Métiers anciens



Les Faïenceries


Les faïenceries de l’Aube sont à peine connues. Il y en eut 7 dans notre département : celles d’Ervy, de Mathaux, de Brienne, de Vendeuvre, de Fouchères, de Radonvilliers et de Mesnil-Saint-Père.

 

         Leur peu de notoriété tient sans doute à la courte durée de l’existence du plus grand nombre d’entre elles, à l’exiguïté de leurs débouchés et aussi à la qualité de leurs produits généralement assez grossiers et, par suite, peu recherchés par les amateurs de belles faïences. Il convient, cependant, de reconnaître que, parmi les pièces sorties de ces usines, il en est quelques-unes qui ne sont pas sans valeur. Bien que nos faïenceries n’occupent qu’un rang secondaire, il y a un engouement du public pour la vieille faïence décorée, et il est utile d’écrire leur histoire, pour permettre à des collectionneurs de se documenter sur leur origine. On trouve le plus souvent, des faïences disséminées dans les villages, antérieurement à la Révolution, jusque vers 1850.

 

         En 1793, lors de la vente du mobilier des émigrés faite dans les campagnes, au profit du Trésor public, des paysans ont pu acheter à des prix très minimes, des objets de haute valeur. Comme par exemple cet amateur troyen qui avait trouvé à Villacerf, 2 bras-applique en faïence, attribués à Bernard de Palissy, et que, les ayant achetés presque pour rien, il les a revendus très, très cher à Paris. Ces faïences sont conservées dans de belles vitrines, ou accrochées aux murs.

 

         Il y eut aussi beaucoup de contrefaçons, pour contrefaire les Nevers, les Rouen… Ainsi, vers 1890, à Troyes, les jours de grand marché, une dame bien connue parcourait dès la première heure, les étalages des revendeurs pour y recueillir toutes les anciennes faïences blanches qu’elle pouvait y trouver. De retour à son domicile, elle les classait avec soin en tenant compte de la nature de la terre employée, de la forme des faïences et de la teinte, puis elle les distribuait entre plusieurs jeunes gens à sa solde, chargés, sous sa direction, de copier sur ces faïences les productions des établissements céramiques les plus recherchés par les amateurs. Le travail exécuté, grâce aux antiquaires, ces imitations s’écoulaient facilement à des prix très avantageux.

 

         Les directeurs de nos faïenceries n’hésitaient pas à faire venir, pour travailler dans leurs usines, des décorateurs et des ouvriers empruntés à des établissements réputés. Mathaux en a employé qui venaient de Vaucouleurs, Brienne en a demandé aux Islettes et aux fabriques de la Meuse, Radonvilliers et Fouchères en ont appelé d’Aprey… 

 

         Faïencerie de Brienne-le-Château :

 

         Vers la fin de l’année 1812, Nicolas Didier, marchand de chevaux à Autrécourt, acheta des terrains et une maison sis à Brienne. Comme il était père de 4 fils, il voulut leur fonder une industrie à exploiter en commun, et il établit une faïencerie dans sa nouvelle propriété. Ses enfants étaient : François Toussaint Didier, Jean-Baptiste-Célestin Didier, Nicolas-Christophe Didier et Charles-Pantaléon Didier. Mal secondé par ses fils, Nicolas Didier, malgré tous ses efforts, ne put donner à sa fabrication l’extension désirable, et elle demeura peu prospère. C’est pourquoi, dans le but d’améliorer ses affaires,  il fit construire une tuilerie en de hors de Brienne, au lieu dit « Le Miroir ». Un de ses fils, Charles-Pantaléon, l’eut pendant quelques temps sous sa direction, puis s’en rendit ensuite acquéreur.

