Ne les oublions pas !



Jean Scapula


Jean Scapula voit le jour à Clérey le 4 juillet 1911. C’est là que devait s’éveiller sa passion pour l’archéologie.

 

         Une santé délicate a interrompu de bonne heure les études de Jean Scapula au lycée de Troyes. Grâce à une mère fort instruite, il a pu poursuivre avec elle son instruction générale et, nanti de fortes connaissances, il n’a pas travaillé seul la géologie et l’archéologie pour lesquelles ils avaient des dispositions. Elles avaient été encouragées et cultivées par son grand-père maternel, M. Eugène Philippon, fouilleur de vieux papiers et collectionneur des traditions de son terroir.

 

C’est ainsi qu’il a tenté le premier essai qui a décidé de sa carrière, dans le hameau de Roche, où il a extrait des ustensiles domestiques de la fin de la période néolithique et du début de l’âge du bronze.

 

Avisé de la possibilité de l’existence d’un cimetière antique à Clérey, son pays natal, où le dicteur Scapula, son père, a pratiqué longtemps la médecine, il a, en 1936, attaqué le sol d’une propriété appartenant à M. Darsonval vétérinaire, au bord du plateau que baigne la Seine. Il a creusé des tranchées qui lui ont livré le secret de 117 tombes : couteaux variés en fer, boucles de ceinturons, de ceintures et d’oreilles, bagues, bracelets de bronze damasquinés d’argent, colliers de perles et d’ambre, quelques sarcophages du V° siècle sans couvercle.

 

         En 1937, il va à Gyé-sur-Seine. D’une carrière de sable à ciel ouvert, aux abords du village jadis fortifié, lieu dit « Derrière les Murs », où avaient été autrefois tirés quelques sarcophages. M. Scapula en découvre 22, ainsi que des traces de cercueils en bois, situant la nécropole d’une population assez dense, ayant vécu entre le VI° et le VIII° siècle. Il note l’inventaire de 45 tombes, relève les ossements de 28 hommes, 18 femmes et 4 enfants, superposés ou couchés côte à côte et la présence d’un mobilier funéraire abondant de couteaux, de fers de lances, de scramasaxes (armes blanches), 1 épée damassée, un fourreau en cuir, 1 jolie francisque du type de celle du père de Clovis, des boucles de ceinturons, de ceintures, plaquées ou damasquinées d’argent, des colliers de perles, d’ambre et de céramique, des fibules d’argent doré… d’époque mérovingienne.

 

         Très vite, son engouement pour le Haut Moyen Age, le placera parmi les spécialistes de la civilisation mérovingienne, avec les fouilles qu’il mènera dans diverses nécropoles auboises de cette époque, sans délaisser pour autant les autres périodes.

 

Une interruption due à la maladie, ne lui permet de reprendre son activité qu’en 1943, avec l’ouverture d’un chantier archéologique sur le site remarquable de la butte de l’église à Isle-Aumont, berceau de sa famille maternelle, où il extrait des ustensiles domestiques de la fin de la période néolithique et du début de l’âge du bronze.

 

Isle-Aumont est dominé par une butte haute d’une dizaine de mètres, large de 100 à 120 mètres, qui s’appelait vers le VI° siècle « Insula oppidum », et était un refuge déjà ancien. Jean Scapula s’y livra à des sondages méthodiques et opéra des déblaiements minutieux atteignant à des profondeurs allant d’un mètre au centre, à 10 au nord et à l’est. De tout le terrain, il tira sarcophages, pots, vases, ustensiles, armes bijoux, bouts de poteaux, cendres… qui pour la plupart sont au Musée de Troyes. Il a relevé plus de 600 sépultures, dont les plus anciennes sont du V° siècle (voir plus tard le chapitre : « Fouilles sur la Butte d’Isle-Aumont »).

 

Conjoncture très rare, Jean Scapula a pu prouver la pérennité de la vie sur une butte et d’en fixer les caractères à 5 périodes successives de l’existence humaine.

 

A l’ombre du clocher, avec une patience et une rigueur exemplaires, après avoir procédé à des fouilles considérables, parmi les plus importantes de France, il conduira ses recherches en parfaite harmonie avec Jacques Bauer et Serge Morisseau alors architectes des Bâtiments de France.

 

         Déjà membre correspondant du service des Monuments historiques et des fouilles, correspondant du ministère de l’Education nationale, il est nommé chargé de mission par le ministère des Affaires culturelles, pour la surveillance archéologique des travaux de Troyes, en 1962, avec 2 de ses collègues, le docteur Balet et Jean Bienaimé. Il apporte une contribution de grande valeur pour la connaissance d’Augustobona.

