Religion



Les Huguenots et la Réforme à Troyes


Vers 1520, commencent à se faire sentir les premiers actes de répression, contre la réforme.    

 

Le samedi 3 août 1521 il est publié que tous les libraires, imprimeurs et autres gens qui ont en leur possession des livres de Luther les apportent, dans la huitaine sous peine de 100 livres d’amende et de prison.

 

Malgré cela, le diocèse de Troyes commence à être infesté de la nouvelle doctrine de Luther dont les livres se répandent énormément. Le zèle de notre évêque Parvi (1517-1527), confesseur du roi François 1er, dominicain, inquisiteur de la foi se ranime : il envoie à tous ses curés une instruction pastorale « pour les exhorter à veiller sur leurs ouailles et à leur ôter les livres qui contiennent les erreurs du luthéranisme... Ces erreurs se dissipèrent et le diocèse en fut préservé ».

 

En 1539, arrive à Troyes, en qualité de professeur de la grande école ou du collège, un jeune flamand nommé Stiecler, apportant, dans son bagage de professeur, quelques ouvrages sur la réforme. Des poursuites ayant été dirigées contre un autre jeune homme partisan des doctrines réformistes, Stiecler, ne se croyant plus en sûreté à Troyes, se rend à Paris.

 

En 1541, un jeune clerc, Dubec, natif des Essarts, dépendant du diocèse de Troyes, jette le froc aux orties et se lie avec les réformés. Il est arrêté et poursuivi. Sa dégradation comme ecclésiastique a lieu de 19 octobre. Tondu et habillé en fou, le 18 juillet 1542, son corps est livré au feu sur la place de l’Etape-au-Vin (place Audiffred), après avoir été étranglé.

 

Le 18 octobre 1546 a lieu, à Troyes, la deuxième exécution capitale pour profession des doctrines de Luther. Macé Moreau, libraire à Troyes, fait le voyage de Genève et en rapporte des ouvrages favorables à la réforme. Il est condamné à être brûlé pour crime d’hérésie. Il subit sa peine sur la place Saint-Pierre de Troyes.

 

La propagande luthérienne est grande dans le diocèse.  Elle n’exerce pas seulement son influence sur la classe des artisans, mais bien aussi sur la bourgeoisie. Les habitants de la contrée d’Othe, surtout, accueillent les nouvelles idées avec faveur.   

 

Notre évêque Caracciole (1550-1562), qui a du talent pour la chaire, avance dans ses sermons quelques propositions luthériennes qui scandalisent ses auditeurs. Il en est repris, et menacé d’interdit. Le peuple se soulève, et les magistrats font au prélat de vives remontrances. Il promet de se rétracter et affecte du zèle pour la religion catholique, mais il n’est pas sincère : loin d’empêcher le calvinisme de pénétrer dans Troyes, il le favorise, s’en rend l’apôtre et le défenseur. Passant par Genève où il séjourne quelque temps, il fait la connaissance de Calvin et Bèze, théologien protestant, tous deux chefs du parti huguenot (en raison de l'émigration massive des protestants français, le mot huguenot est connu internationalement pour signifier « protestant français »), il se confirme dans ses opinions erronées, et promet de se déclarer pour la nouvelle religion. Le nombre des calvinistes augmente de jour en jour, et leur retraite est dans la rue Moyenne, qui, pour cette raison, est alors appelée «  la Petite Genève ». Les Calvinistes prêchent publiquement et font des baptêmes et des mariages. Un moine, nommé Robin, sort du couvent de la trinité, prend une fille « qu’il a déjà connue, la conduit par les rues comme un triomphe, l’amène au prêche, où ils se marient comme Calvinistes ». Notre prélat se déclare alors ouvertement pour la religion réformée. Il se fait à nouveau ordonner dans une assemblée de Calvinistes.

 

Afin de prévenir des séditions, on fait garder la ville par 300 hommes. Ils font des recherches dans les maisons des hérétiques, à qui ils ôtent les armes, en emprisonnent plusieurs, et brûlent beaucoup de leurs livres. Le peuple était si fort animé contre eux, qu’une femme arrivée de Genève, n’ayant pas voulu fléchir le genou devant l’église de Notre-Dame, est assommée sur le champ et jetée dans la rivière sur le pont de la Salle.

 

Les soldats de la garde, « emportés par une fougue impétueuse », exercent contre les Huguenots de la ville et de la campagne, les plus grandes violences. A la vue de tant de cruautés, ces religionnaires sortent éperdus de Troyes avec leurs femmes et leurs enfants, et emmènent avec eux une grande partie de leurs effets. Ils se retirent à Bar-sur-Seine, et là, pour se venger de ce qu’on leur a fait souffrir à Troyes, ils se saisissent du château et des munitions de guerre, pillent les églises et causent dans la ville et les environs les plus étranges ravages.

