Métiers anciens




Puisatier


Les belles margelles de nos humbles puits témoignent de toute l’importance qu’on attribuait à ces ouvrages vitaux, creusés par nos aïeux et entretenus par eux avec beaucoup d’amour et de soins. 

 

Il en est des puits comme de tout élément traditionnel. Les puits, comme les maisons, sont ce qu’en ont fait les habitants de la contrée où ils sont implantés, avec les matériaux dont ils disposent. Dans les pays d’argile, où sont implantées tuileries et briqueteries, les margelles des puits sont maçonnées de briques.

 

On perçoit rarement de l’extérieur la profondeur d’un puits. On peut deviner qu’elle est importante lorsqu’il possède une imposante margelle et un treuil d’un diamètre supérieur à la normale. On peut toujours tenter d’évaluer la profondeur de l’eau, en écoutant tomber une pierre lancée par-dessus la margelle.

 

L’habitude de couvrir les puits ou de les entourer est née d’un besoin de protéger les humains et les bestiaux du danger qu’ils représentent. On a voulu en même temps sauvegarder la pureté de leur eau, en empêchant qu’il y tombe des éléments étrangers, source de contamination.

 

Les puits sont presque toujours protégés par un bâti de bois ou bien cerclés de pierre ou de briques. Un appareillage les complète, composé principalement d’une poulie ou d’un treuil à manivelle. Autrefois, on puisait l’eau à l’aide d’un crochet de bois rustique avec lequel on descendait et remontait le seau. On se servait aussi de cordes en tilleul. Le treuil et la poulie permirent de tirer l’eau avec un effort moindre.

 

Il arrive que les puits d’une région bien déterminée frappent par leur unité, tous les puits sont construits de même façon, ils appartiennent à un même type. Ainsi en est-il des puits que l’on trouve dans les villages situés immédiatement à la sortie de Troyes, en direction du nord-est. La cabane carrée qui les couvre est coiffée d’un toit à double pente. Une porte occupe la moitié de l’un des pignons, à la gauche de la manivelle. Il faut ouvrir le portillon pour saisir l’eau. Un tambour de bois de fort diamètre, témoigne de la grande profondeur du puits. Une autre région dont les puits sont caractéristiques est située au sud de l’Aube, aux alentours d’Ervy-le-Châtel. Ces bâtiments de puits sont cylindriques, élevés à hauteur d’homme et maçonnés de briques. Ils sont généralement couverts par une dalle de pierre circulaire. Quelques uns seulement affectent une forme carrée. Leur ouverture occupe toute la hauteur de la construction, elle est fermée par une porte de bois. On remonte l’eau au treuil et on récupère le seau au niveau du sol.

 

Dans les régions où la pierre abonde, on a utilisé de grandes dalles plates taillées, dressées autour des puits. Elles peuvent les fermer complètement (Alleville) ou n’être que pour supporter le treuil (Fays-lès-Marcilly).

 

Dans les villages des environs d’Arcis-sur-Aube, qui comptaient autrefois un atelier de bonnetier par famille, ce sont les anciens métiers qui ont servi de bâti au-dessus des puits. Il a suffi qu’on les dote d’un toit et qu’on y incorpore un treuil avec sa manivelle. Cela a permis de conserver un certain nombre de vieux métiers à bonneterie, en bois. Ils auraient probablement été détruits sans cela.

 

D’autres puits sont d’un aspect plus riche. Leur margelle est travaillée. L’appareillage qui supporte le treuil ou la poulie est compliqué de nombreuses arabesques. Ces monuments témoignent de leur appartenance au domaine d’un noble ou à la demeure d’un bourgeois. Ils portent parfois les armoiries du propriétaire. On n’a pas détruit ces puits ou ces margelles, lorsque l’on a jugé qu’ils évoquent une partie de notre histoire locale. Nos musées ont ainsi recueilli des margelles « transplantées ». (Lire dans le chapitre « Histoires d’eau »,  le sous chapitre « Les puits »).

 

Les puits sont souvent, comme les sources, aux côtés d’une chapelle, au chevet d’une église, et même il en est un à l’intérieur.  Que vient donc faire un puits au beau milieu de la maison de Dieu ? On avance en général qu’il s’est agi là d’une mesure de défense. L’eau aurait été nécessaire pour le cas où l’église aurait été assiégée. La vraie raison est que nous nous trouvons toujours en un lieu où l’on pratiquait un culte, antérieurement au christianisme. Nos ancêtres ne pouvaient ignorer ce lieu sacré. Ils étaient restés fidèles à son eau, véhicule des aspects bénéfiques de la sacralisation. La nouvelle religion avait à choisir entre la destruction des anciennes croyances et leur adaptation aux rites qu’elle recommandait. Dans ce cas particulier, il est évident qu’elle a préféré les intégrer, les annexer, les sanctifier. Cela lui a semblé préférable à une destruction quasi impossible.

 

On dit qu’un seigneur, assiégé par ses ennemis et prêt de se rendre, avait jeté dans le puits du château de Bagneux-la-Fosse, la totalité de sa vaisselle d’or et d’argent, qu’il voulait soustraire aux pillards. Depuis, on a essayé maintes fois de récupérer ce trésor, mais de malins esprits ont toujours détruit, la nuit, les travaux d’approche entrepris pendant le jour. Personne n’a jamais réussi à découvrir quoi que ce soit.

 

Il parait qu’une cloche (d’or ?) a été déposée dans le puits du château de Chappes, à l’époque de la Révolution. Non seulement on n’a pas retrouvé la cloche, mais nul n’a jamais pu situer l’emplacement du puits en question.

 

Les puits étaient un danger permanent que l’on redoutait… ou qui attirait ! On a vu plusieurs personnes se donner la mort en se jetant dans leur puits par désespoir. Par exemple, à la suite de l’effondrement des fonds russes, pendant la première guerre mondiale, un homme se trouva subitement ruiné, ayant investi tout son avoir en Moscovie. Il ne put surmonter son chagrin et mourut. Sa femme désespérée se jeta dans son puits.

 

Lors de l’évacuation d’un village de l’Aube en 1940,  un villageois cacha des bouteilles de Champagne et d’huile au fond de son puits. Rentré au pays, il dut le faire assécher pour récupérer son « trésor ».    

 

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