Métiers anciens




Le Carillonneur


Entendre carillonner dans nos campagnes est un plaisir devenu assez rare, dont on apprécie la valeur.

L’angélus sonne encore trois fois par jour dans de nombreux villages, et même à Pont-Sainte-Marie.

Comme la quasi-totalité des sonneurs de nos campagnes, le carillonneur  n’a que 3 cloches à sa disposition. Il doit s’en accommoder. 4 fois le refrain et le couplet se répètent, 4 fois les cloches redisent leur chant, un chant dont la simplicité n’est qu’apparente.

         Les quelques sonneurs actuels ont un avantage, ils n’ont plus la charge de remonter l’horloge, à raison de 200 tours de manivelle chaque jour. Un système électrique commande le mécanisme, ainsi que la sonnerie des heures et des angélus.

         Il y a quelques années, il y avait encore un carillonneur à Champignol, M. Robert Dumont, vigneron de son état, et chef de la société de musique locale. Il carillonnait depuis 1954, année où il a succédé à M. Louis Braux, lui aussi carillonneur. Ce dernier, âgé alors de 75 ans, avait débuté très jeune dans le métier. Comme son prédécesseur, il avait hérité de son propre devancier, M. Gérard,  dit Cadet Prosper, les airs qu’il a ensuite confiés à M. Dumont. Grâce à ces 3 hommes, les habitants de ce village ont pu conserver une tradition forte ancienne.

Suivons M. Dumont dans l’exercice de sa fonction.

Il grimpe au clocher par un escalier de pierre, avant de gravir 2 échelles successives séparées par un palier ténébreux. Là, adossé contre un croisillon du bâti de la charpente, il contemple ses grosses cloches (900 à 1800 kilos) : la note do face à lui, le ré à sa gauche, le mi bémol sur sa droite. Les battants de cloches sont reliés au croisillon contre lequel est adossé le sonneur, par des chaînes métalliques comportant anneaux et vis réglables. Les longes qui brident les battants viennent se fixer sur ces chaînes, à proximité des 2 mains du carillonneur. En opérant une rapide pression sur chacune d’elles, il amène les battants au contact de la panse des cloches, le ré à main gauche, le mi bémol pour l’autre main, et son pied droit, engagé dans la boucle d’une corde, commande le do.

M. Dumont connaît par cœur les airs qu’il interprète, il en suit attentivement le rythme et la mélodie, dans le fracas qui va déferler à quelques centimètres de ses oreilles. Puis, ses mains et son pied se déchaînent. Le carillonneur a différents programmes, selon l’annonce qu’il doit faire : mariages, enterrements, baptêmes, fêtes… Il aime parfois, changer, au gré de sa fantaisie, et remplacer une mélodie par une autre, selon l’inspiration du moment. 

Les anciens troyens se souviennent de Camille Martin, Maire de Bernon, Président de la Chambre de Commerce, Président de l’Association Départementale du Tourisme de l’Aube, Conseiller Général, et de Monseigneur Le Couédic, évêque de Troyes (1943-1967). Ce devait être en 1953/1955, les parents de Camille Martin avaient été choisis comme parrain et marraine des confirmations se déroulant à Bernon, sous l’autorité de Monseigneur Le Couédic. A l’issue de la cérémonie, le parrain avait offert le verre de l’amitié dans sa maison. A un moment donné, Mgr Le Couédic, dont la finesse de pensée n’avait d’égale que ses vastes connaissances philosophiques, demanda à haute voix : « Je voudrais bien faire connaissance de l’artiste qui nous a charmé tout au long des vêpres, en faisant vibrer nos cœurs au diapason de ses cloches d’airain ». On va chercher le carillonneur. C’était un petit bonhomme, nanti d’une barbe à la Fallières, vêtu d’un costume noir, mité et ciré par les ans, tenant, entrecroisés religieusement dans sa main droite les fameux maillets. Il passait dans le pays pour un original, ce qui n’excluait pas chez lui, ni le bon sens primaire, ni des connaissances puisées aux sources d’une lecture forcenée. Mgr Le Couédic le complimente, en ajoute un peu, et lui dit : « Mais comment avez-vous fait pour parfaire votre talent et arriver à une telle perfection ? ». L’homme se redresse, semble ruminer sa réponse, qui file comme un boulet de canon : « Mais, Monseigneur, à l’école, j’ai toujours été très fort en mathématiques ». L’entourage maintient difficilement son sérieux, quelques rires éclatent, tandis que l’évêque le gratifie d’une bénédiction supplémentaire, en le félicitant qu’un tel travail l’ait propulsé si haut, et l’assure de son admiration. Tout en s’éloignant, Mgr confie au père de Camille Martin, « je n’ai pas bien saisi l’explication de ce brave homme, mais, dans certains cas, le pouvoir de Dieu fait bien des miracles ».

Personnellement, dans ma jeunesse, ayant été enfant de chœur à La Villeneuve-au-chêne pendant mes vacances scolaires, quel plaisir de sonner les cloches avant la messe. Il y en avait 3, et avec 2 autres enfants, nous tirions de toutes forces sur les cordes, car lorsque les cloches avaient pris leur balancement, nous nous cramponnions à la corde, et remontions jusqu’au plafond !

   

 

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Mr DUMONT
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