La vie à Troyes



Rôle de l'Ecole en 1924


Ecole normale
Ecole normale

Le rôle de mon site est de faire connaître aux Aubois leur riche passé, souvenons-nous de ces deux maximes : « Ne perdons rien du passé… Ce n’est qu’avec le passé qu’on fait l’avenir » (Anatole France), et « Le temps, sans les historiens, ne laisserait aucune trace » (Gabriel Groley).

 

         J’écris ce chapitre fin décembre 2019, et il semble se rapporter parfaitement à la crise que connaît la France au sujet des retraites, puisqu’il n’y a pas assez d’enfants pour payer celle de leurs parents !

 

         En octobre 1924, l’Inspecteur d’Académie de l’Aube, réunit les élèves-maîtres, pour leur faire le compte-rendu du rapport présenté au VI° congrès de Strasbourg, intitulé : « Le rôle de l’Ecole dans l’action contre le Malthusianisme et l’Immoralité sexuelle ».

 

         Je rappelle que le Malthusianisme est une doctrine qui prône une restriction volontaire des naissances afin que la croissance démographique reste en rapport avec la croissance des richesses. Thomas Malthus (1766-1834) était un économiste britannique.

 

         L’orateur déplore que le Lycée et la Faculté n’enseignent pas formellement et directement la morale, mais il loue l’enseignement qu’en donne l’Ecole primaire qui est admirable et que la leçon de morale, par quoi débute tous les matins la journée, était une sorte de prière, « la prière du matin de l’école laïque ».

 

         Et il continue : « Malheureusement, l’œuvre d’éducation, à peine terminée et même avant de l’être, était battue en brèche par la Société. L’Ecole nous fabrique une France de 12 ans qui, malgré les exemples souvent pervers de la famille et du milieu social, forme un petit peuple délicieusement pur et plein de bonnes résolutions, une France vraiment charmante. Puis sur ces écoliers qui nous quittent trop tôt, à l’âge où les années comptent double pour la formation du caractère et du cœur, on déchaîne les pires fléaux. Si bien qu’à 20 ans une bonne partie d’entre eux et d’entre elles est devenue la proie du cabaret ou la proie de la rue… Lorsque nous aurons détruit dans notre société les 3 germes les plus redoutables, l’alcoolisme, le vieux garçonnisme et la pornographie, alors seulement nous pourrons demander à l’Ecole d’enseigner utilement et durablement la Morale. Nous avons cru sincèrement que « ouvrir une école, c’était fermer une prison ». « Tout homme qui sait lire est un homme sauvé » avons-nous répété. Mais l’instruction devenue obligatoire depuis la loi du 28 mars 1882, s’est généralisée sans que ni la sobriété, ni la chasteté, ni la moralité générale n’y aient gagné. Et si nos prisons ne sont pas très remplies, c’est parce que beaucoup de délinquants échappent, que d’autre part les sanctions sont souvent dérisoires, et qu’enfin l’abus odieux des amnisties chroniques les vide périodiquement. L’Ecole ne garde l’enfant que pendant un petit nombre d’heures et un petit nombre d’années. A 12 ou 13 ans on la quitte, et, comme on ne la fréquente que 6 heures par jour, que 5 jours par semaine et que 9 mois par an vacances défalquées, il est facile de calculer qu’elle ne représente guère qu’1/10° de la vie de l’enfant et du jeune homme de 5 à 21 ans, quelque chose comme 8.000 heures sur 80.000, en laissant au sommeil 9 heures chaque nuit. Et voilà bien qui explique le peu de trace laissée par l’éducation scolaire.

 

         Que peut l’Ecole contre le malthusianisme ? C’est un sujet qu’il n’est pas facile d’aborder de front, du moins à l’Ecole primaire. Mais, si l’instituteur (et encore plus le professeur du Cours complémentaire, d’Ecole primaire supérieure, de Collège, de Lycée) est conscient du danger que la dénatalité fait courir au pays, s’il en a quelque peu la hantise, des occasions incessantes de le signaler s’offrent à lui :

 

         En Morale : discrètement et en évitant de froisser aucune susceptibilité, il fera l’éloge de la vie de famille et surtout de la famille suffisamment nombreuse. Il dira les joies dont elle est la source, la saine gaieté qui y règne parmi des frères et des sœurs et que ne connait pas toujours le fils unique…

 