 

         En 1835, Nicolas-Didier, contraint par l’insuccès et par l’âge, abandonna sa faïencerie. Son fils aîné, François-Toussaint Didier, qui avait fait ses études pour être prêtre, renonça à cette carrière et prit l’usine en location. Resté célibataire, il ne put, malgré toutes ses tentatives, rendre la situation plus florissante. Tombé malade, il dut suspendre les travaux de son usine vers 1838, et mourut en 1841, laissant pour héritier son père Nicolas Didier. Des changements furent faits à l’un des fours, pour pouvoir y fabriquer de la tuile et de la brique.

 

         Les produits de la manufacture de Brienne étaient généralement communs et d’un débit peu facile. Leur écoulement s’effectuait dans la région, mais aussi à Paris. Ils consistaient en faïence blanche ou peinte, telle que vaisselle, poteries, saladiers, salières, encriers, poêles de couleur blanche… La terre employée provenait de Radonvilliers et d’Amance.

 

         Le Musée de Reims possède 4 spécimens des produits de Brienne : 1 soupière avec son couvercle, 1 assiette, 1 sablier quadrilatéral et 1 assiette, tous avec décor polychrome.

 

         Au Musée de Troyes il y a 6 pièces : 1 bouteille, 2 assiettes, 1 plat à barbe, 1 encrier quadrilatéral et 1 assiette, tous avec décor polychrome.

 

         Faïenceries et poteries de Radonvilliers :

 

         Claude Lancelot fit construire une fabrique de poterie, et en 1833, il essaya de fabriquer de la faïence décorée. Mais il cessa cette fabrication quelques années plus tard. Les produits de son usine étaient cependant assez réussis, les décors représentaient des fleurs et principalement des coqs. Ils se vendaient dans toute la région de l’Est, depuis Paris jusqu’à Strasbourg. Un de ses fils, Hippolyte, édifia vers 1838 une nouvelle usine où il essaya aussi de fabriquer de la faïence, mais cessa peu de temps après, et la faïencerie fut vendue à M. Chrétien, notaire à Dienville. En 1841, M. Simon Mielle qui travaillait à la faïencerie de Vendeuvre, prit en location de l’usine de M. Chrétien, pour une durée de neuf années et s’y installa avec ses 2 fils. Il y fabriqua de la faïence blanche non décorée jusqu’en 1852, puis il entreprit une nouvelle fabrication, celle de la poterie fine de ménage. A cette date, M. Mielle acheta en face de la mairie une propriété où il établit une nouvelle poterie, puis racheta l’usine de M. Chrétien et exploita les 2 établissements. En 1862, M. Mielle se retira des affaires, laissant la charge à ses 2 fils, Victor et Nicolas Mielle, qui restèrent associés jusqu’en 1870. Victor s’installa dans l’usine d’Hippolyte Lancelot et construisit un four en plus. En 1881, il se retira à Brienne, laissant la poterie à ses 2 fils, Fernand et Stéphane Mielle. Nicolas Mielle fabriqua de la poterie fine de ménage, jaune et noire. Fernand et Stéphane Mielle continuèrent à travailler avec 3 fours, puis en ajoutèrent 1 en 1892. En 1888, ils avaient fait construire une fabrique de grès bleu, comprenant 2 fours, dont la fabrication cessa en 1907. Chacune des 2 usines employait 30 ouvriers.   

 

Faïenceries de Mathaux :

 

