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Hôtel de Jacques Nicot


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La rue du Palais de Justice était connue, avant 1851, sous le nom de rue du Bourg-Neuf.

Les façades et toitures de l’immeuble du n° 29, ont été classées sur l’inventaire des sites dont la conservation présente un intérêt général, par un arrêté du Ministre de l’Education Nationale en date du 10 septembre 1945, qui préserve également dans cette même rue, les numéros 3, 5, 23, 25, 31 et 33.

Intéressons-nous au n° 29. Parmi les notoriétés de ses habitants, nous trouvons un notaire royal, un procureur du roi, un trésorier général des receveurs de la généralité de Champagne, un lieutenant en la prévôté, un trésorier des poudres et salpêtres, échevin et maire de Troyes, un avocat au Parlement, un lieutenant en l’Election, un conseiller au baillage et siège présidial également échevin et maire…

L’abbé Etienne Georges évoque les bonnes soirées qui se tenaient au XVIII° siècle dans cet hôtel qui portait alors le n° 100 de la rue du Bourg-Neuf.

On se trouve en présence d’un bâtiment construit immédiatement après l’incendie de 1524. D’importantes modifications eurent lieu depuis le XVI° siècle. La façade sur la rue présente au rez-de-chaussée une fenêtre pourvue de barreaux de fer. Le second étage s’ouvre sous une corniche à modillons en quart de cercle.

En 1503, l’administration de l’Hôtel de la Monnaie vend cette propriété à Jacques Nicot.

Un petit pavillon édifié à droite du porche, servait de logement au portier. Il possédait sur la rue une unique et étroite fenêtre de 30 cm x 80 cm, armée de barreaux de fer. La cheminée s’ornait d’une lourde taque en fonte (heureusement conservée), de 1,12 m sur 0,85 m, curieuse et intéressante. Elle comporte, en dehors d’encadrement, croix et étoiles formés au moyen d’une sorte de corde tressée (évoquant des cordelières de religieux), quelques 9 blasons de dimensions inégales : 3 d’entre eux, alignés en tête, sont aux armes royales (à 3 fleurs de lys). 2 sensiblement plus importants, paraissent appartenir à une abbaye, si l’on s’en rapporte à la crosse qui les surmonte. Parmi les 4 autres, 2 s’apparentent assez bien aux armoiries de la famille Clément (voir plus loin), bien que le « maillet en pointe » soit, ici, remplacé par 1 étoile à 6 branches. Les 2 derniers sont mi partie avec étoile, mi partie portant 1 coq, les pattes dans un nid. Sous le corps de logis principal est creusée une grande cave voûtée en pavés de craie et pourvue de 4 arcs de soutènement en briques. On y accède par un escalier de pierre de 20 marches, prenant son origine dans la cour d’entrée, à proximité du porche. A droite et vers le milieu de cette cavité, s’ouvre une courte galerie d’une hauteur de 2 m 20 terminée par un mur creusé, à son coin droit inférieur, d’un puits aujourd’hui comblé. L’intérieur circulaire  est construit en petits pavés de craie réguliers et l’ouverture est ornée d’un arc en accolade à 0 m 85 au-dessus du sol. Dans la seconde cour existaient aussi 2 autres puits servant aux besoins courants des habitants. Dans cette galerie, et perpendiculairement à celle-ci, 2 autres petites galeries se détachent, ayant environ 4 m de long sur 1 m 60 de large. Celle de droite, qui devait s’enfoncer sous la rue a été visiblement murée. Celle de gauche se termine par une petite niche. Leur édification  rappelle le souvenir de l’incendie monstre de 1524, et ne sont pas étrangers aux soins tout particuliers apportés à la construction de ces réseaux de caves et caveaux, aptes à remplir le rôle d’abri, de cachette, et aussi d’issue dérobée en cas de sinistre ou de tout autre danger, guerre ou émeute par exemple. De cette cave, un passage conduit à un escalier à vis dont la cage circulaire, le pilier central sont en pavés de craie, et les marches usées, en pierre. Il aboutissait dans la cour.