         En Instruction civique il montrera  qu’un pays n’est grand et fort que si la vie de famille est solidement constituée et si les citoyens y sont nombreux. Il dira aussi que le devoir de l’Etat est de venir en aide aux familles nombreuses au lieu de les écraser d’impôts comme ce fut l’usage jusqu’ici. Il fera connaître l’immense bienfait des allocations familiales et leur ordre de grandeur déjà important  (1 milliard ½ de francs donné en primes ou en dégrèvements et avantages aux enfants en la seule année 1923). Il n’hésitera pas à appeler notre époque l’ère du relèvement national parce qu’elle est l’ère des allocations familiales. Il prêchera la confiance et l’optimisme, la foi en la vie et en la famille nombreuse désormais aidée de toutes manières, protégée, honorée… « Le devoir de perpétuer la vie et la pensée de la France est aussi impérieux que celui de la défense contre l’ennemi : c’est le même devoir, celui de ne pas la laisser mourir » a écrit Gabriel Séailles (militant laïque et socialiste)…

 

         L’Histoire lui fournira l’occasion de montrer que les questions de nombre sont la clé, l’explication de la plupart des grands événements historiques. Ce sont toujours les gros bataillons sur les champs de bataille comme sur tous les champs de l’activité humaine, qui ont mené le monde et qui de plus en plus le mèneront. La civilisation grecque, épanouie en plus de 300 colonies que rendit nécessaire une natalité exubérante, la conquête romaine, les invasions barbares, la grandeur française sous Charlemagne, au temps des Croisades, au XIII° siècle, sous Louis XIV, sous Napoléon même s’expliquent ainsi pour une bonne part.

 

         Il y avait en France 7 enfants par ménage au temps de François 1er, 4 au temps de Napoléon, il y en a 1 ½ aujourd’hui ! La France représentait 1/3 de l’Europe en 1700, ¼ en 1789, 1/6 en 1856, 1/11 en1914. Et voilà bien des choses de notre histoire moderne et contemporaine expliquées, y compris la venue de la grande guerre qui n’a pas d’autre cause profonde que celle-ci : l’existence de 5 Allemands de 20 ans en face de 2 Français du même âge !...

 

         En Géographie le maître montrera que la France constitue un vrai scandale démographique, un « monstre parmi les nations » pour parler comme le docteur Variot  (médecin français des Hôpitaux de Paris) : elle a 72 habitants au K². L’Allemagne en a 130, l’Italie 130, la Hollande 182, l’Angleterre 238, la Belgique 254. Ce qui revient à dire que, si la France n’avait pas trouvé spirituel de devenir « un pays de célibataires et de fils uniques », elle devrait compter au taux de l’Allemagne ou de l’Italie 72 millions d’âmes, au taux de la Hollande 100, au taux de la Belgique 140. Et elle n’en a que 39 millions ! Oui, elle, si riche, si merveilleusement douée parmi les peuples civilisés de l’Occident, à côté de ses voisins elle fait scandale ! D’autant plus que c’est la Géographie encore qui fera connaître les prodigieuses richesses de son sous sol et celles de son magnifique empire colonial… D’une façon générale, les éducateurs ne doivent plus éviter de faire allusion au rôle que l’écolier et l’écolière auront à jouer plus tard. Bien au contraire, et les phrases suivantes comme « modèles d’écriture » en valent bien d’autres : « Tu seras père de famille, tu seras maman un jour… Malheur aux nations sans enfants… La Patrie a besoin de familles nombreuses… La dépopulation c’est la guerre, c’est la décadence, c’est l’invasion pacifique ou armée… ».

 

         C’est l’Ecole primaire supérieure, c’est le Collège et c’est le Lycée qui devrait être chargés de donner à leurs plus grands élèves l’enseignement d’éducation sexuelle. Mais la France, parce qu’elle est un pays sans enfants, « un pays qui se dépeuple, dirigé par des célibataires » (comme disent les Belges), ne veut pas d’enseignement direct de la Morale dans les lycées, alors, comment s’étonner que, à plus forte raison, on n’y ait pas donné l’éducation sexuelle ?...

 

         On est en droit d’attendre de nos grandes universités et leurs éminents professeurs, une « Déclaration des Devoirs de l’Homme et du Citoyen » qu’on puisse afficher dans tous nos lieux publics. Elle sera autrement utile que la Déclaration des Droits de 1790, car pour une violation de ceux-ci on compte aujourd’hui des milliers de violations de ceux-là…

 

         En conclusion, notre congrès national a émis le vœu que le Gouvernement et le Législateur se donnent pour mission de créer un milieu social et familial, favorable à la Moralité et à la Natalité, notamment en supprimant l’Alcoolisme, le Taudis, la Pornographie et la Débauche publique. Que, contre le malthusianisme et l’immoralité sexuelle, ils encouragent et facilitent l’action de l’Ecole à tous ses degrés, celle des Educateurs de tous ordres et de toutes religions. Que ceux-ci regardent comme une partie essentielle de leur tâche la Croisade en faveur du relèvement moral et numérique du pays ».

 


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