Epidémies



La Peste


La peste apparaît à Troyes en  540  et 599-600. 15 % des habitants trouvent la mort. C’est la première pandémie, qui pendant trois siècles, va décimer une partie de notre population.

La peste sévit à nouveau à Troyes en 660 et en 833. Le malade ne peut supporter ce fléau que pendant quelques jours. Ceux qui administrent des secours aux malades, sont victimes de leur dévouement. Les prêtres, pendant l’administration des sacrements, sont saisis de la peste. Les vêtements sont considérés comme infectés, et tout le mobilier est suspect.   

En 945, 1089, 1346, 1351, 1400 : " la peste fait de grands ravages, beaucoup de gens sont intérieurement consumés par le feu sacré. Ils tombent en pourriture, leurs entrailles deviennent noires comme des charbons, ils meurent ou ils vivent après avoir perdu les pieds et les mains. La lividité du visage annonce un prochain trépas ".

La lèpre rapportée par les croisés à leur retour de Palestine, fin du XI°siècle, provoque à Troyes, la fondation d’une léproserie.

De 1347 à 1352, en 5 ans, la peste tue 23.840.000 individus, soit environ la moitié de la population de l’Europe, le tiers de la population du monde. Il y a 50.000 morts à Paris dont la reine.

En raison de la peste, le 4 septembre 1432, l’exécuteur de la haute justice de Troyes, tue tous les chiens, et les mendiants sont expulsés de la ville.

En 1445, l’épidémie tue 17 conseillers municipaux sur 36 !

On la retrouve en 1467,1469.

En 1478 entre Pâques et Noël, plus de 2.000 personnes périssent de cette épidémie.

De 1480 à 1482, par la peste, une partie de la population est frappée de mort, une autre quitte la ville. L’on dit à cette époque "Troyes se dépopule".

En 1489, le maire de Troyes ferme les écoles car la peste et la syphilis sont dans toute leur force épidémique.

De 1491 à 1499, la peste frappe avec force, les écoles sont fermées pendant plusieurs mois. Le Maire prend des mesures draconiennes. Par exemple, une mère de famille, après avoir vu mourir son mari et ses six enfants, est contrainte d’abandonner sa maison, et pour la forcer, on enlève la toiture, on brûle ses habits et ses meubles, et, le peu de biens qui lui reste, elle ne peut les vendre, car ils ont appartenu à des pestiférés.

Un habitant remplit pour sa femme morte de la peste, les fonctions de fossoyeur. Il charge le cadavre sur ses épaules, et va le mettre au cimetière.

Des scènes étranges ont lieu chaque jour. Les sacards et corbeaux, " hommes de la lie de la population ", en opérant le transport des malades ou des morts, dérobent les linges, les hardes, les meubles des pestiférés qu'ils portent à la maison des champs, dans les tours ou aux cimetières. Ces gens se livraient à toutes sortes d'excès et à de repoussantes orgies.

En 1494-1495, 37 familles d’artisans, dont 17 de tisserands sont décimées. On met le feu aux habitations où sont morts des pestiférés. Les chefs de famille perdent en quelques jours de nombreux enfants, et ils ne trouvent de soulagement et de consolation que dans l'espérance d'une mort prochaine. Des familles disparaissent entièrement. Des maisons deviennent vides d'habitants... Les cérémonies funèbres sont interdites, et chaque victime de la peste ne reçoit, en quittant ce bas monde, que de courtes prières. Les inhumations se font pendant la nuit. Une grande fosse, toujours béante, est ouverte dans le cimetière de Notre-Dame-aux-Nonnains. Au cimetière de l'église Saint-Gilles, se passe une scène : après un séjour prolongé dans la terre, un cadavre y est déterré par des chiens qui le mettent en lambeaux... La maladie se " fait voir par des bosses qui se développent aux aines et aux aisselles...  les cuisses se dessèchent comme si elles étaient flétries par un souffle brûlant, et la mort arrive... Les grandes chaleurs et la malpropreté sont considérées comme des causes qui agissent sur le développement des influences pestilentielles. On ordonne le nettoyage des rues et l'enlèvement des fumiers qui y séjournent. On défend l'entretien en ville des porcs, des lapins et des volailles qui vicient l'air..."

En octobre 1517, la peste fait à Troyes une nouvelle apparition. " Elle prend domicile, pendant les premiers jours, dans les quartiers bas, humides et sales. C'est là qu'elle va trouver des victimes désignées à ses premiers coups par la misère, souvent par l'inconduite et l'immoralité. L'apparition du fléau jette l'effroi, la vue des malades, devenus noirs et livides, en conservant un souffle de vie, se torturant sous la douleur, rejetant par des plaies aux lèvres purulentes des liquides puants et nauséabonds, la seule vue des malades jette le trouble parmi la population"

Fin 1518, le danger paraît s’éloigner : le maire fait enlever du haut des portes et du sommet des clochers, le drapeau noir annonçant aux voyageurs qu’ils ne doivent pas s’approcher. Mais, dès le printemps 1519, la ville est de nouveau atteinte par la maladie.

