Les Crimes



Bain de sang à l'usine



Le jeudi 28 octobre 1999, Dulio Melao-Garces, 100 kilos, entre comme une trombe dans les locaux de la SMJC, usine de bonneterie de la Chapelle-Saint-Luc. Il croise Dominique Maillot, le délégué CGT. « Toi, je ne te dis pas bonjour, tu m’as trahi ! », et il tend la lettre de licenciement qu’il a reçue en recommandé. « Tu as vu ce qu’on m’a envoyé ? ». « Je sais, répond calmement le syndicaliste, il faut que tu prennes un conseiller pour l’entretien préalable ». « Pas la peine, je vais régler le problème moi-même. Et toi, le délégué, rigole pas, tu es sur ma liste ! ». Sur ces mots, Dulio s’engage dans le petit couloir qui mène au bureau du PDG Alain Potentier. Dominique Maillot le regarde faire, sans être spécialement être inquiet. En effet tous sont habitués aux coups de gueule de Dulio, à ses « je te ferai la peau ! » et autres « T’iras au cimetière ! », qu’il vous envoie à la figure à la moindre contradiction. Personne, en fait, ne le croit capable de mettre ses menaces à exécution.

Il est 8 h 30, Alain Potentencier le patron de la SMJC, vient justement d’arriver dans l’entreprise avec sa compagne et collaboratrice Paule-Nicole Guenoun. Potentencier est assis à son bureau lorsque Dulio fait irruption dans la pièce en brandissant un pistolet automatique 6.35 et en hurlant. « Alors, on veut me virer, c’est ça ? ». L’homme braque successivement son arme sur Alain et sur Paule-Nicole.

Alain Potencier se débat depuis des années pour faire survivre son entreprise. Les affaires sont dures dans le textile, et la petite société qui emploie 29 salariés, est en redressement judiciaire depuis janvier 1999. Alain a réussi à convaincre ses ouvriers d’accepter des sacrifices pour éviter une liquidation pure et simple, qui les mettrait tous au chômage. Et, tout le monde joue le jeu, dans l’attente de la décision du tribunal de commerce qui doit intervenir le 9 novembre prochain : heures supplémentaires le samedi matin, suppression provisoire du treizième mois… Personne, sauf justement Dulio qui a lacéré rageusement le tableau d’affichage syndical où est annoncée cette dernière mesure.

Dulio est un cas : divorcé, père d’une grande jeune fille qui habite en Seine-et-marne, il a été licencié une première fois en 1996, lorsque l‘entreprise a connu ses premières difficultés. Alain Potencier, ému pas sa détresse, l’a réembauché. Mieux, il lui a prêté de l’argent pour régler ses retards d’impôts et pour louer un studio rue Jean Zay, près de l’usine. Il gagne 7.400 F nets par mois, et ne manifeste aucune reconnaissance à son employeur. A l’atelier, au contraire, les incidents se multiplient : il arrive régulièrement en retard, il se montre agressif au travail, et surtout il est négligent.

Plusieurs fois, Alain Potencier le met en garde. Courant octobre, Dulio qui doit fabriquer 84 mètres de maille spéciale sur son métier à tisser, ne s’aperçoit pas qu’une aiguille est cassée. Résultat, le client mécontent renvoie la pièce défectueuse. Le travail est à refaire : perte de temps, perte d’argent et de crédibilité. Le PDG, cette fois décide de sévir, et envoie à Dulio, un préavis de licenciement par lettre recommandée. D’où l’irruption ultra-violente de l’ouvrier ce jeudi 28. « Ne fais pas de bêtise, calme-toi, on va s’expliquer », lance Alain, sans perdre son sang-froid.

Au même moment, arrive Didier Machado le chef d’atelier. En apercevant l’arme, il n’a pas le temps d’esquisser le moindre geste de défense : Dulio appuie sur la détente. Didier s’effondre, la balle l’a frappé en plein cœur. « Appelons les pompiers », dit calmement Alain Potencier. Dulio tire sur son patron, le blessant à la mâchoire, puis il vise Paule-Nicole et l’atteint à la gorge. « Barre-toi ! lance-t-il à un ouvrier qui s’approche, intrigué par les détonations. Puis, il sort du bureau, et applique l’arme, contenant une dernière balle, contre sa tempe, et s’écroule dans une mare de sang.

Les 3 blessés sont transportés d’urgence à l’hôpital des Hauts-Clos.

On prévient Sylvie Machado que son mari est mort. Ce chef d’atelier venait déménager dans un pavillon à Verrières. Il laisse 3 enfants âgés de 15 mois, 5 et 7 ans. Il était »très doux, très attachant, discret » comme le disait le responsable du club sportif où il préparait une ceinture noire de karaté. Didier Machado était unanimement respecté par les ouvriers de la SMJC. Dulio, lui le solitaire, passait ses après-midi de loisirs à jouer seul au flipper dans un bar de son quartier. Personne ne l’invitait et il n’invitait personne.

Dulio est décédé après avoir passé une journée dans un état de mort cérébrale.

Alain Potencier et Paule-Nicole Guenoun se sont remis lentement de leurs blessures.

Ironie de l’histoire, Dominique Maillot, le délégué syndical a confié qu’en vérité, Alain Potencier n’avait pas l’intention d’aller jusqu’au bout de la procédure de licenciement engagée contre Dulio Melao-Garces. Il lui avait envoyé cette lettre recommandée pour marquer le coup, pour qu’il comprenne qu’il était temps de se reprendre s’il ne voulait pas perdre définitivement son travail.    

 

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