Religion



Un usage d’antan : la Procession à Saint-Martin-ès-Vignes


Au XV° siècle, l’église Saint-Martin était bâtie rue Sainte-Jule, sur une petite place délimitée par les rues actuelles Ambroise Cottet, Sainte-Jule et de la Paix, en face l’entrée du Petit Lycée.

Le 10 novembre, veille de la fête du patron de la paroisse, les Chanoines de Saint-Pierre se rendaient à Saint-Martin en procession, ils y chantaient les vêpres, et se réunissaient ensuite chez le curé pour y faire une collation.

Les origines de cette coutume sont inconnues, parce que trop anciennes. La première mention de son existence est un procès-verbal du 13 juillet 1409, dont voici le passage essentiel : «… les doyens de l’église de Troyes sont accoutumés pour chaque an, la veille de la Saint-Martin d’hiver, faire procession et aller en l’église paroissiale Saint-Martin-ès-Vignes-lez-Troyes et chanter vêpres. Après lesquelles le curé de ladite église Saint-Martin doit et est tenu administrer aux chanoines feu en sa maison et à boire en 3 fois : bon vin vermeil, bon vin blanc et bon vin vermeil, donner 6 chandelles de cire ou bougies bonnes et suffisantes, et aux enfants de chœur, s’il est jour de manger chair, administrer chair rôtie avec oignons, sur une table au milieu de la chambre du curé, ensemble pain et vin.  S’il n’est jour de manger chair, administrer auxdits enfants harengs avec moutarde, pain et vin… ».

La cérémonie, entièrement aux frais du curé était lourde pour son budget. En 1468, il voulu empêcher la distribution des chandelles. Le chapitre lui intenta un procès, et depuis, la coutume fut scrupuleusement observée pendant plus d’un siècle.

La procession fut supprimée 2 fois : en 1582, les huguenots « étaient les plus forts en cette ville de Troyes », en 1583, une terrible épidémie de peste sévissant à Troyes, et le curé de Saint-Martin en étant mort « le goûter fut remplacé à prix d’argent ».

L’année 1590 marque un grand changement dans l’histoire de la paroisse. Le comte de Saint Pol, commandant à Troyes pour la Ligue "craignant que la ville ne fût assiégée à cause des guerres civiles qui désolaient le royaume, fit raser l’église Saint-Martin, ainsi que celles des Mathurins ou Trinitaires et des Antonins, qui étaient trop près des remparts". Les matériaux servirent à édifier le fort Chevreuse.

« Dans la même année, on choisit un lieu pour bâtir une nouvelle église, et par sentence de l’official, on s’arrêta à l’héritage de Luc Lorey », où elle est encore aujourd’hui. La construction commença aussitôt, et n’empêcha pas la procession de se dérouler. A cette époque, la voirie devait être en mauvais état, car avant, les marguilliers « sont tenus pour d’autant plus honorer et faciliter ladite procession, de affermir le chemin de paille et de roseaux dans les endroits bourbeux et fangeux ».

Une partie de la cérémonie avait lieu sur la voie publique, le curé et les prêtres recevant les chanoines à la croix de Pouilly, qui se trouvait sur la place où débouchent, aujourd’hui, les rues des Marots, Ambroise Cottet et l’avenue Pasteur. Le curé les conduisait dans l’église pour les vêpres et au presbytère pour le goûter (viande et vins) et la distribution des chandelles.

En 1591, la procession devenait une lourde charge : la reconstruction de l’église coûtait très cher, les revenus de l’église diminuaient, et les frais augmentaient, la nouvelle paroisse étant très étendue, comptant 4.000 fidèles, il avait fallu embaucher « 2 prêtres, 1 magister et une chambrière pour les secourir et administrer et préparer leurs vivres ». Le curé demanda à l’évêque la suppression de toutes ces charges.

A l’issue de la procession de 1591, il refusa de servir le goûter et de distribuer les chandelles. Le chapitre l’attaqua. L’affaire fut conduite devant le bailliage de Sens, le chapitre demandant le maintien de ses privilèges, le curé en réclamant l’abolition. On batailla ferme pendant 4 ans, et le curé Bessard fut condamné aux dépens et à continuer cet usage. Ce dernier ne se considéra pas vaincu et l’affaire fut appelée devant le Parlement. En 1604, l’affaire se termina dans un sens favorable au Curé, et la procession se déroula sans incident jusqu’en 1686, époque à laquelle un arrêt du Parlement la supprima.

Et depuis, ce souvenir de la vie paroissiale dort dans les parchemins, aucune cérémonie, en l’église Saint-Martin-ès-Vignes, n’est une survivance de cet « usage d’antan ».      

       

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