La Révolution



Lourd tribut payé par l’église pendant la période révolutionnaire


Le décret du 2 novembre 1789, en mettant « à la disposition de la nation » les biens ecclésiastiques, porte au diocèse un coup très sensible.

Mgr Claude-Mathias de Barral a pour coadjuteur son neveu Louis-Mathias de Barral, licencié de l’Université de Paris, qui en fait, gouverne le diocèse à partir de 1789.

Il y a un clergé nombreux : 11 vicaires généraux, 36 chanoines du chapitre Saint-Pierre, 23 de Saint-Etienne et 12 de Saint-Urbain, les curés des 13 paroisses de la ville, ceux des 437 paroisses de campagne. Le clergé régulier : les 97 moines et les 18 convers des abbayes de Clairvaux, Montier-la-Celle, Larrivour, Saint-Martin-es-Aires, Sellières, la Piété-les-Ramerupt, Saint-Jacques, les Cordeliers, les Capucins, les Jacobins et les Chartreux.. Par comparaison, sachez qu’en 2013, il y a 59 prêtres en activité, en tenant compte des prêtres étrangers ! Communautés de femmes : 132 professes et 14 sœurs converses, à Notre-Dame-aux-Nonnains, au Paraclet, à Notre-Dame-des-Prés, à Foissy, les Carmélites, les Visitandines, les religieuses hospitalières à l’Hôtel-Dieu la Trinité, Saint-Nicolas, Saint-Abraham et les Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul. Congrégations enseignantes : pour les garçons : les Oratoriens au Collège de Troyes, les Frères des Ecoles Chrétiennes avec 3 écoles : Saint-Pierre, Saint-Jean et Sainte-Madeleine ; pour les filles : le Bon-Pasteur qui recueille les filles pénitentes et tient école publique, les Sœurs Grises ou de la Charité de Saint Vincent de Paul, les Ursulines.

Le décret du 2 novembre 1789, met à la disposition de la nation, les biens ecclésiastiques, la loi du 13 février 1790, supprime les instituts religieux. 20 curés de campagne sont cependant nommés maires de leur commune. C’est la vente des biens de Montier-la-Celle, Saint-Martin-es-Aires, des Jacobins, de la Trinité Saint-Jacques, de Notre-Dame-des-Prés, des abbayes de Mores, de la collégiale de Saint-Etienne, des églises Saint-Aventin, Saint-Frobert, du couvent des Chartreux et des Capucins à Croncels, de Notre-Dame-aux-Nonnains, de la collégiale de Saint-Etienne, du Paraclet, de la maison des Ursulines, de la Commanderie du Temple et l’argenterie des églises, vendue, envoyée à la fonte. C’est la suppression des congrégations enseignantes et inventaire du Collège, de l’Oratoire du saint-Esprit, des Filles du Bon-Pasteur, des Frères des Ecoles Chrétiennes, du couvent des Carmélites, du prieuré de Foissy, du monastère de la Visitation…C’est l’enlèvement du plomb des clochers de Saint-Nizier, Sainte-Madeleine, Saint-Jean, Saint-Rémi, Saint-Nicolas, la démolition de la chapelle de l’hospice Saint-Nicolas, de l’église Saint-Loup… Les maisons religieuses sont affectées au casernement des troupes : dépôt de bois à brûler pour les militaires à Notre-Dame-aux-Nonnains, dépôt de fourrage et de subsistance militaire à Saint-Jacques (à démolir), tribunaux et écuries au Palais des Comtes, écurie de passage pour la cavalerie dans l’église des Cordeliers, hôpital militaire à l’évêché, bibliothèque, dépôt de vin et de subsistances militaires à l’église Saint-Loup, logement du commissaire des guerres à l’abbatiale, dépôt des subsistances militaires au Grand-Séminaire, prisonniers de guerre au Petit-Séminaire, casernes et dé tribunal criminel et écuries de la gendarmerie au couvent des Cordeliers, Palais de Justice : tribunaux et écuries de passage (à démolir), déserteurs étrangers et local destiné à la gendarmerie au Bon-Pasteur, écuries militaires, caserne et dépôt des fourrages aux Jacobins, casernement des vétérans nationaux à l’Oratoire et dépôt des chanvres de la République dans la chapelle, écoles primaires dans les presbytères de la Madeleine, Saint-Jean, maison des Sœurs Grises, des Petits-Frères de Saint-Nizier, et des sonneurs de Saint-Rémi. Ajoutons  la dégradation de monuments et objets d’art. Sont expédiés à Paris les objets d’or, d’argent et de cuivre, les cloches provenant des églises. Les croix des chemins sont mutilées, les statues décapitées, les 2 tombeaux des Comtes Henri 1er et Thibaud III, œuvres d’une incroyable richesse du XII°, détruits. La mise à sac du trésor de la cathédrale : brisé un magnifique buste en argent de saint Loup, des châsses ciselées d’une valeur inestimable de sainte Mathie, des saints Potentien et Sérotin, les reliquaires de saint Savinien, saint Loup, saint Camélien, sainte Tanche. L’or, l’argent et le cuivre sont expédiés à Paris. De la statuaire du XVI° s. de la façade de la cathédrale, rien ne subsiste. A l’intérieur, disparition des statues, des vitraux du XIII° s., remplacés par des verres blancs afin de mieux éclairer les fêtes de la déesse Raison, démolition du jubé du XIV° s., gênant les cérémonies du culte constitutionnel. La statue de cuivre de 4 pieds de haut de saint Urbain, placée sur le maître-autel de la basilique, disparaît, de même que les 2 textes d’évangiles, garnis d’argent doré, dont les tours étaient revêtus de pierreries. Le jubé de la Madeleine échappe de justesse à la destruction, car une paroissienne a l’à-propos d’affirmer aux ouvriers qui vont y procéder, qu’il sert de soutien aux piliers. Alors, ils se contentent de marteler les fleurs de lys. La « Belle-Croix », qui depuis 3 siècles se dresse près de l’Hôtel de Ville, est abattue. Dans le département, il y a des cas de résistance : les femmes d’Herbisse, à coups de pierre et sous la menace de leurs fourches, mettent en fuite les ouvriers venus pour enlever l’une des 2 cloches. Il faut envoyer des hussards qui, sabre au clair, protégent l’opération. A Landreville, les femmes envahissent l’église pour empêcher l’enlèvement des cloches. Une s’assied sur la plus grosse et dit :« Elle a sonné pour ma naissance, elle sonnera pour ma mort. Si on l’enlève, elle passera sur mon corps ». La municipalité bat en retraite !