 

En 1556, il y eut une émigration de Troyens pour Genève.

 

En 1559, les nouvelles idées religieuses font de rapides progrès, et le martyrologue de la réforme s’augmente, chaque année, de nouveaux noms. D’une part, la ville de Troyes est abandonnée par un grand nombre de familles qui ne s’y croient plus en sûreté, d’autre part, elle est fréquentée par des adeptes  de la nouvelle croyance, venant de Genève. Troyes parait être alors un gîte, une station pour les réformés venant de Paris et allant à Genève et vice-versa.

 

Les processions sont souvent l’occasion de troubles. Les huguenots (l’emploi de ce nom commence à se répandre) les voient toujours avec peine. Le 27 avril 1560, celle de St-Jean, passant dans la rue Moyenne (la petite Genève), il y a tumulte, jet de pierres. Quelques maisons sont assaillies et envahies. Un coup de feu est tiré sur un individu armé d’une épée, qui veut entrer dans son habitation et qui est tué. Ce coup de feu disperse la foule. On aurait reconnu dans cette scène quelques provocations provenant d’un membre trop zélé du clergé. La justice informa, mais l’affaire n’eut pas de suite.

 

Les réformés de Troyes, dans le cours de 1561, ont 2 pasteurs. Ils réunissent leurs adhérents d’abord dans le voisinage de l’église de Saint-Pantaléon. Mais les partisans augmentant avec rapidité,  un emplacement plus vaste est trouvé dans la rue du Temple. Des réunions se tiennent aussi dans la Corterie (rue Jaillant Deschainets), dans la rue du Bourg neuf (rue du Palais de Justice), dans une maison occupée aujourd’hui par le Palais de Justice. Ces maisons sont converties en temple, et on y célèbre des baptêmes et des mariages. Aux prêches, l’assistance est nombreuse.

 

Le 21 novembre 1561, il est défendu en ville, avec grande publicité, de faire usage des épithètes de papistes et de huguenots. L’autorité menace de la peine de la corde ceux qui conviendraient à cette ordonnance.

 

Le 26 janvier 1563, les huguenots prennent Bar-sur-Seine, y tuent quelques habitants et enlèvent du butin qu’ils conduisent à Tanlay. A la suite de ces faits, de nouveaux meurtres sont commis à Troyes sur des réformés, et plusieurs quittent la ville.

 

Après la paix d’Amboise (traité signé le 19 mars 1563 par Louis de Condé chef des protestants, et Anne de Montmorency, chef de l'armée catholique), les protestants de la contrée jouissent de quelque tranquillité. Deux pasteurs vont s’installer à Séant-en-Othe, où ils célèbrent leur culte. Le 30 avril, un consistoire est établi dans ce lieu et des diacres y sont installés pour le service du culte.

 

Antoine de Menisson, écuyer du prince de Condé, seigneur de St-Pouange et de Souleaux, s’est rendu, dans l’intérêt de la région réformée, acquéreur des seigneuries de la Motte-Puiseaux, de partie de St-Aventin-sous-Verrières,  de partie de celle de Vendeuvre (le château et la ferme des Epoisses), le seigneuries de Preize, des Tauxelles, de la Vacherie, de la Moline, du petit St-Jacques, du Labourat, du Pré l’Evêque, de la moitié de la seigneurie de Lusigny, de Montiéramey, de Montreuil, de Mesnil-St-Père, de Villy-en-Trodes, de Courteranges et autres dépendant de Lusigny. Ces acquisitions sont faites dans le but d’y faire professer la religion réformée selon l’édit du roi. Afin que la justice royale soit instruite de sa volonté, Antoine Ménisson fait signer au procureur du roi les noms de ses seigneuries et ses intentions formelles d’y faire célébrer le nouveau culte. Le conseil de ville de Troyes s’efforce d’empêcher Antoine Ménisson de faire pratiquer la nouvelle religion dans ses seigneuries, dont le plus grand nombre sont situées aux portes de la ville.

 

En 1566, quelques violences sont commises par les protestants, dans les environs de Nogent. M. de Besancourt, qui habite La Saulsotte, après avoir frappé le curé de ce village et d’autres ecclésiastiques, les met hors de leurs maisons, s’empare de leurs revenus et de leurs héritages.

 

Raguier, seigneur d’Esternay, de la Motte-Tilly, Courceroy, Soligny… établit des écoles de la religion réformée dans les presbytères de ses seigneuries.

 

Au printemps 1567, « des prêches et des conventicules (petite asemblée) » se tiennent à Troyes. Il est constaté judiciairement qu’une quarantaine de protestants les fréquentent.

