Autres célébrités



Alexis Socard


Le 12 juin 1877, s’éteint à Vendeuvre-sur-Barse, une existence qui mérite de ne pas passer inaperçue : c’est celle d’un modeste érudit qui a passé 30 ans de sa vie à collectionner ces petits livres que l’œil indifférent du vulgaire regarde à peine, mais que l’amateur est heureux de rencontrer, après les avoir inutilement cherchés.

 

M. Alexis Socard naît à Bar-sur-Seine, le 15 septembre 1815, de « parents honnêtes », qui ne connaissaient que leur petit commerce et n’avaient d’autres ambitions pour leur fils que de le voir leur succéder dans les affaires. Mais ils avaient compté sans l’esprit ardent et un peu aventureux du jeune Alexis, qui rêvait le mouvement, le changement de place et même les hasards des voyages lointains.

 

Après un séjour de quelques années à Paris, une place d’intendant dans les îles Antilles lui fut offerte. Il partit sans hésiter et mena la vie de planteur pendant 3 ans.

 

Dès cette époque, son goût de collectionneur s’était révélé, et nous le voyons revenir en France avec de nombreuses caisses chargées d’objets curieux qu’il avait recueillis pendant son séjour aux îles. Malheureusement une tempête s’éleva pendant la traversée, et comme le vaisseau faisait eau de tous côtés, on fut obligé de jeter à la mer les ballots les plus pesants. Les caisses de M. Socard furent les premières sacrifiées, et notre voyageur rentra en France, désolé de la perte qu’il avait faite.

 

Après avoir pendant quelque temps hésité sur le parti qu’il embrasserait, après avoir rassemblé sur l’histoire de Troyes et du département de l’Aube un noyau de livres précieux, il résolut de se livrer à la librairie ancienne et particulièrement à celle qui intéresse le pays. Il acheta une partie du fonds de Mme Masson, libraire à Troyes, au point de vue de l’histoire des provinces et des villes de France et devint, au bout de quelques mois, ce qu’on peut appeler le bouquiniste par excellence.

 

Il fallait le voir en quête de tous les coins et recoins de grenier à visiter, « secouant les toiles d’araignées, ne se laissant rebuter par aucune fatigue, par aucun dégoût ». Et lorsque, après des heures et même des journées passées sans boire et sans manger, il arrivait à une « trouvaille » soit d’un petit livre, soit d’une pièce manuscrite, il oubliait ses peine, ses fatigues, il était vraiment heureux.

 

Pendant une période de plus de 20 ans, que de livres rares, d’autographes importants, de manuscrits précieux, il réunit à Troyes ! Comment M. Socard aimait les livres ? « Il en rêvait la nuit. Ses cauchemars lui venaient souvent d’une lutte prétendue avec le possesseur d’une rareté qui ne voulait le lui céder à aucun prix. D’autres fois, c’étaient des bonds de joie qui le réveillaient tout-à-coup au moment où le livre convoité venait, croyait-il, de passer entre ses mains ». Quelle déception alors, quand il s’apercevait que son rêve n’était qu’une illusion.

 

Sa santé, malheureusement, paralysait toutes ses ardeurs. Il ne pouvait plus se livrer à la recherche de ses chers bouquins, et cet état le chagrinait au point d’influer profondément sur son caractère.

 

Depuis longtemps une oppression le faisait cruellement souffrir, il manquait d’air, il étouffait. Idée de malade, il s’imagina que l’air de Troyes lui était funeste, qu’ailleurs il recouvrerait la santé, et cette pensée fixe le décida, au mois de mai 1877, à transporter sa résidence à Vendeuvre-sur-Barse. Il présida, quoique très malade, à l’emballage de sa bibliothèque chérie, et arrivé à Vendeuvre, ce fut encore lui qui l’installa provisoirement sur des rayons, mais sans pouvoir y mettre ordre.

 

Moins d’un mois après, le 12 juin, on le trouva mort, à genoux sur son lit, la tête appuyée sur le bois : c’était la seule posture qui pouvait lui permettre un peu de sommeil.

 

M. Alexis Socard n’était pas seulement un libraire intelligent, actif, grand amateur de livres rares, il savait prendre sa plume, et il nous a laissé des travaux intéressant l’histoire locale, qui lui valurent les félicitations de plusieurs auteurs distingués de la capitale, tels que Charles Nizard, le bibliophile Jacob (Paul Lacroix)...

 

On trouve ainsi, une foule de pièces très précieuses pour l’histoire de sa ville natale dans l’« Almanach-annuaire de l’arrondissement de Bar-sur-Seine » en 1859, 1860, 1861, 1862 et 1863 ; 1600 à 1800 livres populaires imprimés à Troyes ; des Noëls et cantiques imprimés à Troyes, avec gravures originales, du XVII° siècle jusqu’à sa mort ; des scènes de moeurs au XVI° siècle ; sur les verrières de l’église de Bar-sur-Seine ; Promenade à la Bibliothèque de Troyes…

 

 


Sur le bandeau du  bas de chaque page, vous cliquez sur "Plan du site", qui est la table des matières, et vous choisissez le chapitre qui vous intéresse. 

Cliquez sur "Nouveaux chapitres"  vous accédez aux dernières pages mises en ligne.


Rechercher sur le site :