Archéologie



Trésor de Pouan-les-Vallées


Avant d’écrire ce chapitre, j’ai voulu revoir ce magnifique « trésor », pièce maîtresse du Musée de Troyes. Mon amie Chantal Rouquet, directrice des Musées, me l’a fait redécouvrir, dans le sous-sol de l’ancienne abbaye Saint-Loup, confirmant sur ma demande, que les vitrines étaient blindées et qu’il y avait toute sécurité.

 

Si Pouan, paisible village de la vallée de l’Aube jouit d’un prestige certain dans les milieux archéologiques, il le doit essentiellement à la découverte faite sur son territoire en 1842, d’une sépulture princière du V° siècle.

 

Le 22 août 1841, un manouvrier dénommé Jean-Baptiste Buttat, mettait au jour en extrayant de la grève, à 400 mètres environ du village à l’est, une sépulture dont le riche et remarquable mobilier est désigné sous le nom de « Trésor de Pouan ».

 

M. Corrard de Breban (le 14 avril 1982, j’ai voté avec le Conseil Municipal pour que le nom d’une rue de Troyes lui soit attribué), président honoraire du tribunal civil de Troyes, correspondant du Ministère de l’Instruction publique pour les travaux historiques, membre résident et ancien président de la Société Académique de l’Aube, ancien membre du Conseil Général du département, relate le premier la découverte de ce « Trésor ».

 

M. Achille Peigné-Delacourt (né à Troyes le 5 août 1797), voit en 1853 « ce riche écrin, lors d’une séance du congrès archéologique de Troyes.  Il est frappé de l’analogie de ces pièces, tant au travail artistique, qu’à leur mode d’ornementation par des verres de couleur encloisonnés, et de ceux de Tolède, Envermeu, Marseille ou Beauvais. avec une partie de celles qui furent découvertes en 1653 à Tournai : armes et bijoux du tombeau attribués à Childéric, roi des Francs, et les couronnes du roi Goth Reccesvinthus, découvertes à Guarrazar en 1858. En effet, à cette même époque, le jeune Childéric put assister à la bataille d’Attila où son père Mérovée conduisit les Francs. Il va sur le terrain, reconnait les dispositions du champ de bataille prises entre Pouan, Vilette et les environs d’Arcis, et constate que cela cadre parfaitement avec la description de Tournai. D’une étude très détaillée de ces trouvailles, il en conclut que le « Trésor de Pouan » est daté du V° siècle, que la dépouille qui le portait était certainement le roi Wisigoth Théodoric qui fut tué lors de la bataille d’Attila en 451, et en tire une hypothèse sur la position de la bataille des « Champs Catalauniques ». Il publie en 1860 : « Recherches sur le lieu de la bataille d’Attila en 451 », avec de magnifiques planches en couleur et or, de toutes les découvertes.

 

En 1859, l’Abbé Cochet, directeur du Musée d’antiquités de Rouen,  fait une large part au « Trésor de Pouan », dans son ouvrage intitulé « Le tombeau de Childéric 1er ».

 

Henry d’Arbois de Jubainville (le 30 octobre 1964, je vote pour que son nom soit donné à une rue voisine des anciennes Archives), archiviste paléographe, directeur des archives de l'Aube de 1852 jusqu'à sa retraite en 1880, qui a rédigé le texte sur la découverte de Pouan, dans le « Portefeuille Archéologique de la Champagne » par Gaussen, s’exprime en termes élogieux lorsqu’il parle de cet éminent archéologue normand du XIX° siècle.

 

Gaussen et Peigné-Delacourt parvinrent à une reconstitution séduisante, fondée plus sur l’esthétique que sur la logique, assez éloignée de la réalité.

 

C’est l’archéologue Clément Drioton (son fils Clément qui était un de mes camarades de Lycée, fut fusillé en 1944), en 1930, mis sur la voie par M. Sune Linquist, conservateur au Musée Historique de l’Etat Suédois, propose un remontage qui semble conforme à la réalité.

