Hôpitaux

Monuments, Eglises, châteaux...



Hôtel-Dieu Saint-Bernard


 

Le tableau dont la photographie figure en tête de ce chapitre, date de 1552, et constitue un spécimen de la peinture troyenne de la Renaissance. Il atteste aussi le souvenir d’un monument de Troyes disparu, l’Hôtel-Dieu-Saint Bernard, dont il provient. Il représente en effet saint Bernard de Menthon, sous le patronage duquel cet hôpital était placé. Un personnage donne un manteau à un pauvre, et au second plan,  est une légende de la vie du saint. Il montre un ange qui, en lui ouvrant le manteau, lui ordonne de fonder un hospice sur les ruines du temple de Jupiter (Près de l’emplacement de ce temple a été érigée, en août 1905, une statue colossale en bronze de Saint Bernard).

 

Saint Bernard, né à Menthon en 823, sur les bords du lac d’Annecy, était archidiacre d’Aoste en Piémont, et prieur de l’hospice de Montjoux, lorsqu’il décéda en 1008. Ce saint, parcourt les routes, visitant par monts et par vaux toutes les paroisses, pour instruire le peuple, prenant un soin tout particulier des pèlerins et voyageurs qu'il rencontre.

 

Comment était-il devenu le patron d’un hôpital à Troyes ? Une tradition veut qu’ayant rencontré dans cette ville un grand nombre de pauvres, il y avait fondé un Hôtel-Dieu pour les secourir. On dit aussi que cet hôpital tire son nom de la donation qui est faite, en 1158, par le comte de Champagne, Henri le Libéral, à l’église Saint-Nicolas et Saint Bernard de Monjoux, c’est-à-dire à l’hospice du Grand-Saint Bernard. C’était une donation charitable, comme il y en eut un grand nombre à cette époque, où le Grand Saint Bernard possédait 88 bénéfices en pays étrangers, notamment en Sicile, en Flandre et jusqu’en Angleterre.

 

Jusqu’à la fin du XII° siècle, l’Hôtel-Dieu Saint Bernard de Troyes n’est indiqué que par le nom du marché, sur l’un des côtés duquel il était situé : c’était le marché au Blé (place Jean-Jaurès) et ses dépendances s’étendaient jusqu’à la rue de la Monnaie. Sa chapelle était surmontée d’une flèche aigue, qui s’élançait du milieu de sa toiture, et dont la cloche annonçait, au XVII° siècle, l’ouverture du marché au blé.

 

"L’hôpital de Saint-Bernard tenait le troisième rang parmi ceux de la ville.

 

On voyageait au Moyen-âge beaucoup plus que ne le feraient supposer l’état matériel et l’insécurité des routes. Les pèlerins étaient nombreux, et à Troyes, des hôtelleries spéciales et des hôpitaux étaient disposés pour recevoir les riches et les pauvres qui se rendaient en grand nombre à Jérusalem, à Rome, à Saint-Jacques de Compostelle et au Mont Saint-Michel. C’est ainsi que l’Hôtel-Dieu-le-Comte abritait pour une nuit les pèlerins de toutes destinations, que Saint-Nicolas recevait les pèlerines, et Saint-Abraham les pèlerins qui se rendaient à Jérusalem. L’hôpital Saint Bernard fut affecté à ceux qui allaient au Mont Saint Michel, et qu’on appelait les « Michelots », ainsi qu’aux pauvres étrangers à la ville. Il fut dirigé par des chanoines réguliers de l’ordre de Saint Augustin, dont le siège était à Saint-Martin-ès-Aires, et par un maître spirituel, dont la nomination et la collation appartenaient à la maison du Grand Saint Bernard. Les religieux de ce prieuré célèbre, qui faisaient aussi partie de l’ordre de Saint Augustin, venaient comme beaucoup d’autres quêter, avec l’autorisation de l’évêque, dans la ville et les paroisses du diocèse. Ils allaient de villages en villages, portant l’image et les reliques du saint et promettant des indulgences. C’est ainsi que l’évêque Jacques Raguier, permettait en mai 1504, aux frères de l’hôpital Saint-Nicolas et Saint-Bernard de Monjoux, de solliciter des secours dans le diocèse. Le maître spirituel en exercice à cette époque, était Nicolas Forjot qui, à son titre d’abbé mitré de saint-Loup, et de prieur maître de l’Hôtel-Dieu-le-Comte, ajoutait celui de vicaire général de l’abbé de Monjoux. Un beau vitrail qu’il donna à l’église de Torvilliers sur le territoire de laquelle la maison de Saint Bernard avait de nombreuses propriétés, nous présente dans un de ses compartiments, l’image du saint, portant, comme dans le tableau du Musée, un livre de la main gauche, et de l’autre, tenant un démon enchaîné, allusion au temple de Jupiter sur les ruines duquel avait été élevé le célèbre hospice de Monjoux.