C’est sur un terrain appartenant précédemment à l’abbaye de Pontigny, que cet hôtel aurait été bâti, au début du XVI° siècle. Il apparait en effet que lors de la session consentie à la Moniale au XIV° siècle, la propriété de l’abbaye occupait un emplacement s’étendant depuis la rue de la Monnaie jusqu’à la rue du Bourg-Neuf, affectant la forme d’un long rectangle dont les petits côtés se trouvaient sur les 2 rues. Le  26 septembre 1503, une aliénation a eu lieu, ayant pour objet un terrain situé entre les fourneaux et la rue du Bourg-Neuf. Il est d’abord vendu à Pierre Jullian, sergent royal à Troyes, lequel « acheta une place vide étant entre l’hôtel et pourpris de la Monnaie et répondant sur la rue du Bourg Neuf. Jacques Nicot, a renchéri ladite place ». Ce dernier l’avait acquise pour ajouter à son immeuble et bâtir la maison qui nous occupe. La même année, les Trésoriers de France donnent des lettres d’accession pour partie de cette maison, en faveur de Jacques Nicot, clerc notaire à Troyes, lequel accrut encore son bien par une acquisition faite en 1509 à Jean Chaguenot, boulanger, et à sa femme, du côté ouest de l’immeuble. Sa maison était alors en censive du Roi pour la partie contigüe au passage de la Monnaie, et en censive de l’hôpital Saint-Bernard, pour celle commençant à la porte cochère et situ du côté de la rue Jaillant-Deschainets.

En 1519, Jacques Nicot rachète « desdits Trésoriers de France » 30 livres de rente qui grevait sa maison. Jacques Nicot était « notaire royal en la prévosté de Troyes » pendant le règne de Louis XII, et nous trouvons son nom le 10 novembre 1509 au bas d’un acte de collation des lettres d’affranchissement  accordées à la ville de Troyes par Thibaut IV, comte de Champagne en 1242.

En 1531, cette maison appartient à Nicolas de Pigney. Elle lui est achetée par Pierre Clément, sieur de Pouilly, qui l’augmente en 1542 par une nouvelle acquisition faite au sieur Choregnot. Le blason de Pierre Clément est reproduit sur un carrelage conservé au Musée de Troyes (provenant de l’église de Vallant-St-Georges) et portant la devise : « tous jours seray Clément », la syllabe « Clé » étant remplacée par une clé mise en pal. Ces armes sont celles de Nicolas Clément, chanoine de Saint-Pierre et de Saint-Etienne à Troyes, fondateur de la chapelle, dite chapelle Clément, qui existait à Saint-Etienne. Elles figuraient sur la clé de voûte de cette chapelle et sur un vitrail représentant Nicolas Clément, daté de 1540. Le sieur de Pouilly, procureur du roi, devint un calviniste militant et convaincu. Dans sa maison du Bourg-neuf, se tenaient des prêches et assemblées publiques. Il fit partie des protestants qui, en 1563, quittèrent la ville devenue peu sûre pour eux, se rendirent maîtres de Bar-sur-Seine et s’y livrèrent aux pires turpitudes, avant d’être chassés par les catholiques troyens. Prisonnier des gens d’armes du duc de Nevers et ramené à Troyes, il fut condamné, le 2 septembre 1563 à être pendu après avoir subi la question extraordinaire aux fins d’obtenir de lui des aveux sur la rébellion. Mais, jusqu’à la potence, il se refusa obstinément à abjurer sa foi. Son exécution, sur la place du Marché au Blé (place Jean Jaurès) donne lieu à une scène atroce. A peine eut-il expiré, que le peuple, indigné par la fermeté de ses convictions, coupa la corde qui le retenait, brula la plante de ses pieds, lui arracha les yeux, lui coupa le nez et le sexe, le mutila affreusement et le traina jusqu’à la cathédrale avant de le rejeter dans le ru Codé.

En 1571, les héritiers de Pierre Clément vendent la maison à François Gaspard, trésorier général des receveurs de la Généralité de Champagne, sieur du Sou (hameau détruit sur le finage de Bernon), et qui dut à sa qualité de lieutenant en la prévôté, l’honneur de représenter la Justice lors de l’assemblée convoquée en avril 1594, pour prendre connaissance des lettres de Henri IV, conviant le clergé, la justice et l’échevinage à le reconnaître roi de France.

En 1576, Jacques Angenoust acquiert la propriété, et conserve cet hôtel jusqu’à sa mort, soit pendant plus de 40 ans. Il apporte un soin particulier à l’embellir et à l’enrichir. Ses armoiries, encore gravées dans la pierre, ainsi que les initiales d’or découvertes dans une boiserie intérieure, en sont le témoignage. Les Angenoust, connus depuis le XV° siècle, étaient une « vieille et considérable famille de Troyes ». Jacques, trésorier des poudres et salpêtres de Champagne et Brie, fut l’un des 4 échevins élus le « mardi surlendemain de Pâques avril 1586 », avec Claude d’Aultruy, Jehan Fauves, Nicolas Hennequin. Jacques Angenoust, réélu, devint maire de Troyes, du 24 septembre 1607 jusqu’au 11 juin 1608. Il participa de façon active à la vie politique de la cité, et, sa popularité et son autorité lui valurent, à différentes reprises, d’être choisi par ses concitoyens pour les représenter : député du Tiers-Etat en 1588, il fait partie du conseil du duc de Chevreuse, en 1593, à nouveau député du Tiers-Etat, il est chargé de la rédaction des cahiers présentés aux Etats-Généraux, en 1594 il signe le procès-verbal de la reddition au roi Henri IV, il participe à la rédaction du cahier du Tiers-Etat en 1614…