En 1523, les pestiférés sont enterrés la nuit, chaque porteur est muni d’une clochette. Un cheval et une charrette, garnis aussi de clochettes et de cymbales, conduisent les malades à l’extérieur de Troyes.

En 1530, la peste est à Saint-Mards. De ce pays, il vint à Troyes un homme et trois femmes pour y vendre, moyennannt quelques sous, des hardes et du vieux linge. Ces braves gens se mirent en quête de se débarrasser de leurs marchandises. mais bientôt on en sut la provenance. On les arrêta aussitôt. L'homme fut enfermé dans la tour Charlemagne et les femmes dans la tour Barbazan. Tous quatre furent livrés à M. le Prévôt. Pendant l'instruction, l'homme parvint à s'évader. Les femmes furent condamnées à être attachées à une charrette, conduite  dans les rues et carrefours de Troyes, pour y être fouettées publiquement par le fermier des menues amendes et par l'exécuteur des hautes oeuvres. L'autorité municipale paya 10 sous à ceux qui appliquèrent la peine du fouet aux patientes " pour aller boire un verre " avant de les fustiger, et M. Michault, " exécuteur des hautes oeuvres et haut encordeur ", reçut 40 sous " pour les avoir bien fouettées ".

En 1544, un cas de peste atteint un enfant des époux Véron. Aussitôt on vide la maison de tous les meubles qui sont brûlés en rase campagne. La maison est fermée et ses habitants expulsés de la ville et contraints d'aller vivre aux champs pendant plusieurs mois.

L'année 1562 est la première d'une autre période de calamité publique, occasionnée par la peste, trop souvent accompagnée des troubles civils et religieux. Cette même année commence une nouvelle ère pour le service des secours publics administrés aux pestiférés.  La ville organise une commission nommée " Bureau de la Santé ".Cette commission a dans ses attributions le service des secours et celui de la salubrité publique de la ville.

La ville a toujours ses deux maisons de secours, l'une aux champs, et l'autre en ville. On observe que la première est trop éloignée, que l'on ne peut y parvenir pendant l'hiver à cause des grandes eaux. On décide que l'on fera une chaussée pour y parvenir. Mais bientôt le conseil juge plus convenable de prendre le prieuré de Saint-Jean-en-Châtel " qui est en bel air, et voisin de la maison de ville où sont les pestiférés", pour y mettre les malades, " ceux-ci étant dans les anciennes maisons contraints de loger et de coucher à la pluie et au vent, par l'affluence des malades qui arrivent d'heure en heure ".

En juin 1575, la peste reparaît à Troyes. Elle s'y déclare par des tumeurs qui amènent la mort après une attaque de moins de 24 heures. On enterre les morts pendant la nuit. Ceux qui guérissent sont envoyés à la campagne pendant plusieurs semaines, pour éviter tout contact avec les habitants non frappés par le fléau. Leurs vêtements sont brûlés et remplacés par des neufs.

L’épidémie sévit avec force en 1580. " Les malades guéris portent pendant 40 jours une verge blanche, et ne conversent avec les personnes en bonne santé, qu’en se plaçant à distance et sous le vent ". Des processions et des prières publiques sont ordonnées. On interdit aux habitants de Troyes d'aller aux pays infestés, et aux messagers de se rendre à Paris et de conduire ni voyageurs, ni marchandises des contrées frappées de la peste. Les habitants de Troyes ne peuvent rentrer en ville " s'ils ne se sont pas aérés au moins 8 jours aux champs ". Les barrières de la ville sont fermées, les hommes de fer y sont de garde et y demeurent " sans bouger ". Les vagabonds, les fainéants, les gens sans aveu sont, comme toujours, expulsés de la ville. Ces dispositions règlementaires doivent être exécutées " sur peine de la vie ".

Pendant l'été 1581, l'épidémie sévit avec force. La banlieue de Troyes envoie médecins, chirurgiens, barbiers, sacards et corbeaux (agents qui sont infirmiers et croquemorts), pour donner des soins aux pauvres malades, les ensevelir et les mettre en terre. Un règlement du bailliage de Troyes enjoint aux seigneurs temporels d'employer les moyens propres à prévenir les dangers de la peste, en se pourvoyant de médecins, de chirurgiens, et de gens destinés à soigner les malades et les ensevelir. Dans chaque village, il doit y avoir un homme chargé de porter des vivres près de la maison du malade. Ces vivres sont pris par les habitants de la maison ou par le malade lui-même, si personne ne l'assiste. Celui qui porte ces vivres a soin de crier à son approche pour faire retirer chacun chez soi. Ceux qui ont communiqué avec les malades doivent rentrer en leur maison et ne plus en sortir, " à moins qu'ils ne se retirent aux champs en logettes " pour y rester 40 jours, pendant lesquels un individu leur porte des vivres comme aux malades.

