Resserré par l’exiguïté de l’esquif, le canotier doit manœuvrer avec une extrême attention. Ses mouvements, s’ils ne sont égaux, le font aussitôt chavirer. Les concurrents étaient : l’« Oiseau vert », « Passe Partout », « Trop tard », « Ohé Lambert », « Pharaon », « Gare l’Eau » et « La Moscha ». « Trop Tard » ne justifie pas son nom, il arrive 1er ! « La Moscha » et « Passe Partout » avaient chaviré.

 

Enfin, les fanfares retentissent et les prix sont proclamés et décernés par M. le Préfet.

 

Les régates terminées, les canots sont ensuite promenés triomphalement sur la Seine, musique en tête et ayant pour escorte d’honneur toutes les embarcations étrangères à la Société Nautique. « Lorsque la nuit fut arrivée, on vit la Seine décorée d’une multitude de banderoles de feu, et les canots illuminés de lanternes de couleurs, circulant en tous sens avec des chants et des rires joyeux comme les gondoles de Venise le jour de la Saint-Marc.

 

Le lendemain, la presse écrit : « Enfin, peu à peu, les illuminations s’éteignirent, les chants cessèrent, les barques disparurent, la nuit repris son empire, et à 11 h, les passants attardés qui regagnaient leurs gites, n’auraient pu soupçonner, en côtoyant la Seine, qu’elle venait d’être l’étincelant théâtre d’une fête si bruyante et si animée ».

 



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