 

Le grand incendie de 1524, qui détruisit une grande partie de la ville, n’épargna pas l’Hôtel-Dieu Saint Bernard, et il fallut le reconstruire, avec son église et les bâtiments qui l’entouraient. Cette reconstruction eut lieu par ordre du roi. En 1536, l’Hôtel-Dieu Saint Bernard était reconstruit, mais sa destination paraît devoir se modifier. Si l’on y héberge cette année là 3 lansquenets malades, ce sont des enfants pauvres, orphelins ou « trouvés » que l’on y abrite au nombre de 13. Ils sont sous la direction d’une sœur nommée Marguerite, que l’on nourrit et que l’on habille. On lui fournit du blé, du seigle et de l’huile « pour ardoir en sa chambre, église et hospice ». Plusieurs enfants trouvés sont mis en nourrice, aux frais de l’établissement, dans les villages voisins, comme la Rivière-de-corps. L’hôpital a 2 jardins, l’un qui est attenant aux bâtiments, l’autre près de la Vouize. Il possède en outre des vignes, notamment à Torvilliers. Une sorte de dortoir, qui renferme 13 « châlits de bois ou trapans, garnis de couettes, coussins, draps de chanvre et de couvertures en bureau de toile ». 1 table, 1 banc, 1 forme, une « mect » et un grand chandelier de fer forgé en complètent l’ameublement. Le 1er étage du bâtiment, dont le rez-de-chaussée est occupé par la cuisine et l’école, contient les chambres du maître spirituel et du receveur. En 1570, l’administration de l’hôpital est remise entre les mains du maître spirituel. Il a sous ses ordres 1 serviteur et 1 servante, et se charge de la nourriture des pauvres et des malades, qui lui est remboursée. Un règlement de 1617, sous le titre de « Division des pauvres de cette ville de Troyes », établit qu’en l’hôpital Saint Bernard « seront reçus et nourris les pauvres enfants malades, étant d’âge au-dessus de 6 ans, pour être endoctrinés et instruits jusqu’en l’âge de 9 à 10 ans, qui alors seront capables d’apprendre métier et d’être mis à service… Seront aussi reçus et nourris audit hôpital les hommes pauvres étrangers, valides, passants et pèlerins, pour 1 nuit seulement, si ce n’est qu’ils soient devenus malades, qui requiert  plus grand et long séjour ». Et leur sera enjoint le lendemain de vider incessamment la ville. Et quant aux Michelots, il leur sera baillé aumône de pain, s’il en est besoin, sans les laisser séjourner en ladite ville, s’il n’y a excuse légitime ».

 

Les pèlerinages tombèrent en désuétude dans le cours du XVII° siècle. Les enfants en état de travailler furent envoyés à l’hôpital de la Trinité. Les administrateurs laissèrent l’Hôtel-Dieu Saint-Bernard, sans emploi. Vers 1690, « il était vide et il ne s’y faisait aucun exercice ». On ne disait plus qu’une messe basse le dimanche dans l’église. Les bâtiments étaient quelquefois loués à des artisans « qui n’y faisaient guère moins de dommages qu’ils n’y apportaient de profit ». Des dames pieuses voulurent les utiliser en recueillant plusieurs jeunes filles repenties qui étaient à l’infirmerie Saint-Nicolas. Elles obtinrent en 1692, l’autorisation de les y placer, sous la direction du Bon Pasteur de Paris. En 1697, ces dames se retirèrent, n’ayant pu obtenir qu’on retint les filles par la contrainte, et celles-ci se soumirent à la règle du Bon Pasteur, sous la maîtrise spirituelle du chanoine Nicolas de la Chasse. Elles subvinrent en partie à leur subsistance par leur travail, comme devaient le faire plus tard les orphelins de la Trinité que l’on occupait à une fabrique de bas au métier, les orphelins de la Providence et les jeunes filles de Saint-Abraham que l’on formait au travail et surtout à la filature du coton.

 

Aux revenus en argent, il convient d’ajouter les vins récoltés dans les vignes et les redevances en grains, blé et seigle, qui sont consommés dans la maison.

 

Un passage faisait communiquer l’hôpital et la rue de la Monnaie, et c’est par ce passage que Louis XIV, lorsqu’il vint passer une nuit à Troyes en 1668, dans la maison de M. du Vouldy, sise rue de la Monnaie, se rendit avant son départ à la chapelle de Saint-Bernard, pour y assister à la messe.

 

Les bâtiments menaçaient ruine, et, en 1749, l’évêque Matthias Poncet de la Rivière alléguait leur état de délabrement pour prescrire le transfert des religieuses et des repenties dans le couvent précédemment occupé dans la rue du Bourg-neuf (Palais de Justice), par les Carmélites qu’il venait d’expulser par suite de leur attachement aux doctrines jansénistes. Malgré l’opposition de la ville et du bailliage, qui partageaient cet attachement, les sœurs du Bon Pasteur et leurs pensionnaires durent quitter l’Hôtel-Dieu Saint-Bernard et n’y furent pas remplacées. L’hôpital resta vacant. Le service divin fut transféré à l’église de l’abbaye de Saint-Martin, et, comme la chapelle était en mauvais état, les administrateurs des hospices jugèrent qu’il valait mieux les démolir pour éviter « les sommes considérables que consommeraient les réparations ». La suppression de la chapelle ayant paru nécessaire, on décida que les démolitions en seraient employées aux constructions de l’Hôtel-Dieu-le-Comte et qu’on en disposerait pour le plus grand bien des pauvres. Les ossements que renfermaient les sépultures de la chapelle devaient être transférés en terre sainte. Quant aux fondations pieuses, elles devaient désormais être acquittées dans la nouvelle chapelle de l’Hôtel-Dieu sous la forme d’une messe basse quotidienne et d’un service solennel le jour de Saint Bernard. Il fut en outre stipulé qu’un tableau représentant le saint serait placé le plus  près que faire se pourrait de l’autel, qui serait dédié à saint Barthelemy et dont le second patron serait saint Bernard.

 

La tradition du moyen-âge était ainsi respectée.  

 


Sur le bandeau du  bas de chaque page, vous cliquez sur "Plan du site", qui est la table des matières, et vous choisissez le chapitre qui vous intéresse. 

Cliquez sur "Nouveaux chapitres"  vous accédez aux dernières pages mises en ligne.

Rechercher sur le site :