Le 12 juillet 1790 est votée la Constitution civile du clergé. C’est la véritable Révolution religieuse. L’évêque est désigné par le corps électoral du département et reçoit l’institution canonique du métropolitain et non du pape. Les curés sont choisis par le corps électoral du district. Le 27 novembre 1790, la Constituante prescrit aux évêques, curés, vicaires, aumôniers, professeurs, considérés comme fonctionnaires publics, de prêter serment : « je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m’est confiée, d’être fidèle à la nation, à la loi, au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution civile du clergé décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi ». En 1792, le commissaire requiert la municipalité de faire habiller en bourgeoises toutes les religieuses et de les chasser de leurs maisons. La Législative institue le divorce, et interdit aux curés la tenue de registre des baptêmes, mariages et enterrements. Le mariage n’est plus considéré que comme un contrat civil, le seul reconnu par l’Etat.

Sur les 59 ecclésiastiques de Troyes astreints au serment, il y a 21 adhésions contre 38 refus, et dans le département, 327 soumissions et 212 refus. Des moyens de suppression du clergé, la guillotine est le plus radical. Elle est dressée sur la Place Saint-Pierre, à Arcis et à Ervy.

En 1792, 3 prêtres de Troyes, sont massacrés à Paris. L’ancien curé de Saint-Aventin ayant refusé de prêter serment, lors d’une visite domiciliaire, on trouve chez lui un autel avec tous les objets du culte catholique. Le chanoine est arrêté et conduit à l’Hôtel de Ville. Il refuse de prêter serment et est conduit à la prison. On lui demande de crier « Vive la Nation », le chanoine refuse et déclare en jetant 2 écus à terre « Je ne crierai pas ! Voici 6 livres pour celui qui me tuera ! ». Le malheureux a la tête tranchée d’un coup de hache. On lave la tête dans la rivière voisine et on la promène dans toutes les rues, puis on la porte à l’Hôtel de Ville, où toute la nuit suivante, on amène les prêtres réfractaires pour leur faire prêter serment devant le sinistre trophée. En 1793, le curé de Salon est fusillé, et l’abbé de Nesle-la-Reposte monte sur l’échafaud. En 1794, c’est le tour du grand chantre du chapitre de la cathédrale, d’une religieuse Ursuline, d’un Cordelier de Bar-sur-Aube, du curé de Premierfait, de celui de Dierrey-Saint-Julien, une carmélite, le vicaire d’Aix-en-Othe, le lieutenant du bailliage, l’avocat du roi au présidial de Troyes et 3 autres civils. Environ 150 prêtres, dont notre évêque, émigrent en Suisse, quelques uns en Belgique, Luxembourg, Pologne, Italie, Espagne et Angleterre. Une soixantaine, que leur âge ou infirmités dispensent de quitter la France, sont internés. Une vingtaine sont déportés, à l’Île de Ré, à l’Île Madame et en Guyane.

 En 1793, 3 jours après son arrivée à Troyes, du haut de la chaire de la cathédrale, le jeune commissaire de la Convention, Alexandre Rousselin, fait acclamer son programme de suppression des prêtres, de fermeture des églises et d’abolition du culte. Environ 150 ecclésiastiques viennent déposer sur le bureau des comités révolutionnaires, leurs lettres de prêtrise. La Convention décide que tout prêtre marié ne pourra être déporté. On relève ainsi 18 curés et 13 religieux mariés en 1793/1794.

Dès novembre 1793, la cathédrale de Troyes est transformée en temple de la Raison. Au-dessus de l’autel se dresse une statue de la Liberté, une déesse Raison préside à la « messe républicaine », chaque décadi, une fille coiffée du bonnet phrygien est installée sur l’autel. Le chœur se transforme en salle de danse, la musique occupe une partie des stalles. C’est le lieu de véritables fêtes des sans-culottes. Ces jours-là, il y a grande affluence, et le soir, on place des lanternes prises dans les rues pour éclairer les danses, jusqu’à des heures avancées de la nuit. L’église devient le lieu de crapuleuses débauches, certains font l’amour sur les autels, d’autres se livrent à tous les jeux de la passion, des prostituées racolent… on en entend de fausses confessions très hardes… on baise dans toute l’église

En 1794, Robespierre obtient de la Convention que le culte de la Raison soit remplacé par celui de l’Etre suprême, et Troyes se plie à ce nouveau culte. La cathédrale devient « le Temple des Lois », et il y est organisé de grandes fêtes civiques. Un ami de Marat, de passage à Troyes en 1794, signale son passage par la remise en liberté de 128 détenus, dont 26 prêtres. Voici quelques uns des motifs d’élargissement : « la femme Duflot, mère d’émigré, mais très pauvre, a 6 enfants en bas âge et un mari imbécile ; Mérat, ex-curé, homme très borné et sans aucun moyen de nuire ; Régley, vieille dévote sans conséquence ; Benoît, ex-chanoine, vieillard, homme de lettres, incapable de faire du mal ; Camusat-Descarets, homme de toute nullité, sans moyens, incapable de faire le bien ou le mal ». La municipalité révolutionnaire, le 20 janvier 1798, décide de détruire toutes les églises troyennes sauf la cathédrale, propose de créer à l’emplacement de Saint-Nicolas un réservoir des eaux, à celui de Saint-Nizier un marché, à celui de Saint-Rémi une place d’armes, de Sainte-Madeleine un lieu de réunion pour les pompiers. Saint-Jean, Saint-Urbain, Saint-Pantaléon doivent être remplacées par des rues et Saint-Gilles par des habitations. Heureusement, le Ministre de l’Intérieur du Directoire casse cette délibération.

La mort de Robespierre (1794), et la loi du 21 février 1795 sur la liberté des cultes ainsi que le décret de réouverture des églises mettent fin à ces luttes.

L’Eglise de Troyes est restée digne de sa mission,et, malgré les ruines très grandes, matérielles ou morales, qu’elle provoqua dans le diocèse, la Révolution, dans son œuvre antichrétienne, aboutit à un échec, un « avortement », comme l’a souligné un observateur impartial Albert Babeau.

 

 

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