 

En 1956, dans une publication intitulée « Sur le trésor barbare de Pouan », Edouard Salin et Albert France-Lanord dont on connait la compétence dans ce domaine, arrivent aux mêmes conclusions : ils démontrent et déclarent que les observations faites par Clément Drioton sont pleinement justifiées.

 

Jean Bienaimé, mon ancien collègue au Conseil Municipal de Troyes, chargé de mission archéologique au Musée, a rédigé en 1974, un fascicule sur ce « Trésor de Pouan », très documenté.

 

Louis Le Clert (qui a sa rue à Troyes), conservateur du Musée Archéologique et du Musée d’Art décoratif a rédigé en 1898, pour le Musée de Troyes, un catalogue très documenté, de 273 pages et LXXXIII planches sur le « Trésor de Pouan », intitulé « Bronzes », qui contient les objets en cuivre pur ou cuivre rouge, en cuivre jaune, en airain et en bronze proprement dit.

 

C’est pour tout cela que M. Achille Peigné-Delacour essaie d’acquérir ce trésor.

 

Convaincu d’avoir récupéré la totalité des objets précieux, l’unique souci Jean-Baptiste Buttat fut de tirer profit de sa trouvaille. Il proposa donc ces pièces au conservateur du musée de Troyes, mais les modestes ressources de cet établissement ne permirent pas à Corrad de Bréban de s’en rendre acquéreur. Seules les lames de l’épée et du scramasaxe (arme franque) restèrent au musée. Les objets précieux furent achetés par M. Gauthier, bijoutier à Troyes, et se trouvaient toujours dans cette famille en 1853, puisqu’il est écrit que les héritiers les prêtèrent pour être présentés aux participants du Congrès archéologique de France qui se déroulait à Troyes au mois de juin. Très intéressé par ce mobilier de grande valeur artistique et historique, Peigné-Delacourt tente de l’acquérir, mais abandonne devant les prétentions trop élevées du détenteur. C’est alors que par son entremise, et aidé en cela par M. le Vicomte de Charnailles, Préfet de l’Aube, Napoléon III en devient le possesseur à titre personnel, en 1858. L’Empereur le conservera jusqu’à cette audience particulière du 11 mars 1860, qu’il accorde à M. le Préfet de l’Aube accompagné de M. Peigné-Delacourt et d’une délégation de membres de la Société académique de l’Aube, après que ces derniers lui eurent demandé d’accepter les 2 lames conservées au musée de Troyes, pour compléter l’ensemble de la trouvaille. Mais c’est l’inverse qui se produit car l’Empereur, par un mouvement de générosité, s’empresse d’offrir au musée de la ville de Troyes, les objets précieux qu’il avait précédemment acquis : « Je suis heureux de remettre entre vos mains ce riche trésor dont j’apprécie comme vous, tout le mérite, et de plus je me conforme à mon sentiment bien arrêté. En ces matières, la conservation des objets d’antiquité nationale appartient surtout aux lieux où se fit la découverte. Là, ils ont leur véritable signification, et peuvent servir à l’étude des problèmes historiques relatifs aux origines de notre pays ». 

 

