Histoires d'eaux



La Seine et ses bords


Mussy sur Seine
Mussy sur Seine

Dans mon chapitre « Les écrivains et la Seine », Charles Nodier (1780-1844) parle de la Seine et Troyes.

 

         Il a écrit « La Seine et ses bords », qui tient du livre d’histoire de géographie et de voyages : « L’histoire de la Seine est, beaucoup plus qu’on ne l’imagine au premier abord, l’histoire de la France elle-même. Son récit suit le cours du fleuve,  le décrit, évoque l’histoire des lieux traversés, livre des impressions ».

 

         Nodier est un conteur incomparable. Voici quelques extraits empruntés à la traversée du département de l’Aube.

 

         Mussy, Polisy, Bar : « En quittant Mussy, la Seine laisse à sa droite la grande route de Paris, et une colline dont la cime est couronnée d’arbres magnifiques ; c’était une promenade  plantée par les évêques de Langres et dépendant de leur château. Maintenant elle appartient à la ville et sert de rendez-vous à ses fêtes. De son extrémité on aperçoit les nombreuses sinuosités que la Seine fait dès son entrée dans le département de l’Aube… Les collines qui bordent le fleuve cessent d’être couvertes  de vignobles sur leur penchant, et de bois sur leur sommet. Le sol de calcaire devient crayeux et presqu’infertile, mais la cause elle-même de son aridité fournit à cette contrée une de ses principales ressources. Connue sous le nom de blanc d’Espagne, et plus justement appelée Blanc de Troyes (voir ce chapitre), la vraie qu’on en tire se répand dans toute l’Europe, et forme une des plus importantes branches du commerce du pays ».

 

         La seine arrose Polisy : « Renommé par ses vins et ses fromages, le village de Polisy possède un superbe château, situé au confluent de la Laigne et de la Seine, dans la position plus agréable et la plus pittoresque, à l’extrémité d’une avenue qui a plus d’un quart de lieue de longueur ».      La ville de Bar-sur-Seine, pendant des siècles eut à souffrir de sa position de place forte : « Instruits par une triste expérience, les habitants de Bar, préférant la tranquillité à la gloire, démolirent de leurs propres mains, et sans autorisations, ces murs qui faisaient tout à la fois la force et le malheur de leur patrie, et eurent recours ensuite à la clémence paternelle de Henri IV pour obtenir le pardon de cet acte audacieux. Ils ont conçu même une telle horreur pour les armes, que ce fut la cause de la décadence complète où est tombée la coutellerie autrefois si renommée de cette ville, qui ne s’occupe plus maintenant que du commerce pacifique des vins ».

 

         La Seine Champenoise : en aval de Bar-sur-Seine, la Seine commence à tendre vers l’ouest. L’aspect des lieux change : « Ici finit le pays des montagnes. Les pentes escarpées et les hautes croupes qui bordent la Seine s’abaissent rapidement. Les flancs de la vallée s’élargissent, et nous entrons dans le bon terroir que nous ne quitterons plus désormais. Car, même en traversant la Champagne pouilleuse, le bassin du fleuve nous présentera sans cesse une bande fertile et richement cultivée, dont la moindre largeur est d’une demi-lieue. Nous nous croirions déjà dans la Brie, si le moindre écart, à droite ou à gauche de la rivière, ne nous conduisait dans des terres crayeuses et arides, qui ne sont plus fécondées par le limon que les inondations apportent chaque hiver dans les prairies de la vallée.

 

         De bourguignonne, la Seine est alors devenue champenoise, et s’enorgueillit de l’être. Car ce titre qu’elle partage avec Racine, Lafontaine, Pithou, le Varron de son siècle, et l’ingénieux Grosley, Girardon, les frères Mignard, n’a rien qui ne soit honorable, malgré l’étymologie insultante qu’on a prétendu donner à un ancien proverbe, dont voici la véritable origine ». Il s’agit du fameux 99 moutons et 1 Champenois font 100 bêtes.