Il avait épousé en 1558, Marie Chiffalot dont la famille possédait la seigneurie de Bouy-Luxembourg et d’Auzon. Il est enterré dans l’église Sainte-Madeleine, sous une pierre tombale en marbre devant l’autel Saint-Louis.

En 1673, l’immeuble est possédé par Jacques et Odard Forêt, héritiers de Marie Angenoust.

En 1682, cette résidence appartient aux enfants d’Odard Forêt.

En 1729, Elisabeth Forêt qui en est propriétaire, étant veuve, c’est son fils aîné Nicolas de Veillard auquel l’Hôtel échoit.

En 1750, il le vend à Antoine Nicolas Gonthier, avocat en Parlement, qui construit au fond de la cour un grand bâtiment, achevé en 1766.

En 1769, sur le plan Coluel, la maison porte le n° 343 et mentionne Mme veuve Gonthier propriétaire, alors qu’elle avait été cédée dès 1766, à Gabriel Pistollet, lieutenant particulier en l’élection, personnalité influente, puisqu’il figure dans la liste des 3 notables proposés au roi pour remplir les fonctions de maire, avec Grosley, avocat de l’Académie des Belles Lettres, et le comte de Villebertin (ce dernier a été choisi).

En 1775, la propriété est vendue à l’un des membres « les plus influents de la magistrature troyenne », Jean-Baptiste Comparot ancien gendarme de la garde ordinaire du roi, conseiller en bailliage et siège présidial de Troyes, seigneur de Longsols.

Pendant la période qui précéda la Révolution, les salons de la rue du Bourg neuf, où se rencontraient principalement la noblesse et la magistrature, connurent de joyeuses et brillantes soirées, grâce surtout à la présence des magistrats du Parlement de Paris, alors exilé à Troyes. En particulier, le salon de M. Comparot faisait les délices de la magistrature troyenne : « cet hôtel donnait des soirées où se ravivaient les relations de bon voisinage, on y jouait, on y chantait, on y dansait, on y lisait des vers, on y composait des charades, on s’y amusait à des représentations théâtrales… ».

Hélas, des lendemains moins agréables attendaient bon nombre des habitués de ces joyeux rendez-vous, car la Révolution approchait à grands pas. Le 12 mai 1789, J-B. Comparot, en sa qualité d’échevin, participe à l’assemblée qui, sous la présidence de Claude Huez, désigne les 10 commissaires chargés de travailler à la rédaction du cahier de doléances du Tiers-Etat de la ville. Après le meurtre de Claude Huez, son voisin, J-B. Comparot est appelé à lui succéder, comme maire de Troyes. En 1790, Camusat de Bellombre lui succède. Bientôt, persécuté et menacé de mort, celui qui s’était tant dévoué pour ses concitoyens est arrêté et incarcéré. En effet, considéré comme père d’émigré (son fils Anne-François s’était évadé en juillet 1931), le Comité de surveillance de la première section le fit enfermer au Grand Séminaire de Troyes, le 9 octobre 1793. Le citoyen Maure, représentant du peuple près le département de l’Aube, envoyé à Troyes par la Convention, maintint son incarcération comme « ayant regretté le tyran et ennemi de la Révolution ». Il ne sera libéré que le 20 novembre 1794.

La propriété passe à son gendre Simon-Nicolas Martin, puis de Mlle Flore Martin, épouse d’Hyppolite Sourdat, et en 1824, elle est acquise par Arsène Prévot, avocat à Troyes, et Angélique Courtois, sa femme.

M. Prévot, frère et héritier d’Arsène Prévot, la vend en 1863 à Joseph-Jean-Baptiste Retournat qui y décède en 1898, sans laisser d’héritier naturel, ayant institué pour légataire universel M. Georges-Victor-René Dubois, tenant à cette adresse en 1904, un commerce d’huiles et savons.

En 1905, M. Jean-Marie Rouvre acquière l’hôtel de M. Dubois.

En 1936, M. Durand-Soyer, en est propriétaire et ouvre une boutique de livres anciens (les vieux Troyens s’en souviennent bien). Il entreprend des travaux importants.

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