En 1750, le roi autorise la fondation d’une faïencerie par M. Gédéon-Claude Le Petit de Lavaulx, chevalier, ancien capitaine et grand bailli du Bassigny, Seigneur de Mathaux. Possesseur d’une fortune importante, qui s’était grandement accrue par suite de son union en 1744 avec Charlotte-Jehanne de Poiresson, le seigneur de Mathaux ne négligea rien pour l’installation de sa faïencerie. Trois terriers situés sur le finage alimentaient la fabrique. En 1751, la faïencerie est en pleine activité. Un nommé Jean-Baptiste Dubray prend le titre de « directeur de la manufacture royale de faïence de Mathaux ». En 1753, Claude Doré est « directeur de la manufacture royale de faïence ». En 1757 c’est Jérôme Le Blanc, en 1763 Antoine Lamy, en 1766, Jean Jacquemard. En 1768, Jacques Maré, peintre sur faïence est qualifié maître faïencier. En 1778, un ancien ouvrier de la manufacture de Mathaux, Jean Varin, prend le titre d’entrepreneur de faïencerie, le propriétaire étant M. Galiot-Jean-Marie Mandat, baron de Neuilly, époux de Marie-Françoise-Charlotte de Lavaulx, fille de Gédéon-Claude Le Petit de Lavaulx, baron de Mathaux, son unique héritière.  Jean Varin eut 6 enfants. Le fils aîné de Jean Varin, Hubert, « peintre sur faïence » dirige ensuite l’établissement. Le 12 juillet 1796, la faïencerie, avec toutes ses dépendances est déclarée " biens nationaux " et vendue au citoyen Louis-Hubert Auvy, marchand à Mathaux, qui vendit peu de temps après les bâtiments.  

 

Faïencerie des Varin :

 

Forcé de quitter l’usine dans laquelle il avait travaillé dès sa jeunesse, Hubert Varin, « maître de la faïencerie », établit un petit atelier dans sa maison paternelle, grande rue à Mathaux. Ses 2 frères Cuny-François Varin et Etienne Varin, continuèrent de travailler avec lui. Lors de la période révolutionnaire, l’entreprise d’Hubert Varin eut beaucoup à souffrir de la pénurie des transactions et alla toujours en périclitant. En 1817, il redevient simple ouvrier et travaille comme décorateur dans la faïencerie que le nommé Didier exploite à Brienne. Cuny-François Varin a le titre de « tourneur de faïences », jusqu’à l’an XI (1803), où il est désigné comme exerçant la profession de potier. Etienne Varin, qui porte aussi le titre de « tourneur de faïence », suit son frère à Brienne et comme lui, prit rang parmi les ouvriers de la fabrique de M. Didier. Alexis-François Varin, fils de Cuny-François Varin, exerce la profession, tantôt de potier, tantôt de faïencier. En 1828, la fabrique des Varin est vendue aux enchères à Jean-Baptiste Lignée, de Mathaux.

 

En 1811, un Nicolas-Eloi Ludot, désigné tantôt comme potier, tantôt comme faïencier, ayant travaillé chez les Varin, est désigné comme propriétaire d’une poterie, mais ne réussit pas mieux que les Varin et est obligé de vendre son usine en 1835 à M. Louis Debelle qui était alors potier à l’Etape. Ce dernier cessa de fabriquer de la poterie au commencement de 1861. Ses fils n’ont pas continué son industrie.

 

On reconnaît la faïence de Mathaux par la teinte de la terre marno-argileuse qui a servi à sa fabrication. Suivant le degré de cuisson, elle devient d’un rouge grisâtre plus ou moins intense, elle est très poreuse et peu liée. Les émaux employés sont généralement de nuances très claires : vert pâle, violet, manganèse et bleu pâle. Les décors sont très variés : imitations des arabesques de Rouen, soldats l’arme au bras, portant l’uniforme des régiments dans lesquels M. de Lavaulx fut capitaine, personnages en tous genres : ménétrier du village jouant du violon, chinois, grotesques, animaux, semis de fleurs, inscriptions en vers ou en prose, devinettes, sentences, sujets patriotiques, et enfin les noms de personnes. La présence de ces noms rappelle une coutume des habitants de Mathaux et des villages voisins. Lorsqu’ils devaient se marier, ils se rendaient à la faïencerie et y commandaient 2 assiettes devant porter au milieu d’un riche entourage, l’une, les initiales du mari, l’autre, celles de la femme. Ces assiettes servaient aux époux, le jour de la cérémonie nuptiale. Des plats longs ou ronds, décorés en bleu (genre les faïences de Rouen), ont été fabriqués pour l’Ecole Militaire de Brienne.    

 



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