 

         Troyes : « Il y a 2 faits bien curieux sur Troyes et leur étrangeté est d’autant plus remarquable que cette ville est bâtie au milieu des eaux. L’un c’est qu’elle n’a pas une seule fontaine, les habitants préférant pour boisson l’eau de puits à celle de la Seine, qui leur serait sans doute bien plus salutaire, et leur épargnerait les nombreuses fièvres auxquelles ils sont sujets. L’autre, c’est qu’il n’existe pas en France une cité qui ait été plus souvent incendiée. Réduite en cendres en 1188, elle l’a été une seconde fois en 1524. Le clocher de la cathédrale a reçu 8 fois la foudre, et chaque année la ville éprouve les désastres plus ou moins considérables causés par le feu. Mais, nous devons le dire à la louange de ses habitants, le nombre de pompiers y est immense et leur zèle admirable ».

 

         Le canal : « On a entrepris de creuser un canal pour suppléer à la navigation depuis Marcilly, mais les travaux sont encore peu avancés et il est à craindre qu’on ne les abandonne. Leur achèvement serait d’un grand avantage pour le commerce et la richesse de la Basse Champagne, et la contrée prendrait un aspect animé qui n’attristerait plus le voyageur, comme le trajet de Troyes à Méry par la vallée de la Seine. Tantôt un petit port animerait le paysage par son agitation et son mouvement, tantôt une barque de pêcheurs ou une gentille nacelle chargée de promeneurs viendrait égayer le regard, las de se fixer sur des prairies monotones et des îles marécageuses ».

 

         Au péril des eaux : en aval de Troyes la Seine se ramifie de plus belle : « Cette multitude de cours d’eau, dirigés dans tous les sens et formant un long archipel, baigne une grande quantité de villages, tels que Lavau, Barberey, Saint-Lyé, Savières et Rilly. Mais le plus important de tous compte à peine  quelques centaines de chaumières, d’un aspect non seulement chétif et pauvre, mais aussi sale et rebutant. Privés de la ressource que l’abondance des bois de charpente offrait au midi du département de l’Aube, les paysans construisent leurs habitations avec des carreaux de terre faits à l’avance et durcis à l’air, et ils les asseyent sur une maçonnerie de blocailles ou même de craie, à laquelle ils ne donnent guère qu’un pied de hauteur au-dessus du sol naturel. Dans cet état, ces cabanes pourraient facilement être enlevées de leurs bases, et transportées d’un endroit à un autre. Ce qui avait fait proposer il y a quelques années, par un mauvais plaisant, de former une compagnie pour l’établissement d’un magasin ou entrepôt de maisons à Troyes, où chacun aurait pu aller choisir un logement à son goût et à sa convenance, et l’expédier à domicile. Il est sûr que les gens du pays auraient été souvent obligés de renouveler leurs achats, car malgré toutes les précautions qu’on prend d’ordinaire pour éviter le atteintes de la rivière, et pour placer dans les fondations, la pierre de craie la plus dure et la plus solide, les pluies et les inondations ont bientôt miné les constructions les mieux affermies en apparence, et celles qui parviennent à un siècle de durée, obtiennent dans le pays les honneurs d’une antiquité vénérable.

 

         Méry : « Cette ville, chef-lieu de canton, présente un aspect charmant ; son petit port est plein de mouvement, car c’est le premier qui soit ouvert sur la Seine, et l’on y embarque les produits que l’on apporte de tous les points du département de l’Aube. L’intérieur de la ville offre un pâté de maisons, sinon mieux bâties, du moins plus neuves et plus propres que celles de Troyes. Elle doit ce faible avantage au funeste désastre qu’elle éprouva dans le courant de février 1814 (voir ce chapitre).

 

         Nogent-sur-Seine. Après avoir reçu l’Ardusson, « petite rivière pleine de souvenirs pour le voyageur sentimental », à cause d’Abélard et d’Héloïse, la Seine entre dans Nogent (voir le chapitre), qui eut à souffrir, comme Méry (voir le chapitre), des ennuis de Napoléon : « La ville a été totalement restaurée, et il n’y reste plus de traces de ravages de l’ennemi Elle possède des promenades charmantes sur les bords de la Seine et un petit port plein d’activité. Les 2 bras du fleuve sont bordés de plantations, de jardins, de maisons gracieuses, surtout dans l’île étroite qu’ils embrassent ».


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