Louis Le Clert donne ces détails sur « le Trésor de Pouan-les-Vallées » :      « Un ouvrier, extrayant de la grève en 1842, trouve à une profondeur de 80 centimètres, différents ossements humains et des bijoux et des armes en or « d’un poids considérable », conservés au Musée de Troyes. Non loin de cet endroit, il trouve 1 épée en forme lancéolée, portant une nervure médiane, avec une poignée à rebord percée de 4 trous, époque Celtique (Larnaudienne), de 873 m/m x 68 m/m. La chape d’entrée du fourreau de l’épée, pièce remarquable, se compose de 2 éléments mis en forme, de section ovale allongée : une sorte de boîtier cloisonné qui constitue la partie destinée à être vue, et une plaquette d’or soudée à chaque bout du boîtier qui représente la partie arrière. Le 23 juin 1843, un ouvrier a trouvé un vase en piochant la terre, dans la contrée des Prattes, à 2 pas de l’endroit où, en 1842, le sieur J-B. Buttat, en extrayant de la grève, rencontra des fragments d’os humains, des lames de fer oxydées, des bijoux et des ornements en or, aujourd’hui conservés au Musée de Troyes. Ce vase allongé (oenochoe : pichet à vin chez les Grecs), de forme cylindro-conique, à col étroit, surmonté d’un bord saillant à l’extérieur et ayant un bec long et relevé. Il porte une anse rivée, ornée à sa partie supérieure, qui repose sur la bordure du col, de 2 têtes d’animaux fantastiques, et, à son extrémité inférieure, d’une palmette surmontée de 2 doubles spirales, placées en regard l’une de l’autre, en sens inverse. Ce fut un don de l’Abbé Coffinet en 1860. Deux seaux ont été trouvés dans la même contrée, à 42 mètres de la fosse funéraire. Ces 2 seaux, semblables, mutilés par le bas,  portent chacun 2 oreilles découpées faisant corps avec la masse. Les anses sont ornées de stries transversales. Ce serait des vases culinaires que portaient avec eux les soldats romains dans leurs expéditions. Dimension : 220 m/m. Deux pieds de vase de 125 et 113 m/m de l’époque franque. Un bassin rond à bord évasé, orné d’une suite d’oves, d’époque franque, de 260 x 80 m/m. Don de M. Camut-Chardon.

 

Ce dernier nous donne le détail des bijoux en or massif :

 

« 1 torque qui se présente sous l’aspect d’une tige d’or flexible, orné de 3 rangs d’ocelles, 1 collier d’un poids de 84 gr, figurant un serpent. Les ornements consistent en 2 rangées de fleurons orbiculaires, ayant dû appartenir à un chef de druides, 1 bracelet de 141 gr, 1 bague massive forme chevalière de 40 gr, avec gravé sur le cabochon : « HEVA », 2 boucles avec ardillons de 118 et 29 gr. avec incrustations de rubis et grenats, 9 pièces élégamment travaillées, une double boucle, 2 fibules avec cloisons disposées par 5 rayons, en 6 compartiments garnis de verre rouge, 1 pommeau orné de plaques de grenat, 1 épée à double tranchants de 7,5 cm x 80 cm, avec fourreau en cuir et bois, sa poignée avec ses ornements, la garniture en argent, destinée à protéger l’entrée de la gaine de l’épée, avec ses clous d’argent, l’ornement du baudrier avec le verre coloré enchâssé dans le fer, recouvrant le paillon d’or qui garnit le fond des logettes, ornement du fourreau de l’épée en plaquettes de verre rouge et cordon perlé, 1 grand coutelas de 55 cm x 7 cm, avec un ornement en verre rouge sur la poignée, dont le corps est garni d’une feuille d’or striée. 1 scramasaxe (arme blanche franque), de 602 m/m x 30 m/m, dont la poignée est faite d’une feuille d’or enroulée et soudée, ornée de gorges repoussées en anneaux sur toute la longueur. Le pommeau possède un décor cloisonné, les grenats sont sertis… ». 

 

L’or de ces bijoux est au plus haut titre.  

 

Cette tombe de Pouan fit longtemps controverse. Comme je viens de l’écrire, nombre de spécialistes la rattachent à la bataille des Champs Catalauniques qui eurent lieu dans la même région, mais de récentes études la placent postérieurement à cette bataille.

 

Par ailleurs, Pouan possède une nécropole mérovingienne classique, à l’ouest du village, au lieu-dit « Le Hait-de-la-Pierre », avec sarcophages et tombes en pleine terre. Les premiers sarcophages furent mis au jour en 1824 et d’autres en 1969. Ces derniers sont présentés dans l’église de la commune.

 

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