Les seigneurs sont obligés de subvenir, à leurs frais, aux besoins des pauvres malades. Ils veillent à l’administration des sacrements. Les malades guéris portent pendant 40 jours une verge blanche, et ne conversent avec les personnes en santé qu’en se plaçant à distance et sous le vent.

Sur la demande de quelques uns, les habitants des villages sont autorisés à tuer ou faire tuer les chiens, les chats et les volailles appartenant aux maisons où il y a eu des personnes frappées de la peste.

A la campagne, les soins donnés aux malades sont presque nuls. La peste y inspire encore une terreur plus grande qu’à la ville. Quelle que fût la somme offerte par le seigneur de Souligny pour mettre en terre un pestiféré, celui-ci demeura, après sa mort, plus de 15 jours sur son grabat !

En 1582, aucun ne peut être enterré avec pompe de jour ou de nuit, et sans que les commissaires de la santé ne soient avertis, à peine de 100 écus d’amende contre les curés, marguilliers, sonneurs. L’inventaire des meubles, papiers, linge et hardes, ne doit être fait, ainsi que la vente, que 3 mois avant le décès. Sous les mêmes peines, il est défendu de jeter les meubles et linges des pestiférés dans la rivière. Ces objets doivent être remis au sacard, qui les prend au-devant de la maison des pestiférés, où ils doivent être disposés, et qui les brûle.

L'épidémie qui frappe la ville de 1580 à 1586, laisse de profondes traces dans la population troyenne qu'elle décime.

Les quêtes pour les pestiférés  se continuent dans les églises de Troyes jusqu'à la fin du siècle.

L'année 1596 voit encore la peste dans les murs de Troyes, où elle sévit avec la plus grande force. Cette épidémie dure 4 ans.

       En 1599, on compte encore 90 malades de la peste.

En mai 1606, la peste reparaît à Troyes. Elle se déclare dans les endroits " occupés par de pauvres gens qui n'ont moyen de vivre."

Comme mesure préservatrice, on recommande aux habitants " de brûler des herbes ou des bois odoriférants au moins une fois chaque semaine, tant au-dedans qu'au-devant de leurs maisons ". C'était un moyen en usage dans l'ancienne Grèce. On voit circuler les uns et les autres, munis, qui d'un bouquet de serpolet, qui d'une poignée de sauge, de menthe, de rhue, de romarin ou de pierres précieuses, et de talismans formés de certaines compositions, auxquelles on accordait la vertu de détruire l'influence fâcheuse de la peste.

De 1619 à 1624, le fléau ravage la ville de Troyes et les environs, surtout la vallée de la Seine. On constate une grande mortalité à Bar-sur-Seine, à Mussy et à Chaource.

Auprintemps 1632, une maladie contagieuse enlève 4 à 5.000 personnes, et en 1635, 2.500. Les pestiférés doivent être enfermés, et si l’on en rencontre un seul dehors, on tire dessus à l’arquebuse ! 

Les pères capucins sont chargés de la visite et de l'assistance des malades, aux frais des curés des paroisses.

En 1708, il y a 2.000 décès (principalement dus au scorbut) et une grande quantité de bestiaux meurent.

En1714, une épizootie enlève la plupart des bestiaux et ranime la dévotion à Saint-Roch avec processions générales, pour apaiser la colère de Dieu. Le roi envoie à Troyes un médecin et un chirurgien avec des remèdes.

En 1723, le 28 février, par ordre du Roi, on chante un Te Deum, et on fait des feux de joie, en réjouissance de la délivrance de la contagion.

En1814, il y a déjà une épidémie de "  vache folle ". " Tous les bestiaux abattus chez les bouchers, et toutes les viandes exposées en vente, non abattues à la Turie, seront jetées dans la fosse ".

En septembre 1822, pour éviter de contracter la rage, les propriétaires doivent enfermer leurs chiens, sinon, " ils seront abattus et enfouis ".

De 1820 à 1830,la maladie de la pierre tue à elle seule, uniquement à l’hôpital, une moyenne de 1 228 troyens par an

En 1832, 825 décès sont dus au choléra en quelques mois.

En 1849, 1.042 troyens meurent d’un choléra nostra.

En 1857, T. Boutiot écrit : " malgré les tourmentes révolutionnaires du XIX° siècle, malgré les crises sociales et politiques auxquelles nous avons assisté, malgré toute la misère qui peut nous frapper encore, aucun de nos contemporains n'a assisté et n'assistera, en France, aux scènes si tristes que, sans artifice de langage, nous venons d'exposer. Et, quels que soient les malheurs que Dieu nous réserve, aucune calamité publique n'égalera, en durée comme en profondeur, celles que subirent nos aïeux des XV° et XVI° siècles ".

      

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