 

Lorsque le sol était gelé, toute activité sur la butte d’Isle-Aumont cessait. M. Scapula se retirait dans le modeste isoloir de savant qu’il s’était réservé dans la petite maison d’une architecture toute personnelle qu’il avait édifiée sur une des caves du château féodal d’Hugues 1er comte de Troyes, et premier comte de Champagne, et il y analysait ses trouvailles et en dressait l’inventaire.

 

On le retrouve à Troyes, sur des chantiers où il met en évidence des traces de l’occupation gallo-romaine, notamment rue Louis-Ulbach, rue de la Paix, rue Général-de-Gaulle, boulevard Victor Hugo, aux carrefours Patton-Voltaire, Pasteur-Gambetta et Turenne-Saussier. Nous lui devons également des interventions lors de certaines découvertes archéologiques dans le département de l’Aube.

 

Jean Scapula publiait régulièrement le résultat de ses recherches, accompagné de commentaires particulièrement pertinents, et avec le souci de la précision et du détail qui le caractérisait.

 

Mais c’est son ouvrage en 2 volumes, avec plus de 700 pages, qui est l’œuvre maîtresse de cet archéologue confirmé. Aboutissement de plus de 30 années de recherches assidues, œuvre de toute une vie, Jean Scapula publie en 1975 « Un haut lieu archéologique de la haute vallée de la Seine : La butte d’Isle-Aumont en champagne, du néolithique au carolingien », avec reproduction de 600 pièces de fouilles, 358 pages, et en 1976, une deuxième partie, 366 pages : « Isle Aumont historique, du X° siècle à nos jours », avec plans et reproduction de nombreuses pièces de fouilles.

 

 En effet, « La Butte d’Isle-Aumont en Champagne, Haut-Lieu archéologique de la Haute Vallée de la Seine », apporte une moisson inappréciable de renseignements sur un site prestigieux qu’il avait découvert et fouillé pendant 18 ans, et auquel son nom restera attaché.

 

Tout y est décrit, expliqué, de la même manière  qu’il présentait le site lors des visites commentées qu’il assurait presque sans relâche, notamment le dimanche après-midi et au moment de la saison touristique. Nombreux sont ceux, adultes et écoliers, qui ont profité de ces passionnantes visites. L’auteur se lit facilement. Il s’est voulu accessible à tous et a su se faire entendre du profane. Il n’a rien négligé pour cela : l’illustration, plans, dessins, photographies sont abondantes et fournissent des documents de premier ordre.

 

Le professeur Roland Martin, Doyen honoraire de la faculté des Lettres de Dijon, professeur à la Sorbonne, le définissait parfaitement : « Tour à tour archéologue et historien, fouilleur et restaurateur, savant austère et pédagogue accueillant, Jean Scapula a donné l’exemple d’une œuvre  de résurrection dont aucun des aspects n’a été négligé ».

 

Tant dans l’église d’Isle-Aumont qu’au musée des Beaux Arts et d’Archéologie de Troyes où se trouve l’ensemble du mobilier recueilli lors des fouilles, Jean Scapula confie aux générations futures, un riche patrimoine historique.

 

Jean Scapula, décède le 24 mai 1991.

 

        Quelques jours après, c’est la création d’une « Association Jean Scapula pour la sauvegarde de la butte d’Aumont », présentée et acceptée à l’unanimité par les conseillers municipaux des communes d’Isle-Aumont et des Bordes-Aumont. Le 4 novembre 2016, tous les travaux prévus par Jean Scapula ayant été réalisés, l’association est dissoute. Ce doit être un crève-cœur pour tous ces bénévoles, qui se sont se dévoués pendant 25 ans, pratiquement tous les jours, venant sur un simple coup de sonnette ou un coup de fil accueillir des visiteurs du monde entier, pour faire le guide éclairé ! Aujourd’hui, ces visiteurs se trouvent devant la grille de l’église fermée !

 

Espérons que prochainement, le Département, Troyes Champagne Métropole, Troyes Champagne Tourisme, le Musée Saint-Loup de Troyes, les Conseils municipaux d’Isle-Aumont et des Bordes… pourront se réunir et redonner vie à ce véritable trésor.

 

N’oublions pas qu’en 375, a été fondé à Isle Aumont, le plus ancien monastère de la Gaule

 


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