 

En 1568, après la publication de la paix de Longjumeau (signée le 23 mars), un certain nombre de protestants essaient de rentrer à Troyes. D’autres s’en rapprochent en prenant leur résidence dans les villages voisins. Le 30 mai, quelques-uns des soldats du seigneur d’Apremont sortent de Troyes et se dirigent vers Montgueux, où est venue se fixer une famille de réformés sortant de Saint-Mards-en-Othe. Dans la plaine, ils rencontrent un groupe d’arquebusiers, appartenant à la réforme. Il y a combat et 2 des soldats sont tués. Cette rencontre, bientôt connue à Troyes, y jette la plus vive émotion. Les soldats d’Apremont parcourent les rues et se saisissent d’un certain nombre de réformés. Ils les enferment d’abord dans la halle aux cuirs, qui leur sert de corps-de-garde, puis ils les conduisent aux prisons royales. Des maisons sont pillées, des hommes et des femmes sont tués, puis jetés à l’eau. Non contents de ces meurtres, ces soldats, ivres de sang,  se portent aux prisons, tentent de les forcer en enfonçant les portes à l’aide de poutres. Mais une pluie torrentielle les dissipe, et, grâce à cette circonstance, les prisonniers échappent à de nouvelles violences et sans doute à la mort. Néanmoins, de 20 à 25 hommes ou femmes trouvent la mort.

 

Le 27 août 1572, le massacre des protestants commence à Troyes. Les arrestations, les visites domiciliaires, les assassinats particuliers sont couronnés le 4 septembre, par cet égorgement épouvantable. Voir le chapitre « Massacres de la Saint-Barthelemy à Troyes ».

 

Dans le traité de paix publié à Troyes le 16 mai 1576, les calvinistes sont plus favorisés que les catholiques. Le culte réformé est autorisé à être exercé publiquement par tout le royaume. Les prêtres et les religieux mariés ne doivent plus  être inquiétés, et ils peuvent faire légitimer leurs enfants. Les biens confisqués sur les réformés seront restitués.

 

L’Edit de Nantes (13 avril 1598) a alors seul le pouvoir de ramener la tranquillité

 

En août 1627, recommencent des  troubles provoqués par la rébellion de M. le comte de Soubise, ligué avec les protestants.

 

En 1630, le chapitre de Saint-Pierre s’inquiète : le protestantisme se développe dans le diocèse. A Trouan-le-Grand, un seigneur prétend s’y établir et y introduire l’hérésie. On signale des hérétiques dans les environs de Margerie. Ces faits sont imputés à l’évêque René de Breslay (1604-1641) qui ne réside pas et ne visite guère son diocèse.

 

Le clergé de Troyes obtient un arrêt du Conseil du roi, en juin 1634, contre le pasteur de Saint-Mards-en-Othe, Sigisbert Alépée, qui est sommé d’abandonner son poste, parce qu’il est d’origine allemande : les habitants devant se pourvoir d’un ministre français. Mais, il n’abandonne pas Saint-Mards, et il occupe encore son poste en 1663.

 

En 1644, des garnisons avaient amené à Troyes des ministres de la religion réformée, qui voulaient « dogmatiser publiquement en ville ». L’évêque François Malier (1641-1678) fut prié d’empêcher ces prédications.

 

La révocation de l’Edit de Nantes du  18 octobre 1685 apporte une grande perturbation. Des abjurations ont lieu, le temple de Saint-Mards est démoli, les religionnaires sont dispersés. Une expédition en règle a lieu dans la forêt d’Othe par un conseiller de l’élection accompagné de 17 archers de la maréchaussée et de 18 archers de robe courte. Le 18 novembre, ce détachement est à Dierrey-Saint-Julien, où il reste encore une quinzaine de réformés. Ceux-ci sont pressés d’abjurer. Ils résistent d’abord, leurs livres sont brûlés. Ils demandent qu’il leur soit accordé l’autorisation de communier sous les 2 espèces, ils éprouvent un refus. Pressés de nouveau, ils abjurent publiquement, en l’église et en présence d’un délégué de l’élection. L’expédition continue dans les environs pendant plusieurs jours.

 

A Aix-en-Othe, il y a des abjurations, ainsi qu’à Rosnay et dans les environs. Il y a des protestants à Vendeuvre-sur-Barse, à Champ-sur-Barse, à Spoy. Il y a des violences exercées à cette occasion à Vendeuvre. Un homme y est tué pour avoir dénoncé un protestant.

 

Beaucoup de protestants résistèrent à l’exécution de l’édit royal. Troyes perdit un certain nombre d’habitants.

 


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